La grande confusion : ces nouvelles fractures de la vie politique française révélées par la crise grecque<!-- --> | Atlantico.fr
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De nouvelles fractures de la vie politique française ont été révélées par la crise grecque.
De nouvelles fractures de la vie politique française ont été révélées par la crise grecque.
©Reuters

Ils en ont parlé

L'extrême gauche veut tout faire pour garder la Grèce dans la zone euro mais ne se prive pas pour autant d'afficher sa défiance vis-à-vis de l'Union européenne. La crise grecque a brouillé les repères politiques traditionnels en France. La séparation distincte entre les pro-européens et les eurosceptiques ainsi que le clivage gauche-droite ont volé en éclats.

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg est directeur de recherche émérite CNRS au CEE, Centre d'études européennes de Sciences Po. 

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Vincent Tournier

Vincent Tournier

Vincent Tournier est maître de conférence de science politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

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Yves Roucaute

Yves Roucaute

Yves Roucaute est philosophe, épistémologue et logicien. Professeur des universités, agrégé de philosophie et de sciences politiques, docteur d’État en science politique, docteur en philosophie (épistémologie), conférencier pour de grands groupes sur les nouvelles technologies et les relations internationales, il a été conseiller dans 4 cabinets ministériels, Président du conseil scientifique l’Institut National des Hautes Etudes et de Sécurité, Directeur national de France Télévision et journaliste. 

Il combat pour les droits de l’Homme. Emprisonné à Cuba pour son soutien aux opposants, engagé auprès du Commandant Massoud, seul intellectuel au monde invité avec Alain Madelin à Kaboul par l’Alliance du Nord pour fêter la victoire contre les Talibans, condamné par le Vietnam pour sa défense des bonzes.

Auteur de nombreux ouvrages dont « Le Bel Avenir de l’Humanité » (Calmann-Lévy),  « Éloge du monde de vie à la française » (Contemporary Bookstore), « La Puissance de la Liberté« (PUF),  « La Puissance d’Humanité » (de Guilbert), « La République contre la démocratie » (Plon), les Démagogues (Plon).

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Atlantico : La crise grecque a fait passer la classe politique au révélateur. Aujourd'hui de nouvelles familles semblent émerger dans la vie politique française. Quelle cartographie peut-on établir à partir de ces positions qui ont évolué?

Yves Roucaute : Cette cartographie est très complexe puisqu’elle appelle des jeux annexes qui prennent souvent le dessus, comme ces jeux concurrentiels pour les régionales et les présidentielles. Ainsi, un Mélenchon, qui tente de faire oublier qu’il fut ministre socialiste, tente de surfer sur une vague populiste et anti-européenne, sans d’ailleurs aucune possibilité d’y réussir car la place est prise par le FN, sans se préoccuper de questions de fond.

Il y a ceux qui soutiennent la Grèce à partir de leur logique souverainiste ou prétendument telle, anti-austérité et populiste, avec le Front de Gauche, les Frondeurs socialistes, le FN, les souverainistes de droite.

Il y a ceux qui ont le courage d’affirmer leur volonté de rigueur et de respect des règles.  Ceux-là sont néanmoins divisés entre un camp strict, qui veut que la Grèce accepte les mesures ou sorte, et un camp plus laxiste, qui voudrait un échelonnement, ce qui se trouve surtout chez les socialistes qui ne veulent pas s’annihiler les soutiens de l’extrême-gauche.

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Il y a ceux, le plus grand nombre, qui naviguent à vue, sans conscience, sans souci de la France, prêts à laisser passer, ou non, les 320 milliards dus, dont plus de 40 milliards à la France, les 32 milliards demandés, les milliards donnés par les fonds européens, les mensonges, la xénophobie de Syrisa, en fonction des sondages et des calculs d’intérêt, selon l’adage d’Edgar France « Ce n’est pas la girouette qui tourne, mais le vent ».  Pour la morale et la grandeur de la France, ils n’ont pas pris d’abonnement.

