La stupide théorie du remplacement<!-- --> | Atlantico.fr
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commerce non essentiel activité France économie
commerce non essentiel activité France économie
©JEFF PACHOUD / AFP

Les entrepreneurs parlent aux Français

Face à l'impact économique de la crise sanitaire, les inquiétudes sont majeures pour certains secteurs comme la restauration, le commerce ainsi que pour l'emploi. Les commerces et les emplois qui ne survivront pas à la crise seront-ils remplacés si facilement ?

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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En ces temps bénis des dieux de la gouvernance, qui révèle sans plus de fard, que la France ferait bien et vite d’arrêter de confondre QI et intelligence, formation clanique et certitude, brillance et lumière, une théorie stupide de plus, se fait jour chez nos technocrates et économistes de salon : La théorie du remplacement.

Portée par les mêmes brillants économistes français qui mûrissent leurs brillantes théories, un cigare à la main, TF1 en toile de fonds sonore, dans quelques salons Parisiens où il fait bon faire semblant de réfléchir, cette théorie voudrait que les emplois et les commerces peuvent mourir provisoirement, car ils seront remplacés très facilement. Comme toute théorie mûrie à Paris, par les mêmes qui ne croyaient pas au NON à l’Europe, qui ne croyaient pas au Brexit et qui pensaient que la révolution écologique passait par l’interdiction de la voiture au provincial, elle s’échoue sur une plage minée par un virus qui leur reste inconnu : La connaissance de la réalité qui préside aux territoires « barbares » qui s’étendent à partir du périphérique Parisien, j’ai nommé les Régions, la province, les autres…

Pour tous ces « experts » autorisés par l’univers de la bienpensance et ses plateaux TV et ses visites du soir, qui n’ont pas d’autres choix que de faire semblant de les croire puisqu’ils n’en ont pas d’autres sous la main, nous pourrions laisser mourir les commerces. Pourquoi ? Parce que selon eux, veillent dans l’ombre, enrichis par la crise (ne me demandez pas d’où sortiraient cette génération spontanée), des milliers de riches français capables dès le lendemain de la liquidation des premiers, de rouvrir les commerces liquidés. Dès lors, le fait que 30 et peut être 40% des restaurants et petits hôtels meurent, n’est pas un problème, car ils seront ré-ouverts le lendemain grâce à la magnifique théorie du remplacement, le nouveau tube du hit-parade de l’asphyxie « intellectuelle » Parisienne. Ce qui est terrible, c’est que même certains journalistes business pourtant éclairés en général, se laissaient aller à des tweets la semaine passée, en disant que finalement, on « tuait » en France un nombre d’emplois équivalent à la « normale », et que ce n’était pas si grave. Il est vrai que si l’on calcule ainsi, la France va bientôt racheter la Chine et Alcatel va renaître de ses cendres !!

Ils pensent également, mais nous y reviendrons dans un article ultérieur (chaque jour sa peine), que les emplois détruits, pourront être facilement recréés par la miraculeuse planche à billet. Cet outil magique qui tourne à plein régime, pendant que les plus « fous » rêvent déjà que tous les pays du monde, dans un bel esprit d’unité et de lâcheté collective, se pardonneront les uns les autres, en annulant la dette, pourra sans aucun doute permettre à ces méchants capitalistes de reprendre le lendemain ceux qu’ils auront licencié la veille, puisque, on le sait bien, les entreprises ont un seul but, se débarrasser des hommes qui les composent. Rien à voir avec l’économie et la réalité du marché, bien entendu !!

En quoi cette théorie du remplacement est-elle une véritable hérésie ? Très simple, elle tient en 2 raisons que nous pouvons imager à travers l’analyse de la profession la restauration :

  1. En temps normal, quand 1 ou 2% des restaurants, bars, ferment chaque jour en France, il y a effectivement un client prêt à reprendre. Surtout pour les meilleurs emplacements. Les autres traînent ou meurent. Le cédant s’en sort à peu près, en vendant quelques éléments de son fonds de commerce (ou le liquidateur le fait pour lui) ce qui permet de payer même maigrement les créanciers autres que le trésor public ou l’urssaf, qui pour une raison qui m’échappe toujours, passent avant les autres. Donc à ce niveau, la théorie du remplacement, effectivement, fonctionne. Mais quand vous avez 30, ou 40% des bars et restaurants qui ferment, vous ne trouverez jamais une génération spontanée de 38% de restaurateurs en herbe, tout à coup excités par l’idée, en pleine récession, de monter un bar ou un restaurant, dont ils ne savent même pas s’ils pourront l’exploiter librement dans les 2 prochaines années.

Nos économistes en salon privé, habitués à des cercles où les serveurs et tenanciers ont l’âge des murs qui les abritent, ont juste oublié ce petit paramètre. Ce qui fonctionne pour 1 ou 2%, ne fonctionne plus pour un taux de 40% de disparition. Pour vous et moi, c’est évident. Pour eux, cela n’est pas. Leurs tableurs Excel, leurs simulations, les mêmes que le président Macron utilisa pour nous sortir ce chiffre ridicule de 400 000 morts potentiels (!), échouent toujours sur le même écueil : La réalité.

  1. Pire encore, pour nos amis Parisiens, experts de leur seul territoire, et encore, c’est que la théorie du remplacement, si elle peut marcher aux conditions indiquées ci-dessus, à Paris, Lyon ou Marseille, ne marchent pas à Flers, Pitiviers ou St Herblain. En clair, quand un café de village ferme, mort au champ d’honneur du confinement, malgré l’absence de cas dans sa région, il ne ré-ouvre JAMAIS. Les emplois, commerces et entreprises, perdus dans les villes de moins de 30 000 habitants (notamment) ne repoussent jamais, même avec des subventions Parisiennes ou Brusseloises. Ces engrais de salon, ne marchent pas sur les terres « rurales » (où je suis né). Personne pour racheter le fonds de commerce de la misère, et toute la capacité d’attractivité de la ville s’écroule alors, un peu plus inexorablement. Ce qui explique que sur nos 36 000 communes, comme dans les Etats du centre des USA (ceux qui ont voté pour Trump), les gens meurent progressivement et fuient vers les grandes villes pour y associer leur misère.

En clair, cette théorie qui ne marche déjà pas à Paris, marche encore moins en région. Car la plupart des villes et villages, terreau des Gilets Jaunes, du désespoir des territoires, tiennent à un fil et que personne n’aime l’équilibrisme. Pas plus que les médecins, qui ne veulent plus arpenter les campagnes, aucun entrepreneur ne se bat pour investir dans ces territoires, sauf dans les reportages télé des bobos Parisiens.

En clair, cette théorie est ridicule, sans fondement, déconnectée, comme nos dirigeants, qui pourtant semblent vouloir y croire. Ce qui prouve encore, que définitivement, Paris a perdu le sens commun, et que le fait d’être hébergé à la Lanterne, ne suffit pas à éclairer la réalité.

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