La NASA annonce qu’une technique de refroidissement développée pour l'espace permettra une recharge accélérée des voitures électriques sur Terre<!-- --> | Atlantico.fr
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Des véhicules électriques stationnés sur un parking. Une technologie innovante, développée pour la NASA, pourrait apporter des solutions sur le temps de recharge des batteries.
Des véhicules électriques stationnés sur un parking. Une technologie innovante, développée pour la NASA, pourrait apporter des solutions sur le temps de recharge des batteries.
©JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Innovation

La NASA a présenté un système de refroidissement nouvelle génération qui pourrait permettre d'accélérer la recharge des véhicules électriques.

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Chargement des véhicules électriques, la problématique de l’accélération

Jean-Pierre Corniou : La mutation du parc automobile mondial des véhicules à moteur à combustion interne vers les véhicules électriques représente un tel enjeu climatique et économique que les innovations y sont florissantes.  Il n’est pas de semaine qui ne soit marquée par des annonces portant sur chacun des composants de la chaine cinématique du véhicule électrique, batteries, moteurs électrique mais aussi sur l’architecture du véhicule, la structure de l’habitacle et l’électronique embarquée. Pour détrôner le véhicule thermique, fort de 140 ans de perfectionnements techniques continus, l’industrie doit résoudre les problèmes d’autonomie, de temps de chargement, de poids, de sécurité qui pénalisent encore la solution électrique. L’impact environnemental, quant à lui, est concentré sur la production des batteries, processus industriel complexe qui fait appel à des matériaux (lithium, cobalt, manganèse, nickel) produits par l’industrie extractive.  La traction électrique représente donc aujourd’hui un immense chantier d’innovations à travers lesquelles les constructeurs opèrent des choix pour apporter au marché les réponses de fiabilité, de sécurité et de praticité attendues par les consommateurs. Mais, comme toujours dans les technologies émergentes, il est très difficile d’identifier celles qui ont le plus de probabilité de dépasser le stade du laboratoire pour être multipliées en centaines de millions d’exemplaires dans les flottes de véhicules électriques. Le véhicule électrique n’est plus une fiction ; il commence, patiemment, à remplacer les véhicules thermiques. Le marché du VE est aujourd’hui une réalité : 25% des voitures produites en Chine au cours des 9 premiers mois de l’année  2022 sont des NEV, New Energy Vehicle, dont 76% de voitures électriques à batteries. En septembre 2022, 30,4% des voitures vendues en Allemagne étaient hybrides et 19, 7% électriques, soit plus de la moitié du marché en NEV. L’augmentation du parc électrique accroit la nécessité de trouver rapidement des solutions opérationnelles de plus grande échelle au problème de la recharge en itinérance. 

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Mais le véhicule électrique dans sa forme actuelle n’a connu qu’une courte histoire de dix années.Les produits de 2030 ne ressembleront pas aux véhicules qui sortent actuellement des chaînes de montage. Aussi, la multitude d’innovation est une bonne nouvelle pour cette industrie naissante qui a l’ambition de révolutionner la mobilité sous des formes qui ne seront pas seulement une évolution de la voiture à moteur thermique, mais une rupture dans les designs, les fonctionnalités et les usages. Le temps de chargement fait partie des irritants qui jusqu’alors ont pu retarder l’adhésion à l’électrification du parc. Tout ce qui permet d’effacer la différence entre véhicule thermique et véhicule électrique est donc un facilitateur d’adoption. 

Atlantico : La technologie Flow Boiling and Condensation Experiment (FBCE), pensée pour les missions de la NASA pourraient rendre le chargement des voitures électriques sur Terre plus rapide et plus facile. De quoi retourne exactement cette technologie ? 