Pas un parti ne sortira indemne de cette crise. Et il est temps de faire la clarté.

Cette clarté me paraît pouvoir s’énoncer ainsi : une France forte dans une Europe forte. Ce qui va contre la ligne actuelle vers laquelle tend François hollande pour satisfaire sa gauche : une France faible dans une Europe faible.

Vincent Tournier : On voit bien que, avec l’Europe, la division traditionnelle entre la gauche et la droite est devenue en grande partie caduque, voire factice. C’est un théâtre d’ombres. François Hollande mène exactement la même politique que son prédécesseur, et si la droite revenait au pouvoir, elle ferait la même chose que le gouvernement actuel.

Concernant les recompositions politiques, il est difficile de se projeter sur l’avenir. Mais il est effectivement possible, du moins si la crise s’aggrave, que l’on assiste à des rapprochements entre la gauche et la droite. Un gouvernement de coalition est certes plus difficile qu’en Allemagne, qui a l’habitude de ce genre de situation en raison. En France, la culture du  compromis est moins forte et le clivage gauche-droite fait toujours sens pour les électeurs. Cela dit, sur le plan idéologique, les obstacles idéologiques sont minimes.

Quant à l’autre bout de l’échiquier, un rapprochement des mouvements anti-européens paraît encore plus difficile, mais est-il impossible ? On imagine effectivement mal le FN se mettre d’accord avec le Front de gauche pour organiser une coalition électorale. Mais après tout, si la crise se poursuit, et si la direction actuelle du FN parvient à lever définitivement l’hypothèque Jean-Marie Le Pen, les jeux sont ouverts. Rappelons que Marine Le Pen a souhaité la victoire de Syriza et qu’elle ne tarit pas d’éloges pour Alexis Tsipras, dont le gouvernement est justement composé d’une coalition entre la gauche radicale et la droite souverainiste, qualifiée par certains observateurs de coalition « rouge-brun ».

Dans quelle mesure peut-on parler aujourd'hui d'une véritable confusion des clivages partisans traditionnels?

Yves Roucaute : En vérité, nous sommes dans un éclatement des partis qui révèle, paradoxalement,  le retour du régime des partis. D’abord, il nous faut dire que la crise grecque découvre ce qui a été couvert, car elle ne crée par les clivages de fond que nous voyons aujourd’hui. Ils sont là depuis bien longtemps, ils ont simplement été recouverts soit par des considérations tactiques pour répondre à des logiques électorales et des ambitions personnelles, soit par des discours technico-bureaucratiques où l’économie prétendait dicter ses obligations à travers la fameuse théorie de la construction de l’Europe par en haut à coups de petits pas. Il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir des débats de 1992, sur le Traité de Maastricht. Nous avions bien une démonstration de l’impertinence du clivage droite contre gauche dont l’archaïsme se révèle encore aujourd’hui. À droite, au RPR, Séguin et Pasqua avaient pris la tête de l’opposition au Traité contre Edouard Balladur et Jacques Chirac. À gauche, Jean-Pierre Chevènement, les Verts et le parti communiste s’opposaient à François Mitterrand.  Il n’y a guère qu’au centre, favorable au « oui » et au FN, favorable au « non » qu’apparaissait une certaine cohésion. Encore faut-il noter déjà que ni un camp ni l’autre n’était soudé autour d’un même projet, voire d’une même motivation. Ces camps étaient, comme aujourd’hui, des alliances de circonstance. Par exemple, Philippe Séguin est pour le « non » au nom de la « souveraineté nationale », tandis que les Verts d’Alain Lipietz étaient pour le « non » au nom de la construction européenne. Et si les libéraux étaient pour le « oui » ce n’était pas au sens où les socialistes de François Hollande l’étaient.

Or, les clivages au cœur des partis, loin d’avoir été réglés par le vote de 1992, ont évidemment grandi avec le développement de la mondialisation. Ils ont conduit au rejet du Traité présenté en 2005. On a vu ainsi l’explosion du PS, avec Laurent Fabius, Christiane Taubira, Arnaud Montebourg et Bernard Cazeneuve qui ont appelé au « non ».

