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L'incroyable résilience japonaise
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Choc économique ?

Le Japon connaît depuis le tremblement de terre du 11 mars sa plus grave crise depuis 1945. Malgré d'énormes dégâts, le pays devrait pourtant très vite retrouver son efficience économique. Seul secteur pour lequel la crise devrait être durable : l'industrie nucléaire.

Guy Sorman

Guy Sorman

Auteur d'une trentaine d'ouvrages traduits du Japon à l'Amérique latine, de la Corée à la Turquie et la Russie, élu en France et entrepreneur aux Etats-Unis, chroniqueur pour Le PointLe Monde et de nombreux journaux étrangers, Guy Sorman est un esprit libre dont les conceptions libérales prennent souvent à contrepied la droite comme la gauche en France. Son dernier livre J'aurais vioulu être français est paru chez Grasset, en octobre 2016.

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En 1923, le tremblement de terre de Tokyo fit 100 000 morts et la capitale disparut dans les flammes. En 1995, on déplora 6000 victimes à Kobe. Et 2000 sans doute, à Sendai le 11 mars dernier, pour la plupart noyés par le tsunami qui a balayé la côte à la suite du séisme. Le drame humain est donc considérable mais l’évolution du nombre des victimes au cours du siècle démontre les progrès accomplis pour contenir les pires désastres de la Nature.

Depuis le séisme de Kobe, les codes et techniques de construction ont considérablement évolué : la plupart des bâtiments de Sendai ont résisté à la secousse la plus grave jamais enregistrée dans l’histoire du Japon. Aux normes techniques s’ajoute la préparation psychologique : dés leur plus jeune âge, les enfants apprennent à se comporter convenablement en cas de catastrophe, à la fois au plan humain et de manière opérationnelle.

La civilisation japonaise contribue aussi à contenir les dégâts : Sendai n’est pas Port au Prince, aucune scène de pillage, aucun désordre n’ont suivi le séisme. La population s’est immédiatement  mise à l’œuvre pour secourir les victimes et déblayer sans attendre ni la police ni l’armée. Dans le reste du Japon, l’activité économique n’a été interrompue que quelques heures : le centre industriel du pays, entre Nagoya et Osaka, se trouve il est vrai à 300 kilomètres plus au sud et toutes les usines sont équipées pour résister à des chocs majeurs. Les exportations d’automobiles et de composants industriels auront été suspendues moins d’une journée ainsi qu’on a pu le constater à Vancouver , principal port d’entrée des produits japonais en Amérique du Nord.

Le tremblement de terre et le tsunami du 11 mars pourraient entraîner un supplément de croissance sans que le financement de la reconstruction pèse trop lourd sur l'économie japonaise.

L’économie japonaise qui croît lentement mais croît tout de même grâce à des productions de plus en plus sophistiquées, ne devrait pas être affectée par le séisme : on peut même envisager que la reconstruction de Sendai suscitera un supplément de croissance pendant deux ans comme cela avait été le cas après Kobe. Cette renaissance de Sendai sera financée en partie par des investisseurs privés qui vendront des valeurs étrangères (type Bons du Trésor des Etats-Unis) de manière à rapatrier des Yens : le cours du Yen va probablement monter dans les semaines qui viennent. Les exportateurs japonais devraient en souffrir mais peu car les composants japonais pour la plupart, sont irremplaçables, quelque soit leur prix (impossible de fabriquer où que ce soit dans le monde, une téléphone portable sans composant japonais).

L’autre source de financement pour reconstruire Sendai sera publique, au risque d’aggraver la dette de l’Etat qui atteint déjà le niveau record de deux ans de production nationale. Mais cette dette étant financée par les épargnants japonais, il ne sera pas nécessaire pour l’Etat d’emprunter sur le marché mondial. Les taux d’intérêt sur le marché mondial ne devraient pas être trop affectés. Dans le pire des cas, le gouvernement devra augmenter les impôts intérieurs en particulier la taxe sur la consommation qui est pour l’instant très basse .

Une crise durable pour le nucléaire japonais.

La principale incertitude causée par le séisme porte sur le programme nucléaire. Les centrales nucléaires japonaises qui avaient la réputation d’être les plus sûres au monde, ne l’étaient pas. Le Japon qui ne dispose d’aucune ressource énergétique naturelle, a depuis longtemps, comme la France, adopté le nucléaire : 40% de l’électricité domestique est produite par des centrales de modèle ancien (Westinghouse-Toshiba) qui jusqu’à présent, avaient toujours résisté aux chocs sismiques. Une nouvelle centrale nucléaire est mise en route tous les deux ans au Japon, ce qui conférait à leur Compagnie d’électricité ( TEPCO)  un avantage comparatif sur le marché mondial en un temps où les Etats-Unis et l’Inde en particulier, s’intéressent de nouveau à l’énergie nucléaire.

Fukushima aura tout changé : deux centrales de cette préfecture, peut-être trois, proche de Sendai ont, été gravement endommagées : des gaz  toxiques ont été lâchés dans l’atmosphère, des ouvriers ont été irradiés. A ce jour, les risques sanitaires semblent limités : ce n’est pas Tchernobyl. Les centrales non touchées continuent à produire mais il est évident que les constructions futures seront  suspendues pour longtemps.

Les adversaires du nucléaire au Japon et plus encore en dehors, invoqueront le spectre de Fukushima. Sur le marché mondial, les bénéficiaires  immédiats de ce séisme seront  les producteurs de  charbon, de gaz naturel et de pétrole ; et  la recherche d’énergies alternatives trouvera un nouvel élan.

Quoi qu'il en soit, comme l'a indiqué Naoki Inose, historien et vice-maire de Tokyo : « les Japonais n’avancent jamais que de crise en crise ». Le drame de Fukushima pourrait donc paradoxalement réveiller un pays qui ralentissait.

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