La Covid-19 n’est toujours pas un simple rhume même chez les enfants. Vacciner les enfants fragiles sur la base de leur propre intérêt<!-- --> | Atlantico.fr
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Depuis le 22 décembre, tous les 5-11 ans sont éligibles à la vaccination contre la Covid-19 en France.
Depuis le 22 décembre, tous les 5-11 ans sont éligibles à la vaccination contre la Covid-19 en France.
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Campagne vaccinale

Face à la vague Omicron, la question de la vaccination des enfants se pose avec d’autant plus d'acuité.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Nos enfants sont l’avenir. Nous, parents, sommes attachés charnellement, liés émotionnellement et biologiquement programmés pour protéger nos enfants. Il ne peut y avoir de plus belle assertion que celle de Kant à propos de l’être humain quand elle s’applique aux enfants: “l’être humain ne peut pas être un moyen et doit toujours être une fin”. En effet l’enfant est fragile, il est faible par rapport aux contraintes sociétales et familiales. C’est une raison supplémentaire pour que les parents aient cette vision de la personne humaine quand ils prennent des décisions pour leur enfant.

POURQUOI LA COVID-19 DONT ON NOUS A DIT QU'ELLE ETAIT BENIGNE ET NE TUAIT QUE DES "VIEUX"EST DEVENUE UN MOTIF DE VACCINATION DES ENFANTS ?

La première raison est que cette double affirmation est profondément fausse

Le Sars-CoV-2 provoque une forme grave de la Covid-19 (pneumopathie virale asphyxiante puis atteinte multi-organes) chez des personnes affaiblies immunitairement et métaboliquement. Les personnes les plus âgées sont dans ce cas pour un nombre important d’entre elles.  Il peut aussi entraîner plus rarement des formes graves chez des personnes avec peu de comorbidités, qu’il s’agisse des défenses immunitaires ou de l’obésité ou bien d’autres atteintes préexistantes plus rares. Et ainsi toucher  d’autres classes d'âges. C’est un fait établi.

La deuxième raison est que les enfants sont touchés par la Covid-19 de manière particulière

Contrairement à une croyance répétée, les enfants peuvent rarement poser des problèmes sérieux à la suite d’une contamination à la Covid-19. Il peut s’agir de pneumopathies graves pouvant nécessiter une ventilation, mais aussi d’un syndrome inflammatoire complexe où domine l'atteinte cardiaque: les PIMS. Ainsi comme pour les adultes si le public peut retenir quelque chose d'utile de cette pandémie ce n’est pas seulement la mortalité qui fait une maladie mais sa morbidité. A la phase aiguë si on doit être hospitalisé ou plus grave être placé dans un lit de soins critiques, mais aussi par la durée de la convalescence ou à plus long terme des séquelles (que bien sûr on ne connaît pas). Sans entrer dans les détails des statistiques de morbidité et de mortalité qui en France à l’heure actuelle sont encore imprécises, nous sommes devant un problème réel mais rare tandis que la mortalité est exceptionnelle.

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Les parents des enfants malades sont le plus souvent effrayés

Plusieurs raisons l’expliquent. L’information a été loupée y compris par certains professionnels médiatisés qui ont tenu le discours “ce n’est jamais grave chez l’enfant”. L’intention n’est pas louable car en cachant la réalité on arme un boomerang. Une fois que l’enfant est hospitalisé, il faut ensuite parler aux parents, leur expliquer que nous savions mais que c’est rare et que le but était de ne pas inquiéter… Mais voilà, les parents regrettent que ce manque d’information et d’alerte ait pu faire errer le diagnostic. L’enfant malade peut pâtir de jours ou de semaines où la Covid-19 n’est pas évoquée. Les parents multiplient les convocations avant de se rendre aux urgences parce que la situation s’est aggravée. Pour la moitié de ces enfants atteints d’une Covid-19 symptomatique avec nécessité d’hospitalisation il y a des facteurs de risque. Pour l’autre moitié non.