Ces clivages aujourd’hui ont néanmoins pris une nouvelle dimension. Car aux clivages de fond, qui sont les mêmes, se sont ajoutés des considérations tactiques. Et nous sommes entrés dans le régime des partis. Cela explique ce qui surprend tout commentateur impartial : que ceux qui veulent abattre l’euro, soient prêts à saluer un parti grec qui veut rester dans l’euro. Au moins officiellement. Cela explique aussi l’incroyable mollesse et l’apparente lâcheté de la position française.

Du côté des socialistes, les considérations tactiques ont ainsi rajouté aux différends traditionnels une confusion nouvelle. François Hollande est pris entre son centre gauche socialiste, profondément européen qui sait qu’il est impossible d’accepter le jeu démagogique grec et, d’un autre côté, sa gauche et son extrême-gauche, sans lesquelles il ne peut espérer limiter les dégâts lors des prochaines élections régionales puis présidentielles. D’où ses atermoiements et sa mollesse. Il n’est pas à la remorque de l’Allemagne mais des partis. C’est le gouvernement des partis.

Cette désagrégation est globale et conduit à des jeux obscurs dignes de la IVème République.

A droite, la position des « souverainistes » est plus subtile que les jeux tactiques de la gauche socialiste mais la conséquence est la même : au nom de la souveraineté, et d’une fierté nationale grecque qu’ils croient pouvoir faire remonter au gaullisme, ils ont salué le résultat d’un vote appelé « referendum ». Mais ils veulent seulement exister face aux courants pro-européens de droite. Je ne vois rien de gaulliste là-dedans, car jamais le général n’a violé les règles du jeu démocratique ni menti lors des référendums. Ce prétendu « référendum »  ne mériterait-il pas mieux le nom de « plébiscite », avec des règles démocratiques scandaleusement violées, après seulement 5 jours de campagne sur un texte que peu de Grecs étaient en mesure de comprendre, et où le « non » signifierait finalement « oui » à l’euro et à l’Europe alors que Tsipras est contre depuis des lustres ? Et quand Henri Guaino ou Dominique de Villepin s’éprennent de l’extrême-gauche, officiellement marxiste du côté du ministre de l’économie grec, xénophobe anti allemande, nationaliste, socialiste, immorale et irresponsable, ils me semblent pousser le bouchon un peu loin.

Aux extrêmes, c'est le même jeu des partis. Le Front national salue le vote grec qui fut pourtant officiellement un vote pour la Grèce dans l’Union et dans l’euro. De même Jean-Luc Mélenchon ou le Parti communiste. Il s’agit là d’une position cynique. Toute initiative qui affaiblit le camp des Européens, des pro-américains, des anti-libéraux, leur paraît devoir être soutenue. Sans crainte de l’incohérence totale dans laquelle ils se trouvent car leur vraie cohérence c’est la destruction de l’euro et l’affaiblissement de leurs ennemis.

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Du côté des opposants à l’euro et au maintien de la Grèce dans l’euro, l’un des seuls qui ait une vraie cohérence est Jean-Pierre Chevènement. Il propose d’accompagner la sortie de la Grèce. L’homme, il est vrai, est réputé pour son caractère bien trempé. Mais je crains que le moule dans lequel il a été fabriqué ne produise plus guère de dirigeants politiques du côté des dits « souverainistes ».

Du côté des européistes, il n’y a guère que chez les centristes qu’il  y a une certaine cohérence.

