La loi pouvoir d’achat : quand aider les plus pauvres revient à épargner les plus riches<!-- --> | Atlantico.fr
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Le projet de loi visant à protéger le pouvoir d’achat est au coeur des débats cette semaine à l'Assemblée nationale.
Le projet de loi visant à protéger le pouvoir d’achat est au coeur des débats cette semaine à l'Assemblée nationale.
©Bertrand GUAY / AFP

Assemblée nationale

L’inflation augmente les recettes fiscales et allège la dette indépendamment de toute décision politique. L'inflation est l’impôt préféré des plus riches.

Julie Graziani

Julie Graziani

Julie Graziani est éditorialiste et essayiste. Elle analyse l'actualité politique pour BFM TV et l'émission 28 Minutes sur Arte. Elle a publié "Tout le monde peut s'en sortir" aux Editions de l'Observatoire, un essai consacré à la mobilité sociale. 

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Le projet de loi visant à protéger le pouvoir d’achat est débattu à partir du 18 juillet à l’Assemblée. Inventaire hétéroclite de mesures d’urgences devant la flambée des prix, cette loi revoit à la baisse le « quoi qu’il en coûte », apparence de sérieux budgétaire oblige, mais s’inscrit bien dans la même logique, celle où l’Etat distribuent des chèques pour venir en aide à sa population. Nos amis américains, qui ont le sens de la formule, parlent d’argent hélicoptère.

A ce stade, le gouvernement s’accroche à la version d’une inflation passagère, liée à la reprise de la croissance post-covid et à la guerre d’Ukraine. Selon Bruno Le Maire, nous sortirions du « pic » fin 2023 (ce qui fait tout de même un pic de deux ans, soit un plateau…) En attendant, on augmente les revenus pour rattraper la hausse des prix. Sauf que personne ne court plus vite que l’inflation, laquelle carbure…. à la hausse de revenus.

Entrons dans les rouages de la machine économique pour comprendre : quoique liées, la richesse et l’argent sont deux réalités différentes. La richesse correspond à ce que vous produisez. L’argent est le moyen par lequel la richesse se mesure, se stocke et circule. Comme il faut de l’argent pour réaliser des transactions, augmenter la masse monétaire revient à huiler la machine pour qu’elle tourne plus vite et plus efficacement. C’est la logique keynesienne : la dépense publique sous ses différentes formes (versement d’allocations, financement de grands projets, embauche de fonctionnaires) stimule l’économie tandis que les politiques d’austérité détruisent de la valeur en contractant l’activité globale. C’est vrai…. Jusqu’à un certain point.

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Quand le volume de liquidités (la masse monétaire) devient sensiblement plus élevé que la richesse réelle (la productivité), il faut toujours plus d’argent public pour un effet stimulant toujours plus faible. Nous sommes dans cette fin de cycle qui cumule une croissance faible et une dépense publique élevée, déséquilibre qui s’observe dans l’accumulation durable des déficits[1] financée par la dette[2]. Rien de nouveau : les Etats ont toujours eu tendance à vivre au-dessus de leurs moyens, autrefois pour financer leurs conquêtes, aujourd’hui pour se payer la protection sociale réclamée par l’opinion. Jadis, ils faisaient tourner la planche à billets, désormais ils recourent à des méthodes plus sophistiquées via les banques centrales : maintien de taux d’intérêts bas, rachat massif d’actifs financiers, tout a été fait depuis 12 ans pour que les Etats puissent s’endetter à moindre coût. La crise sanitaire a été l’occasion d’une ultime cavalerie : des milliards injectés pour substituer une productivité faible, voire nulle.

La loi d’airain de l’économie se moque bien des démagogues qui croient au mythe de la dette perpétuelle. Elle enclenche son propre système de correction pour résorber l’écart entre richesse réelle et liquidités : l’inflation qui rogne le pouvoir d’achat et dévalue la monnaie. C’est un désendettement sournois qui évite la brutalité d’une politique assumée à base de raréfaction du crédit, d’entrée en récession et de redistribution des richesses. L’inflation est l’impôt parfait, celui qui booste les recettes fiscales et allège la dette indépendamment de toute décision politique. C’est l’impôt préféré des plus riches, avec sa progressivité à l’envers, et l’opium du peuple qui croit que l’Etat lui vient en aide alors qu’il ne fait que renforcer le phénomène.


[1] Notons que si Keynes avait toujours raison, le budget de l’Etat devrait redevenir positif après plusieurs années de dépense publique ayant stimulé la productivité ; or, ce n’est pas ce qu’on observe.

[2] L’excédent de masse monétaire et l’excédent de dette sont comme les deux faces d’une même pièce, ce qui est logique puisque contracter une dette revient à obtenir plus d’argent immédiatement que ce que vous pouviez en produire

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