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La fusée réutilisable du patron d’Amazon pourrait lancer une nouvelle ère de l'exploration spatiale… et être un business très juteux
©Blue origin

A la conquête de l'espace

Si à chaque fois qu'on prenait l'avion, il fallait le détruire après usage, il serait très cher de voyager en avion. C'est pour cela que, même si nous avons depuis les années 60 la technologie qui permet d'aller sur la Lune et sur Mars, nous n'allons pas encore y passer nos vacances. Deux milliardaires américains essayent de changer ça.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Une rivalité entre deux des meilleurs entrepreneurs du monde, et grâce à ça les technologies spatiales, qui n'ont pas vraiment évolué depuis l'époque de la navette spatiale dans les années 80, on fait des bonds en avant frappants, en quelques années.

Aujourd'hui l'actualité parle de Jeff Bezos, plus connu comme le fondateur d'Amazon, qui a révélé au monde une vidéo d'un prototype de fusée réutilisable qui a décollé, est allé dans l'espace, est redescendu, et a atterri seul tout droit. Il s'agit d'un petit prototype, mais c'est néanmoins une percée capitale : une des premières fusées réutilisables privées à être allée dans l'espace. Et le prototype est assez grand pour transporter une capsule de six personnes. Blue Origin, l'entreprise fondée par Bezos en 2000 pour travailler sur des projets de voyage dans l'espace, avait jusqu'à présent opéré dans le secret. 

Ces derniers temps, on avait beaucoup plus entendu parler d'Elon Musk, fondateur de SpaceX, l'autre pionnier du voyage privé dans l'espace. Musk aussi a commencé comme entrepreneur du net, un des co-fondateurs de PayPal, rachetée par eBay en 2002 pour 1,5 milliards de dollars. Depuis il a créé non seulement SpaceX, mais également Tesla Motors, l'entreprise de voitures électriques, et SolarCity, un des pionniers de l'énergie solaire aux Etats-Unis. 

Contrairement à Blue Origin, Musk aime faire parler de lui et de son entreprise, et SpaceX a fait ses progrès devant le monde entier. En effet, si Blue Origin prévoit de commencer seulement avec le tourisme spatial, avec sa petite fusée qui envoie une capsule dans l'espace à des altitudes suborbitales, SpaceX est concurrent d'Arianespace et d'autres pour le lancement de satellites commerciaux, et ses fusées Falcon et Dragon sont similaires aux fusées traditionnelles. SpaceX travaille à construire des fusées réutilisables, mais pour l'instant si certains prototypes ont eu des résultats encourageants, aucun n'a pour l'instant atteint l'espace. 

Après que Jeff Bezos a publié sur Twitter une vidéo du décollage et (surtout) de l'atterrissage de sa fusée, Musk lui a répondu par une série de tweets vantant son propre lanceur.

Pour les deux milliardaires, c'est la réusabilité le Saint-Graal. Le marché touristique pour Bezos et les fusées traditionnelles pour Musk ne sont qu'un point de départ, un pied à l'étrier, afin de tester la technologie (et faire rentrer un peu d'argent), mais l'objectif réel est de créer des fusées réutilisables. 

En effet, par l'intégration verticale, SpaceX a déjà réussi à réduire sensiblement le prix d'une mise en orbite. Mais une fusée verticale, selon tous les experts, diviserait le coût par 10--au début, et plus ensuite avec la concurrence (inévitable) et les économies d'échelle. 

Il est difficile d'imaginer l'opportunité économique--et civilisationnelle--que cette évolution représente. Il faut savoir que, à cause de la gravité de la Terre et la résistance atmosphérique, passer de la Terre à l'espace est l'étape la plus coûteuse d'un voyage dans l'espace. Si cette étape pouvait être rendue beaucoup moins coûteuse, les applications potentielles seraient 

La première application, c'est celle que promeut Blue Origin, l'entreprise de Jeff Bezos : le tourisme spatial. Blue Origin se vante que sa capsule spatiale possède les fenêtres les plus grandes jamais installées dans une capsule spatiale, et assez d'espace pour pouvoir flotter dans la cabine et faire l'expérience de la microgravité. Blue Origin ne donne pas encore les prix. Mais il y a des millions de gens de par le monde qui ont les moyens de se payer des vacances de luxe, et des millions de gens fascinés par l'espace et attirés par l'expérience unique de voir la Terre depuis l'espace et se mouvoir en microgravité. Si la capsule réutilisable fonctionne assez bien, est-ce qu'un nombre assez important seraient prêts à payer le prix ? Ce n'est pas impossible.

Une des applications importantes d'une technologie spatiale aussi importante serait l'exploitation minière dans l'espace. Juste la semaine dernière, le Congrès américain a autorisé les entreprises privées à s'y lancer. Les astéroïdes, paraît-il, regorgent de minéraux rares sur Terre, y compris l'or. Plusieurs milliardaires, dont Larry Page, fondateur de Google, ont investi dans une entreprise, Planetary Resources, dont l'objectif est précisément cela. 

A plus long terme--mais pas si long terme que ça si la technologie de fusée réutilisable devient vraiment rôdée--un autre scénario est envisageable. L'helium-3 est un isotope radioactif de l'helium qui permet de faire fonctionner des réacteurs à fusion qui produisent une énergie non polluante et non dangereuse. Où est le problème ? Sur Terre, l'helium-3 n'existe pas à l'état naturel ; on peut en produire par électrolyse, mais ce processus consomme plus d'énergie que l'helium-3 ainsi produit n'en rapporte. Par contre, la Lune comporte beaucoup d'helium-3, et les planètes gazeuses géantes de notre système solaire--Jupiter, Saturne--en sont pleines. Si on peut aller chercher l'helium-3 dans l'espace et le ramener sur Terre, nous aurions une source d'énergie parfaitement abondante et propre.

Et enfin, évidemment, l'objectif final, c'est la colonisation d'autres planètes. C'est l'objectif avoué de SpaceX et de son fondateur Elon Musk--créer une colonie humaine sur Mars. Encore une fois, le coût d'atteindre l'orbite est le coût le plus élevé, donc si Musk arrive à faire sa fusée réutilisable et à l'envoyer sur orbite, une grande partie du chemin sera faite. 

On le voit, les applications de cette innovation sont nombreuse. Elle n'est pas encore là, mais ce n'est clairement plus de la science fiction--deux entreprises ont créé des prototypes qui fonctionnent, dont un est allé jusqu'à l'espace. Et il est frappant qu'il s'agisse d'entreprises privées qui l'ont fait. Il est fort possible qu'une nouvelle ère s'ouvre devant nous.

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