La fonte de l'Arctique va-t-elle mener à des hivers beaucoup plus froids en Europe ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le refroidissement climatique pourrait être dû à la fonte des glaces dans l’océan Arctique.
Le refroidissement climatique pourrait être dû à la fonte des glaces dans l’océan Arctique.
©Reuters

Attention, ça fond

Les îles britanniques ont récemment connu des températures particulièrement basses pour un mois d'avril (-11,2°C le 2 avril sur la côte Est écossaise). Le Met Office, équivalent de Météo France, met en garde contre un refroidissement climatique qui pourrait être dû à la fonte des glaces dans l’océan Arctique.

Frédéric Decker

Frédéric Decker

Météorologue - Climatologue à MeteoNews et Lameteo.org

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Atlantico : Ce mois d’avril est le plus froid que les îles britanniques aient connu depuis près de 100 ans. Le Met Office, équivalent de Météo France, met en garde contre un refroidissement climatique  qui pourrait être dû à la fonte des glaces dans l’océan Arctique et qui affecterait le jet stream, ce courant d’air chaud qui nous arrive de l’ouest. Les températures sont telles (-11,2°C le 2 avril sur la côte Est écossaise) que le Dr Julia Singlo, du Met Office, appelle de ses vœux une réunion d’experts du monde entier. Ces périodes particulièrement froides peuvent-elles effectivement être dues à la fonte des glaces ?

Frédéric Decker : En préambule, je précise que suite à diverses études et recherches personnelles, je suis plutôt à contre-courant des annonces du Giec et autres climatologues, et je vais m'en expliquer.
Le climat est une machine extrêmement complexe, dont certaines subtilités nous échappent encore. Bien sûr, nous progressons dans cette compréhension du climat, mais les résultats récents (réchauffement globalement moins rapide que prévu sur la dernière décennie) démontrent bien que nous avons encore beaucoup à apprendre en prenant en compte notamment les effets naturels tels que l'activité solaire ou encore les échanges énergétiques océans-atmosphère.

N'étant qu'au 15 avril, on ne peut pas encore affirmer qu'avril 2013 est le mois d'avril le plus froid connu sur les îles Britanniques. Nous en saurons davantage au 1er mai. Même en ne prenant que ces 15 premiers jours d'avril, il ne s'agit pas du plus froid : avril 1922 et 1917 (depuis 1900) ont été plus froids, et nul doute que la moyenne d'avril 2013 va grimper au moins un peu en seconde quinzaine, d'autant que la douceur qui règne depuis quelques jours va persister jusqu'à jeudi, avant de céder la place à de l'air plus frais. Mars n'a pas été le mois de mars le plus froid non plus, même s'il fallait remonter à 1962 pour trouver un mois de mars au moins aussi froid sur les îles Britanniques.

La mise en garde faite par le Met Office, concernant un refroidissement climatique, a déjà été faite à la fin du long hiver 2005/2006. Mais les deux hivers suivants, exceptionnellement doux, ont fait tomber cet effet d'annonce dans les oubliettes. On ne peut pas tirer des conclusions hâtives sur l'évolution du climat à partir d’une anomalie ponctuelle. Sa récurrence, en revanche, pourrait obliger à se pencher sur le sujet. Or, sur ces dernières années, douceur et froid ne présentent pas d'anomalies particulières, alternant équitablement d'un hiver à l'autre.

La fonte des glaces risque d'avoir des conséquences, mais lesquelles ? Nous n'avons aucune certitude, uniquement des théories. La fonte record (avant 2012) de 2007, par exemple, avait été suivie d'un hiver particulièrement doux en Europe, ce qui peut paraître contradictoire par rapport à cette annonce du Met Office.

Le réchauffement, mesuré depuis les années 1970, est avéré mais ne signifie pas que le froid va disparaître. Les vagues de froid devraient simplement être globalement moins fréquentes et moins fortes qu'auparavant (comme on le constate d'ailleurs déjà depuis 1988). Mais cela n'empêchera pas, ponctuellement, de battre des records de froid comme ce fut le cas en mars ou début avril.

Les périodes froides du passé étaient, semble-il, davantage liées à une forte baisse de l'activité solaire (notamment pendant le petit âge glaciaire), à la variation de l'inclinaison de la terre et, tout simplement, à la variabilité naturelle du climat terrestre, climat qui contrairement à ce que l'on pourrait croire n'est pas linéaire.

L'Europe entière doit-elle s’attendre à des hivers de plus en plus rudes ? Ce phénomène pourrait-il rester confiné à la partie nord du continent ?