Jean-Pierre Corniou : Le portefeuille technologique de la NASA est d’une grande richesse car la conquête de l’espace a forcé chercheurs et industriels à trouver de nouvelles réponses aux problèmes de la présence humaine et de mobilité dans un environnement hostile. Le programme scientifique de la NASA, the Science Mission Directorate (SMD), contribue ainsi à la recherche fondamentale et à la diffusion des sciences dans de nombreux domaines qui explorent les liens entre les produits de la conquête spatiale et les problématiques de la vie sur terre. Les véhicules spatiaux nécessitent des équipements fiables, efficients et compacts pour fournir l’énergie, contrôler la température et créer les conditions de la vie à bord. 

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C’est dans le cadre de ces travaux multiples que la NASA a mis au point avec l’Université Purdue, de West Lafayette en Indiana, un dispositif de gestion de dissipation de la température utilisant les propriétés thermiques de la transformation d’un liquide en vapeur. Ce procédé a été testé dans la Station internationale en août 2021. Le FBCE, pour Flow Boiling and Condensation Experiment, est un dispositif qui s’est révélé dix fois plus efficace pour évacuer rapidementla température qu’un système de refroidissement liquide pur. Or la charge d’un véhicule électrique se traduit par l’élévation de température du câble de connexion entre la source électrique et la batterie d’autant plus élevée que l’intensité du courant est importante. Les câbles supportant 350 ampères utilisés pour la recharge rapide sont plus complexes et rendent le câble lourd et difficile à manipuler ; le poids du câble et les risques liées à l’échauffementlimitent donc l’intensité du courant utile. Les superchargeurs de Tesla ne supportent pas une intensité supérieure à 520 A. Or, pour pouvoir charger les batteries en moins de 5 minutes, il faut être capable d’exploiter un courant de 1 400 ampères.Il faut donc être en mesure de dissiper la chaleur produite de façon efficace et exploitable. En utilisant la technologie de refroidissement testée par la NASA, l’équipe de recherche est parvenue à multiplier par un facteur 4,6 la puissance des plus puissants chargeurs actuels.Ce câble, d’un diamètre de 6,35 mm est entouré d’une enveloppe de 23,62 mm de diamètre qui est équipé du dispositif de refroidissement qui transforme un fluide caloporteur en vapeur. Il permet en effet de délivrer 2 400 ampères, largement au-dessus des 1 400 ampères nécessaires pour atteindre l’objectif d’une charge en moins de 5 minutes. La conception du système de refroidissement du câble, et des prises, devient donc un élément critique des systèmes de recharge rapide. Cette innovation est donc un élément intéressant de l’évolution de l’ensemble de la chaine électrique. 

Quel impact pourrait concrètement avoir cette technologie sur les véhicules électriques ? 

Jean-Pierre Corniou : Pour ancrer définitivement le véhicule électrique dans le paysage de la mobilité, il faut résoudre de façon industrielle et économique l’équation autonomie/vitesse de chargement. Aujourd’hui l’autonomie s’acquiert en multipliant les batteries embarquées et donc le poids du véhicule. Le temps de rechargement est réduit en augmentant la puissance des chargeurs et également la capacité des véhicules à accepter des transferts rapides d’électrons avec un chargeur embarqué, qui convertit le courant alternatif délivré par le réseau en courant continu stocké par la batterie, de puissance suffisante. Certains chargeurs délivrent directement du courant continu et permettent d’atteindre des puissances de recharge plus élevées avec les prises Combo CCS. 

Le poids des batteries qui alourdit les véhicules compromet la stratégie d’allégement du véhicule et la réduction des matières premières utilisées qui sert l’objectif de réduction de l’empreinte environnementale. Car pour conquérir le marché, le véhicule électrique doit faire la preuve de ses vertus environnementales. Dans cette recherche permanente du compromis gagnant, accélérer de façon efficiente la vitesse de rechargement apparait un élément clef qui permettra au véhicule électrique à batterie de faire au moins aussi bien que son concurrent à hydrogène, et faire oublier l’essence. Cela règle aussi le risque d’embouteillage devant les bornes de recharge que redoutent les exploitants lors des périodes de forte densité de trafic. 

Cette technologie est aussi un argument intéressant pour les véhicules lourds dont le temps de recharge serait largement réduit, redonnant aux batteries un avantage concurrentiel par rapport à l’hydrogène. 

