La sortie de crise ne peut passer que par le redressement économique, mais ni LFI ni le RN ne le préparent<!-- --> | Atlantico.fr
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Eric Ciotti et Jordan Bardella lors d'une réunion au siège du MEDEF à Paris, le 20 juin 2024.
Eric Ciotti et Jordan Bardella lors d'une réunion au siège du MEDEF à Paris, le 20 juin 2024.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Atlantico Business

C’est l’angoisse des chefs d’entreprise aujourd’hui : aucun des programmes politiques n’est capable d’assurer une sortie de crise. Pas plus la droite radicale que la gauche extrémiste. Les dirigeants raisonnables et responsables sont désemparés et, dans l’immédiat, politiquement impuissants.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les chefs d’entreprises du Medef et de la CGPME ont écouté, questionné, mais n’ont pas vu une sortie politique à la crise qui permettrait de protéger des conditions économiques équilibrées. Donc, politiquement, les chefs d’entreprise évitent de se mouiller, du moins publiquement. Bruno Le Maire a bien essayé depuis la dissolution de défendre le bilan des 7 années passées à Bercy, sans recevoir en retour un début de soutien. Le problème est ailleurs. Il reconnaît à demi-mot, comme Édouard Philippe d’ailleurs qui lui est beaucoup plus explicite, que l’exécutif dont il fait partie s’est mis dans une situation ingérable, par maladresse et arrogance.

Le ministre de l’Économie prend sa part de responsabilité certes, mais un peu comme le directeur financier d’un grand groupe qui garde un devoir de réserve, de loyauté dans la stratégie d’un président qui a pris sa décision tout seul. Alors parfois, sa colère froide déborde et il ne peut s’empêcher de reprocher aux chefs d’entreprise d’oublier qu’il a fallu prendre beaucoup de risques pour sauver le modèle économique français.

Les chefs d’entreprise ne se mouillent pas trop parce que leur job est de gérer leurs entreprises, et ce n’est pas très facile actuellement parce que la visibilité est mauvaise. Leur job est de réaliser la synthèse entre leurs salariés, leurs actionnaires et leurs consommateurs, et certainement pas de leur dire pour qui voter. Leur devoir c’est aussi c’est d’améliorer leur visibilité, savoir ce que les politiques préparent et les prévenir des risques qu’ils pourraient faire prendre au système économique. Les chefs d’entreprise ne se mouillent pas sur les plateaux télé, publiquement, mais jamais ils ne se sont autant mobilisés en privé pour contacter et discuter avec les responsables politiques.

Le problème, c’est que les responsables politiques qui sont en position d’accéder au pouvoir sont totalement fermés à leurs analyses et la relation tourne au dialogue de sourds. Les explications économiques, les contraintes, ne passent pas auprès des leaders politiques.

L’analyse n’est pourtant ni morale, ni idéologique, même si le monde des affaires rappelle qu’on aurait bien besoin de se souvenir de nos valeurs et de nos racines.

L’analyse est purement technique. Le fonctionnement de l’économie n’a jamais été aussi rationnel et scientifique. C’est-à-dire rattaché aux faits et aux chiffres et leur cohérence.

Le redressement du pays ne pourra être qu’économique ou ne sera pas. Parce que les peuples ont besoin de prospérité, c’est-à-dire d’une amélioration des conditions de vie, c’est-à-dire d’une capacité à satisfaire les besoins. Nous traversons une époque avec le sentiment que cette ambition ne pourra pas être satisfaite.

Pour plein de raisons, le ressenti l’emporte sur la réalité et amplifie l’inquiétude générale sur l’avenir. Aucune religion, aucune idéologie, aucune philosophie depuis deux siècles ne peut offrir d’alternative satisfaisante au déficit de prospérité. La grande majorité des peuples de la planète s’est pliée à cette nécessité de satisfaire ce besoin de prospérité. Et chacun sait comment résoudre l’équation.

Il suffirait donc de rétablir et de respecter les conditions d’un bon fonctionnement de l’économie de marché, ce qui n’est plus le cas. En bref, le redressement économique a besoin de plus de production et plus de travail. Plus de production au niveau des entreprises et plus de travail sous toutes ses formes pour innover, organiser et exécuter.

Ce qui est inquiétant, c’est que la France semble refuser les termes de cette équation. Aucun des programmes politiques qui devrait répondre aux besoins ne prône plus de production d’un côté et plus de travail, plus d’économie de marché. Aucun des programmes ne stipule que pour pouvoir distribuer de la richesse, il faut d’abord la produire.

Au contraire, les programmes tournent le dos à ces obligations. Ces programmes sont des programmes de rupture avec le système, avec le modèle de l’économie de marché.

Le programme du nouveau front populaire propose plus de pouvoir d’achat sans prévoir une action capable de booster la production. Il y a belle lurette que les mécanismes keynésiens ne peuvent plus fonctionner. Distribuer du revenu disponible dans un pays qui ne produit pas mais qui importe massivement, s’oblige à importer encore davantage ou alors à assumer des pénuries ou de l’inflation. En bref, il crée du chômage et de la frustration. Plus grave, il creuse ses déficits budgétaires et sociaux, donc de l’endettement qui conduit directement au défaut de paiement, donc au blocage du système.

En clair, le programme de LFI a été écrit pour conquérir le pouvoir mais certainement pas pour exercer le pouvoir.

L’entreprise d’appauvrissement qu’il porte en germe signifie en fait que leurs auteurs ne tiennent pas à gouverner.

Les cadres du RN (la droite radicale) veulent sans doute accéder au pouvoir et l’exercer, c’est la raison pour laquelle le RN a adouci les angles de son programme de réformes économiques et sociales inapplicables au départ, pour le rendre plus acceptable par les chefs d’entreprise et surtout les marchés, mais ces adaptations sont très confuses et risquent fort de ne pas inspirer confiance à leurs électeurs.

Si l’un ou l’autre des deux programmes extrêmes (LFI ou RN) était en capacité d’être appliqué, il provoquerait un affaiblissement et un désordre dans les entreprises, et dans les majorités politiques qui se fractureraient compte tenu des désaccords sur les projets eux-mêmes. Ne parlons pas du désarroi de certains fragments de la population perdante, frustrée ou déçue par des promesses non délivrées.

Les verrous juridiques et financiers existent, les contre-pouvoirs aussi. Dans leur application, les programmes affirment avoir besoin de l’Union européenne, de l’euro et même d’un système d’échange international mais la régulation qu’ils impliquent s’avérerait incompatible avec l’appartenance à l’Union européenne et le système économique mondial. La sortie de fait de l’euro d’un côté et la mise en place de barrières protectionnistes ne sont guère propices à générer des progrès de prospérité.

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