Chez les Républicains, il y a quand même des mouvements browniens impressionnants. Faut-il croire le libéral Raffarin qui annonce une « catastrophe » si la Grèce sort tout en se portant le gardien des règles d’un jeu européen que le pouvoir grec viole avec allégresse, ou Alain Juppé qui déclarait le 6 juillet qu’il fallait « aider »  la Grèce « à  organiser sa sortie sans drame », après avoir proclamé qu’il faut qu’elle « reste avec nous » 6 jours auparavant ? On pourrait multiplier les exemples, à l’exception de quelques responsables plus cohérents, dont Nicolas Sarkozy ou François Baroin, que l’on entend pas assez. En vérité, le sentiment qui ressort est que les jeux politiques concurrentiels en vue de la candidature à la prochaine élection présidentielle sont souvent la clef des positions des uns et des autres.

Pour sortir de ces jeux dignes d’une commedia dell’arte, le souci de la puissance de la France pourrait permettre de revisiter les vrais clivages et d’engager les vrais débats. Ceux qui portent sur l’avenir de la France à l’heure de la crise européenne, et des défis de la mondialisation.

Vincent Tournier : La crise grecque sert de révélateur. Elle met au jour un clivage qui, sans être nouveau, est resté jusqu’à présent à un stade relativement latent. C’est un clivage qui ne correspond pas à la division traditionnelle entre la gauche et la droite. Il oppose plutôt les partis de gouvernement et les partis hors système, ces derniers étant rejoints par les franges minoritaires de chaque camp, par exemple les frondeurs dans le cas du PS. C’est à peu près la configuration que l’on avait observé en 2005 lors du référendum sur la constitution européenne, où le PS et l’UMP avaient fait bloc en faveur du oui. Cette nouvelle « coalition de fait » se retrouve aujourd’hui. Le PS et l’ex-UMP sont globalement sur la même ligne. Ce n’est pas un hasard si Nicolas Sarkozy vient d’annoncer qu’il se mettait en retrait dans le débat sur la Grèce : on imagine mal qu’il se lance dans une critique du gouvernement français, ce qui le conduirait à remettre en cause l’action de l’Allemagne. Notons d’ailleurs qu’en Allemagne, le processus de rapprochement gauche-droite est encore plus avancé puisqu’Angela Merkel dirige un gouvernement de coalition, avec d’ailleurs une ligne très dure à l’égard de la Grèce.

Cette recomposition des clivages politiques se joue évidemment sur la « question européenne », qui se présente désormais comme l’équivalent de ce qu’on appelait autrefois la « question sociale ». L’Europe devient de plus en plus un point de polarisation et de structuration des partis politiques. Jusqu’à aujourd’hui, ce clivage est resté relativement discret parce que les débats politiques en France continuent d’être dominés par des considérations nationales, mais aussi parce que les dirigeants politiques de gauche comme de de droite n’ont pas trop intérêt à clamer qu’ils sont globalement d’accord sur l’essentiel, sous peine d’avoir du mal à mobiliser leurs électeurs les jours de scrutin. Les choses changent aujourd’hui parce que les dossiers deviennent plus brûlants (l’euro, les migrants, l’Etat islamique), ce qui oblige à être plus explicite.

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Gérard Grunberg : L'affaire grecque réactive et fortifie des divions qu'on voyait apparaître et se développer depuis l'élection de François Hollande. Le paysage politique français est structuré par un double clivage institutionnel : le premier entre la gauche et droite et le second que je nomme européiste souverainiste. Celui-ci opère des fractures au sein de la gauche d'une part et au sein de la droite d'autre part. A droite c'est assez simple, c'est la différence entre les Républicains et leurs alliés et le Front national. Les Républicains sont très attachés à l'axe franco-allemand et pensent que la seule solution c'est que la Grèce quitte la zone euro. De son côté le FN pense que c'est la France qui doit quitter la zone euro et se félicite donc de ce qui se passe en Grèce. Ce nouveau clivage casse donc la droite en deux. A gauche c'est un petit peu plus compliqué. Vous avez d'une part ceux qui de toute façon sont opposés à la politique du gouvernement qu'il s'agisse des mouvements situés à la gauche du PS ou bien de l'aile gauche du Parti socialiste. Ceux-là d'une façon peu étonnante se réjouissent de la victoire de Tsipras. Ils veulent conserver la Grèce dans l'euro et même de l'aider au maximum en reprenant les négociations. L'idée est que le "non" grec a renforcé Tsipras et il faut négocier avec lui. Et puis à côté, il y a le socialisme gouvernemental à savoir essentiellement le président de la République et ses ministres les plus proches qui eux sont dans une situation intermédiaire. Ils sont à la fois désireux, comme l'a notamment dit le premier secrétaire du parti socialiste, de faire tout pour que les négociations reprennent afin de trouver un accord avec le gouvernement grec et en même temps ils ne se réjouissent pas de la victoire du "non". Ils sont d'autant plus prudent que le président de la République ne doit pas trop s'écarter de la position allemande. Vous voyez, ce nouveau clivage introduit des ruptures et des différences à la fois dans le camp de la gauche et dans celui de la droite.