Les parents le vaccin et le rapport bénéfice/risque

L’observation des séries d’enfants ayant fait une forme grave de la Covid-19 a permis de mettre en évidence des facteurs de risque. Dans ce cadre, il a été avancé par certains qu’il y aurait environ 5000 enfants à risque. C’est faux, cette affirmation est compatible avec les propos rassuristes des sceptiques de la pandémie. Or dès la phase sporadique en Italie il était observable et incontestable que cette pandémie était tout sauf une grippe tout sauf un rhume mais une virose respiratoire très contagieuse et significativement mortelle. Les cas pédiatriques (< 19 ans) ont augmenté au fil du temps et ont représenté 8,8 % du total des cas confirmés en Italie, mais seuls 4 décès sont survenus dans cette tranche d'âge. Nous savions par ailleurs qu’en 2003 et 2012 respectivement pour le Sars-Cov-1 et le MERS des cas d’atteintes par ces Coronavirus chez l’enfant ont été décrits. Le résultat de ces observations des séries de la Covid-19 chez l’enfant ont été clarifiés par la société américaine de pédiatrie et récemment par l’HAS. Des ratios de risque ont été calculés en isolant du point de vue probabiliste différentes maladies, ou affections pré-existantes. De même que des maladies génétiques. Il est estimé qu’il y a en France 364000 enfants à risque d’une forme sévère de Covid-19. C’est dans ce contexte qu’il a été proposé à ces enfants et à leurs parents la vaccination avec le vaccin ARN messager, une formidable avancée dont ils peuvent bénéficier. C’est dans ce contexte, sur ces bases, que les parents avec leur enfant et leur médecin doivent évaluer le bénéfice/risque.

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LES ESSAIS RANDOMISES (RCT) CONTRE PLACEBO DES VACCINS A ARN MESSAGER CHEZ L'ENFANT

Ils ont été réalisés dans la foulée de la campagne de vaccination des adultes. Nous prendrons l’exemple du vaccin Pfizer chez les 5-11 ans. La taille de l’échantillon est plus réduite que pour les adultes car je le rappelle les enfants font beaucoup moins de formes symptomatiques de la Covid que les adultes. Les résultats ont été évalués et jugés compatibles avec une autorisation d’utilisation (Figure N°1). En particulier  concernant les effets secondaires graves ​​aucune myocardite, péricardite, hypersensibilité ou anaphylaxie chez les receveurs du BNT162b2 (Pfizer) n'a été signalée. Mais répétons que l'échantillon était de 1450 enfants de 5 à 11 ans.

Figure N°1: l’essai du vaccin Pfizer chez les 5-11 ans.

L’autre essai avec le vaccin Pfizer a concerné les enfants de 12 à 15 ans. Les résultats sont similaires avec une réponse immunitaire encore plus forte chez ces plus grands enfants.

QUEL EST LE BUT DE LA VACCINATION DES ENFANTS ? 

Le premier but est de prévenir une covid-19 sévère chez l’enfant à risque

Dans ce cas le rapport bénéfice/risque est très favorable. La détermination du risque nécessite une consultation médicale. Si les parents sont d’accord, l’enfant est alors vacciné dans son propre intérêt. Pour les enfants qui peuvent discuter des facteurs de risque il est important de les associer pleinement à la décision.

Le deuxième but est de proposer un vaccin sûr à l’enfant qui redoute d’attraper la Covid-19 pour différentes convenances

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Qu’il s’agisse des activités sportives ou artistiques de haut niveau, d’échéances d’examens importants, de la proximité de parents ou de grands parents à risque, l'enfant peut souhaiter se vacciner avec l’accord de ses parents par choix et sans se baser sur un rapport bénéfice risque. Le but est d’éviter l’interruption de ces activités par une Covid-19 dont on connaît le potentiel asthéniant y compris chez l'enfant pendant la phase aiguë et la période de convalescence. Ces situations sont plus fréquentes quand l’enfant grandit et a fortiori avec les adolescents. Ce choix est toujours dans son propre intérêt et il tient compte de la rareté avérée des effets secondaires.

Les enfants sans facteur de risque ont-ils un bénéfice/risque favorable ?

Cette question est en réalité assez simple à trancher. Il faut l’aborder dans le cadre du questionnement des parents. “Mon enfant n’est pas un enfant à risque d’après les données que notre médecin nous a expliquées, est il dans son intérêt de le vacciner?”, une réponse est-elle possible compte tenu du niveau de risque de la Covid-19 et des effets secondaires? Les deux se font concurrence dans l’échelle des très petits risques qui sont particulièrement difficiles à imaginer. Les personnes convaincues d'avoir une réponse tournent parfois à leur insu les curseurs du risque à l'avantage de leur opinion. Les opposants au vaccin vont parler immédiatement de la myocardite ou de la péricardite en ne mentionnant pas que la Covid-19 est un risque de myocardite ou de péricardite bien plus élevé que le vaccin. Les pro-vaccins vont souligner qu’environ la moitié des enfants qui sont hospitalisés pour une covid-19 sévère n’ont pas de facteur de risque. C’est donc selon eux dans l’intérêt de l'enfant de se faire vacciner. Mais alors l’équation se complique car le bénéfice est celui de prévenir la moitié d’un risque déjà très faible (car les enfants à risque sont ou ont été vaccinés) ce qui rend encore plus difficile une décision rationnelle. C’est pourquoi la réponse à cette question est d’un point de vue scientifique impossible à l’heure actuelle. L’évolution des vaccins et des antiviraux va modifier drastiquement le rapport bénéfice/risque. Par exemple un vaccin nasal pourrait apporter une plus grande protection contre la transmission.

