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La détresse de la police après le meurtre de Magnanville, vécue dans la peau d'une femme d'un policier du RAID
©LUCAS BARIOULET / AFP

Bonnes Feuilles

Dans "Femme de policier d'élite", (Editions Mareuil) Véronique Fauvergue et Catherine Salinas, épouses du patron du Raid et du numéro 2 de la BRI, reviennent sur le jour des attentats de Magnanville.

Véronique Fauvergue et Catherine Salinas

Véronique Fauvergue et Catherine Salinas

Véronique Fauvergue et Catherine Salinas sont les épouses du patron du Raid et du numéro 2 de la BRI au moment des attentats de Charlie Hebdo. Elles reviennent sur leur expérience dans "Femme de policier d'élite".

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Mon époux se réveille, ravi de passer cette soirée dans le calme et dans l’intimité. Nous sommes bien. Nous commençons à manger lorsque le portable professionnel de Jean-Michel (celui du RAID) sonne. Je l’entends donner les premières instructions :

— OK. Partez sur place ! Je passe à Bièvres et vous rejoins immédiatement.

Puis il s’adresse à moi :

— Désolé, chérie. Un commandant de police se serait fait agresser devant chez lui dans les Yvelines. Le forcené serait retranché dans son domicile. Il y aurait des otages… C’est pour nous. Je file.

Comme à mon habitude, j’éteins la télévision. Lorsque mon mari rentre, très tard dans la nuit, j’apprends qu’un couple de policiers a été assassiné à leur domicile. Le seul survivant est Mathieu, un petit bout de chou de 3 ans.

— Tu te rends compte, le petit était là ! Sa maman a été égorgée !

— …

Je reste sans voix, profondément choquée par cet acte de barbarie. Jean-Mi, lui, est totalement bouleversé, le visage pâle comme jamais. Nous avons une petite-fille du même âge. Je fais un transfert émotionnel. Je pense à ce petit garçon désormais orphelin.

Suite à cet attentat, j’éprouve pour la première fois un sentiment d’insécurité. Je suis dans la crainte de rester seule chez moi. Je ferme les volets plus tôt et la porte à clé même pendant la journée.

Mon époux, lui, ne se remettra jamais vraiment de cette soirée. Cette attaque ravive toutes les autres. Surtout celle du Bataclan, qui l’a si profondément marqué. Il porte désormais une tristesse en lui qui ne le quitte plus vraiment.

Quelques jours après ce double meurtre, je vis un moment très perturbant. Je me trouve devant chez moi, sur le pas de ma porte. À l’aide d’un sécateur, je taille ma glycine. Une voiture de police fait alors son apparition sur la petite route qui croise ma rue. Elle roule doucement, très doucement, comme si elle cherchait son chemin.

Puis elle tourne dans ma direction. Les policiers, dont je distingue maintenant le visage, regardent de droite à gauche. Ils cherchent une adresse, c’est évident.

J’ai l’impression que tout se déroule au ralenti. Je me redresse un peu pour mieux les voir et manque aussitôt de m’effondrer. Mes jambes flageolent. Je n’ai plus aucune force. Le souffle me manque. Je

prends appui sur ma boîte aux lettres tandis que des pensées terribles

traversent mon esprit : « Ça y est, c’est mon tour. C’est pour moi. Ils

viennent m’apporter la mauvaise nouvelle. Jean-Mi est mort… »

Paniquée, effrayée, je suis sûrement livide. Le véhicule s’arrête à

ma hauteur. L’un des deux policiers baisse la vitre et s’adresse à moi :

— Madame, est-ce que…

Je ne comprends absolument rien à ce qu’il me raconte. Je suis sonnée. Il descend alors de sa voiture, s’approche de moi et pose sa main sur mon épaule :

— Ça va, madame ?

— …

Non, ça ne va pas. Je m’attends au pire.

— Madame, vous m’entendez ? Ça n’a pas l’air d’aller très bien ? Je peux vous aider ?

— Comment ? Euh… Non, merci… Tout va bien… C’est pourquoi ?

— Nous faisons une ronde dans le village. Mais en vous apercevant, de loin, nous avons eu l’impression que vous faisiez un malaise. Vous avez l’air d’aller un peu mieux, on dirait. Je comprends alors qu’ils ne sont pas là pour moi. Mes yeux, mon coeur et mon corps pleurent de joie.

— Je suis désolée, messieurs. Je suis d’habitude très discrète mais je suis Véronique Fauvergue, l’épouse de Jean-Michel Fauvergue, le patron du RAID. J’ai cru que vous veniez m’annoncer une très mauvaise nouvelle. J’ai eu peur comme jamais…

Ils captent tout de suite. L’autre fonctionnaire descend à son tour de la voiture. Désolés de m’avoir effrayée pour rien, ils m’offrent tous les deux des paroles réconfortantes. Je ne connais ni leur nom ni le commissariat dont ils dépendaient mais, aujourd’hui, je tiens à les remercier encore d’avoir pris ce temps pour moi.

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