En quoi peut-on dire qu'un doute émerge chez certains europhiles qui commencent à entrevoir que l'Europe ne pourra pas continuer dans cette configuration-là?

Yves Roucaute : D’une certaine façon, la langue grecque que nous parlons aujourd’hui est une langue politique et c’est bien cette langue qui a manqué depuis la création de l’Union Européenne et qui a permis nombre de tours de passe-passe sur la question centrale du rôle de l’Etat, de sa souveraineté, de sa représentativité, et, finalement de l’avenir de la France dans le monde à l’heure de la construction européenne et de la mondialisation. Il faudrait que les députés se demandent clairement où est l’intérêt supérieur de la France. Clairement, cela signifie que nous ne pouvons nier l’existence d’une concurrence exacerbée qui contraint la France à ne pouvoir jouer l’isolement et le protectionnisme.  Pas plus que nous ne pouvons jouer le laxisme et le laisser-aller. Tout ce qui renforce la puissance de la France est bon et nous devons réformer l’Europe dans ce sens-là, la mettre sur ses pieds politiques, casser sa boursouflure bureaucratique, afin de renforcer la puissance de la France et, finalement, chacun des partenaires qui joue le jeu devrait y trouver son compte.

Les différentes positions officielles de ces hommes politiques qui découlent de cette recomposition reflètent-elles les opinions de leurs électeurs ?

Vincent Tournier : On a tendance à surestimer l’indépendance des leaders politiques par rapport à leurs électeurs. Or, dans une démocratie, les dirigeants s’adaptent aux demandes de leurs électeurs. C’est pour cette raison que, à mon avis, l’Europe n’est pas la seule responsable de l’évolution des partis politiques. Il faut aussi tenir compte des transformations économiques et culturelles de la société française depuis les années 1960, notamment la désindustrialisation, l’urbanisation, la tertiarisation des empois, la massification scolaire, autant de facteurs qui ont fait émerger une nouvelle classe moyenne supérieure dont les intérêts et la vision du monde sont relativement proches de ceux des classes dirigeantes. On a affaire à des groupes sociaux qui valorisent l’ouverture, la circulation, le métissage, l’idéologie de la réussite, donc qui se sont éloignés des grands principes qui ont structuré les Etats européens comme le nationalisme, la souveraineté, ou même l’Etat-providence, jugé désormais lourd et déresponsabilisant. L’Europe apparaît alors comme le moyen de réaliser ce nouvel idéal post-moderne et post-démocratique. Le problème est que cet avenir laisse peu de place aux perdants de la mondialisation, à ceux que les élites taxent volontiers de populistes parce qu’ils ne partagent pas le rêve d’une société ouverte et mobile. Le vocabulaire utilisé est ici significatif de cette évolution. De nombreux observateurs opposent ainsi l’ouverture et la fermeture, les électeurs « ouverts » (sous-entendu : qui vont dans le sens de l’histoire) et les électeurs « fermés », accusés de se rétracter sur un monde qui doit disparaître. Cette présentation est fallacieuse car elle interdit de penser les conséquences négatives de « l’ouverture » et les conséquences positives de la « fermeture ».

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