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Les ventes de micro-ondes sont en chute libre de 40% aux Etats-Unis.
Les ventes de micro-ondes sont en chute libre de 40% aux Etats-Unis.
©Wikipédia commons

Grillé !

Les ventes de micro-ondes sont en chute libre de 40% aux Etats-Unis. Les raisons de ce retournement de situation.

Christophe Benavent

Christophe Benavent

Professeur à Paris Ouest, Christophe Benavent enseigne la stratégie et le marketing. Il dirige le Master Marketing opérationnel international.

Il est directeur du pôle digital de l'ObSoCo.

Il dirige l'Ecole doctorale Economie, Organisation et Société de Nanterre, ainsi que le Master Management des organisations et des politiques publiques.

 

Le dernier ouvrage de Christophe Benavent, Plateformes - Sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux : comment ils influencent nos Choix, est paru en mai  2016 (FYP editions). 

 
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Atlantico : Le micro-ondes ne fait plus tant fureur que cela, aux Etats-Unis : depuis 2004, les ventes ont baissé de 40%. Quelles peuvent-être les raisons de ce désamour et dans quelle mesure se retrouve-t-il en France ? En quoi cela préfigure notre avenir ?


Christophe Benavent : Je ne suis pas sûr qu'on puisse parler de désamour, il s'agit vraisemblablement d'un changement dans les habitudes alimentaires des américains. En France, si on en croit les données du GIFAM, il n'y pas pas de réduction des ventes de micro-ondes, au mieux une stagnation depuis 5 ou 6 ans. Je ne suis pas sûr que les données américaines préfigurent ce qui se passe en France, nous n'avons absolument pas la même histoire et culture alimentaire même si nous sommes soumis aux mêmes pressions. En revanche, on observera qu'ici, selon la même source, il y a une réduction forte des ventes de congélateurs passant de 800 000 unités en 2004 à 670 000 en 2013. Cela aura peut-être un effet ultérieurement.

Peut-on dire que le micro-ondes est un emblème de la société de consommation telle qu'on la connait ? Que traduire de ces changements ? Doit-on y voir une évolution dans la façon de vivre et particulièrement de s'alimenter ?

Il y a des changements profonds dans la consommation. Le premier à très long terme est celui du nombre de repas pris à l'extérieur qui est passé de moins de 17% dans les années 60 à plus de 33% aujourd'hui. Cette évolution n'est pas en faveur du micro-onde. Elle ne va pas contre non plus. On peut émettre l'hypothèse simplement que l'usage du micro-onde a changé. Autrefois, compagnon du congélateur pour la fonction de décongélation, il est sans doute désormais utilisé plus pour réchauffer des plats sous-vide achetés le jour même. De ce point de vue le véritable concurrent du micro-onde est le sandwich et le fast-food, plus encore la livraison de repas à domicile, de la pizza au sushi.

Le micro-ondes est-il le seul dans son cas ? Où à l'inverse, on peut penser à d'autres produits de consommation de masse, susceptible de perdre leur attractivité aux yeux des consommateurs ? A l'inverse, quels sont ceux qui apparaissent aujourd'hui comme "fashion" ?

Ce n'est certainement pas une question de mode, mais de changement profond de la consommation. La forte diminution des ventes de congélateurs signifie à la fois l'urbanisation croissante des populations, mais aussi l'abandon du stockage alimentaire. La tendance évidente est celle du snacking et d'une consommation alimentaire immédiate. Ce qui d'ailleurs est paradoxal au moment où les émissions culinaires ont un succès éclatant. Enfin, elles ne sont pas culinaires, elles expriment une sorte d'amateurisme fantasmé. Il doit y avoir une relation inverse entre la pratique culinaire et son spectacle ! Le fait est que nous ne faisons plus à manger, et peut-être que nous n'avons même pas envie de réchauffer des aliments déjà préparés. Nous pourrions préférer être livré. La limite en Europe est que les salaires minimaux, et les charges sociales, font que la livraison n'est pas une solution économique. Rappelons qu'aux Etats-Unis le salaire dans un fast food est de l'ordre de 5 à 7 $ de l'heure, celui des livreurs est du même ordre. L'économie américaine des services est une économie du tiers monde, tout à fait analogue à ce qu'on rencontre au Brésil ou en Indonésie où la livraison à domicile est courante. Bref, le micro-onde sera condamné en Europe quand on acceptera des salaires inférieurs à 5 ou 6 euros de l'heure.

Les Etats-Unis ont souvent une longueur d'avance sur les événements en Europe. Doit-on s'attendre à une chute à moyen ou long terme ? Que signifierait, concrètement, une mort du micro-ondes ?

Les Etats-unis ne sont pas en avance, mais sans doute en retard sur le plan culinaire. Il sont en avance sur l'inégalité salariale. Nous avons une grande avance en manière de compétence culinaire. Le micro-onde maintiendra son marché tant que nous conserverons cette compétence. Au-delà des usages pratiques, tels que celui de réchauffer un verre de lait, réchauffer un plat préparé, le rôle du micro-onde est un complément de la cuisine : décongeler une viande, réchauffer un plat avant son service, ramollir le beurre. Nous n'avons certainement pas le même usage, et c'est à partir de l'usage que l'on doit comprendre les ventes. Même si l'appareil est identique les usages sont différents. Ce qui pèse sur les ventes du micro-onde en France c'est essentiellement la désurbanisation qui s'associe à des pratiques de stockage alimentaire moindre. Si nous étions atteint par le même syndrome américain, celui d'un retour au frais et au naturel, on ne pourrait qu'espérer un retour des ventes. Imaginez que la pratique des AMAP connaisse un développement encore plus prononcé : nous apprendrions à préparer des légumes en quantité et à les conserver. Donc à les décongeler. En Europe, soyons plus attentif au vente de congélateur....

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