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Le "care" est-il une indication de vaccination ?

La sociologisation de la société n'épargne pas le débat sur la pandémie. Mais nous avons récemment franchi une nouvelle étape, de la transformation de la sociologie en unique explication des phénomènes sociaux, nous allons à bon train vers une sociologie où des gourous dictent nos choix en particulier médicaux. On se  souvient du sociologue du CNRS L. Mucchielli qui a pris parti pour l’hydroxychloroquine sur des bases infondées et en pratiquant un sociologisme de la science. Le résultat est connu, des patients ont pris un médicament potentiellement dangereux aux doses recommandées par le médecin sous pseudo des réseaux sociaux, des médecins ont soigné avec un médicament pour lequel personne dans le monde n’a pu reproduire les résultats de quelques études préliminaires. Dans un autre registre, le sociologue G. Bronner a accepté la direction d’une commission vérité d'État. Un tel courage doit être salué car il apporte une pierre à la longue liste des exceptions francaises inutiles. Il aurait été bien inspiré de céder sa place à un scientifique spécialiste de l’incertitude… Récemment Mélanie Heard, sociologue de Terra Nova, a fait de la médecine évangélique à propos des enfants. Son argument pour la vaccination des enfants, de tous les enfants, allons y pour le care, est la “charge mentale” des parents et des enfants. C’est le contraire d’une preuve scientifique. Proposer un critère non mesurable, émotionnellement manipulé, grossièrement surdimensionné mais politiquement les pieds joints dans le camp du bien pour un risque très faible est une propagande. Mais surtout c’est mentir. Car chez ces parents la soi-disant “charge mentale”due à la pandémie peut très bien revenir comme un boomerang avec “l’inquiétude mentale" au sujet des effets secondaires d’un vaccin dont l’utilité dans ce cas des enfants sans facteur de risque est difficile à objectiver. Pour sortir de ces croyances, il faut revenir à l’incertitude et en l'occurrence à des choix où le sachant sait s’effacer et ne pas s’engager quand les preuves ne sont pas établies. Dans le doute et devant un faible risque il est raisonnable de s’abstenir d’un conseil et d’expliquer pourquoi. C’est le contraire du progressisme omniscient.

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Est-il acceptable d'appeler à la vaccination des enfants sur la base d’un bénéfice collectif ?

Plusieurs réflexions sont de nature à contribuer à ce débat de manière factuelle.

Tout d’abord on manque de preuve scientifique.

Ce qui est vrai dans le contexte du foyer familial partagé par un parent à haut risque est-il applicable à une population? Nous n’avons pas de preuves directes et les preuves indirectes sont plutôt contre cette proposition. Ainsi il n’est pas recommandé de vacciner les enfants en bonne santé contre la grippe pour des raisons populationnelles.

Ensuite apporter de telles preuves sera très difficile méthodologiquement et probabilistiquement.

En effet les enfants sont nombreux mais les formes symptomatiques sont rares et il faudrait recourir à des écouvillonnages fréquents sur un grand nombre d'enfants et de personnes âgées dans la même population pour établir une preuve d’efficacité… Or les populations à risque sont massivement vaccinées et immunisées ce qui rend beaucoup plus faible la survenue de Covid-19 en dépit des variants. Une telle étude n’est pas en cours et ne sera probablmeent pas réalisée.

Enfin les antiviraux et les anticorps monoclonaux ou de sérum convalescent pourraient changer la morbimortalité de la Covid-19.

Si l’histoire de la Covid-19 traitée est améliorée pour les formes sévères par des traitements cela rendra inutile cette vaccination “pour autrui”. Ces données seront disponibles dans les semaines à venir.

C’est pourquoi le vaccin de la Covid-19 doit être à l'heure actuelle proposé aux enfants à risque et à leurs parents. Pour les autres il ne me paraît pas fondé d’appeler à une vaccination pour autrui dont le bénéfice n’est ni prouvé ni probable. La décision doit être le résultat d’une évaluation personnalisée et d’un colloque singulier qui est au cœur de la pratique médicale.

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