A quel point le chargement des voitures électriques reste-t-il, à l'heure actuelle, si ce n'est problématique du moins améliorable ?

Jean-Pierre Corniou : Le souci majeur des utilisateurs de véhicules électriques est bien d’éviter la panne sèche immobilisante, et, avouons-le, humiliante pour le conducteur d’un véhicule électrique qui se sent plutôt fier de porter un message environnemental. La parade est d’abord de disposer dans son véhicule d’une autonomie confortable, de maîtriser la consommation électrique, et d’en avoir une mesure précise, et enfin de disposer d’un réseau de bornes de recharge suffisamment dense pour être en mesure de récupérer rapidement l’autonomie nécessaire à l’atteinte de son lieu de destination. Ces problèmes ne sont pas nouveaux et se posent avec un véhicule thermique comme on peut le constater en période, heureusement rare, de pénurie de carburants. On peut aussi analyser l’évolution des pratiques sociales avec la transformation des pratiques de fourniture des carburants liquides qui a conduit les utilisateurs à mieux anticiper leur approvisionnement. En effet, la réduction du nombre de stations-services a été particulièrement spectaculaire en France, passant de 47 500 stations en 1975 à 11 151 fin 2021, pour un parc automobile qui a doublé. L’image du pompiste de proximité, artisan indépendant, s’est estompée au profit des grandes stations modernes, automatisées et impersonnelles. La moitié du parc des stations-services est géré par les grandes et moyennes surfaces (GMS), représentant 63% des volumes de ventes de carburants. La crainte de tomber en panne d’essence n’est plus une préoccupation majeure des automobilistes. Or ce n’est pas le cas pour l’électrique alors qu’il existe 66 000 bornes de recharge publiques en France et que plus de 80% des recharges sont faites à domicile ou sur le lieu de travail. C’est bien le temps de recharge qui soucie les conducteurs.

A quel horizon temporel pourrions-nous voir des applications de cette technologie spatiale dans les filières de véhicules électriques ?

Jean-Pierre Corniou : Une seule technologique isolée ne révolutionnera pas le paysage du véhicule électrique. C’est pourquoi il faut suivre l’évolution technique de chacun des composants, mais aussi la capacité d’intégration de ces innovations dans la chaîne totale de mobilité qui implique les équipementiers, les constructeurs, leurs réseaux de distribution et de maintenance et les fournisseurs d’infrastructures. Ce qui a fait le succès de ce produit complexe qu’est la voiture à moteur à combustion interne, c’est la capacité de l’écosystème industriel à faire évoluer le produit final pour le confier à des mains inexpertes, en toute sécurité et en toute fiabilité. L’industrie automobile n’aime pas l’instabilité car elle est garante du bon fonctionnement de ses produits. Si la courbe d’apprentissage de l’industrie automobile dans la maîtrise du véhicule électrique est rapide, les volumes produits sont encore limités. Le passage à une industrie de masse du VE implique la sécurisation de chaque maillon de la chaine, de la production au recyclage final. Mais il est essentiel de conserver l’interopérabilité des conditions d’usage qui a permis la sécurisation des déplacements, grâce à des routes fiables et à des conditions d’accès au carburant standardisés ; le véhicule électrique ne pourra réussir que si ces conditions sont réunies. La standardisation des prises s’est réalisée rapidement, mais l’accès aux bornes - fiabilité, localisation, paiement, installations de bornes en ville et en immeuble collectif - reste encore compliqué. La charge rapide, de 50 kW à 350 kW (High-Power Charging HPC), comme le passage du système 400 V à des systèmes électriques de 800 V, sont indéniablement des facteurs majeurs de réassurance pour les conducteurs qui vont faire basculer l’opinion encore réticente. L’automobiliste a besoin de confiance dans son véhicule et dans l’infrastructure ; c’est dire que la normalisation, la réglementation et la cohésion entre acteurs vont devoir garantir cette sécurité d’usage. 

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