Cette théorie a déjà été envisagée à maintes et maintes reprises. A la fin des années 1970, après une longue période de rafraîchissement du climat (de l'après-guerre à 1980), les climatologues de l'époque affirmaient que l'Europe entrait dans une nouvelle période glaciaire, que les hivers seraient de plus en plus rudes, etc. Il n'en fut rien, bien au contraire : après trois hivers certes très froids (de 85 à 87), nous avons au contraire connu un brutal réchauffement, en toutes saisons, y compris en hiver (peu d'hivers froids depuis).

On ne peut donc absolument rien affirmer à ce sujet. Le nord de l'Europe ne présente aucun signe de refroidissement ces dernières années et ces derniers hivers. D'ailleurs, ces climatologues, en parlant du nord de l'Europe, ont dû oublier l'Islande. Cette île a en effet connu son deuxième hiver le plus doux de son histoire... cette année !

Est-on en mesure de prévoir la durée de ce refroidissement ? Faut-il craindre un « petit âge glaciaire » ? Quelles seraient les conséquences concrètes sur nos vies, et les moyens à mettre en œuvre pour s’y adapter ?

On ne peut pas parler de refroidissement pour le moment. Il faudrait une anomalie récurrente pour cela, ce qui n'est pas le cas. Le petit âge glaciaire (de 1350 à 1850 environ), parlons-en : il était très probablement dû à une baisse de l'activité solaire. Il faisait suite à l'optimum médiéval (800-1300), période climatique chaude, aussi chaude, voire plus chaude qu'actuellement selon certaines recherches.

Durant ce petit âge glaciaire, les températures étaient 1,5 à 2 degrés inférieures à celles d'aujourd'hui. Les saisons et les hivers étaient globalement plus froids qu'actuellement, avec des vagues de froid fréquentes et plus intenses que de nos jours. Toutefois, la fameuse variabilité naturelle n'a pas empêché de connaître, en plein petit âge glaciaire, des hivers exceptionnellement doux, presque sans gel et sans neige en France et en Europe...

En climat comme en météo, prendre de tels raccourcis me paraît peu sérieux. Le climat, on l'a vu, se réchauffe et se refroidit indépendamment de l'activité humaine. On ne s'explique pas encore très bien pourquoi le climat en Europe et dans le monde s'est refroidi de l'après-guerre à 1975, en pleine explosion démographique et industrielle... avant de connaître le brutal réchauffement que nous subissons encore.

La France et l'Europe Occidentale ne peuvent pas connaître des hivers du type de ceux de Montréal pour une bonne et simple raison : leur position à l'ouest d'un continent. La force de Coriolis due à la rotation de la planète déplace les masses d'air d'ouest en est... Avec l'Océan Atlantique à l'ouest de notre position, son effet adoucissant restera présent, fonte des glaces ou non, activité solaire basse ou non. Paris restait beaucoup plus chaud que Montréal en plein hiver durant le petit âge glaciaire malgré quelques pics de froid remarquables à l'époque, et cela ne changera pas.

Un refroidissement climatique reste tout à fait possible pour des raisons naturelles : chute de l'activité solaire ou explosion volcanique (un épais nuage de cendres empêcherait le soleil de réchauffer la planète). De grosses éruptions ont déjà refroidi la planète sur 1 à 3 ans en 1815-1817, 1883-1885 et 1991-1993.

Les conséquences d'un refroidissement seraient très négatives : baisse des rendements agricoles, famines, pauvreté, crise (ce fut le cas un peu partout durant le petit âge glaciaire ; les conditions climatiques ont largement contribué à la Révolution Française par exemple)... à l'inverse de l'optimum médiéval qui a permis, entre autres, de conquérir des contrées nordiques (notamment le Groenland, "pays vert"), d'ériger des cathédrales, ou encore d'effectuer d'excellentes récoltes céréalières, fruitières et même viticoles jusqu'en Angleterre !

Pour finir, j'ajouterai qu'il faut se méfier des "effets d'annonces" de certains instituts. Certains annonçaient en effet, au début des années 2000, une humidification de l'Europe du Nord et de la France (car nous avions connu 3-4 années très arrosées)... c'est ensuite la sécheresse qui s'est installée ! Ces instituts ont alors retourné leur veste, annonçant un assèchement des mêmes régions... Suite aux hivers non-hivernaux des années 1990 à 2002, la quasi-absence de vagues de froid était annoncée... c'est aujourd'hui le contraire qui est annoncé après quelques vagues de froid ces 3-4 derniers hivers. C’est un avis personnel, mais tirer des conclusions d'une anomalie de 3-4 ans ou moins me semble peu sérieux, et tomber systématiquement dans le catastrophisme également. Par définition, notre climat n'est pas linéaire et connaît régulièrement des périodes climatiques extrêmes (grands froids, canicules, sécheresses, inondations). Cela a toujours été le cas, c'est encore le cas et cela restera ainsi...

Propos recueillis par Gilles Boutin

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