L'Europe et la Russie peuvent-elles encore freiner les menaces réciproques et trouver un terrain d’entente ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président russe Vladimir Poutine serre la main du chef de l'Etat français Emmanuel Macron lors de leur rencontre au Kremlin, à Moscou, le 15 juillet 2018.
Le président russe Vladimir Poutine serre la main du chef de l'Etat français Emmanuel Macron lors de leur rencontre au Kremlin, à Moscou, le 15 juillet 2018.
©Yuri KADOBNOV / AFP POOL / AFP

Atlantico Business

Pour tous les spécialistes, le terrain économique est sans doute le seul sur lequel l’Europe et la Russie pourraient s’entendre et échapper à l’escalade de menaces et au risque de conflit. A un moment où les États-Unis durcissent le ton.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La situation internationale créée par la crise en Ukraine sera horriblement compliquée à désamorcer. Au cœur de cette crise, on trouve l’Ukraine, ancienne république de l’Union soviétique qui cherche à sortir du giron russe dans lequel l’histoire et la géographie ont placé ce pays.

Mais en se dégageant de l’influence de Moscou, l’Ukraine cherche à se rapprocher de l’Union européenne et même à y adhérer, ce qui lui permettrait de bénéficier de la protection de l’Otan.

Pour les États-Unis, c’est une aubaine de pouvoir installer et équiper un nouvel allié aux portes de la Russie. Pour Moscou, cette perspective est évidemment inenvisageable. Impossible de laisser l’Amérique s’approcher si près.

Et l’Europe, dans cette affaire, est bien sûr du côté des États Unis et de l’Otan, même si beaucoup considèrent que l’ambition des Ukrainiens n’a pas forcément la légitimité que les partisans de l’indépendance lui prêtent. Parce que l’Ukraine est très russe dans son administration, sa langue parlée par le plus grand nombre et ses attaches économiques.

Voilà pour l’état des lieux.

Quant à son évolution, elle est très connue. Les puissances occidentales se sont déclarées prêtes à imposer des sanctions économiques massives à la Russie, si Moscou venait à mobiliser ses forces armées à la frontière et à envahir l’Ukraine.

Dans ce bras de fer, il est évident que l’Europe, bien que du côté américain, est coincée. Sur le plan géographique, l’Europe est frontalière de la Russie et de ses anciennes républiques soviétiques comme l’Ukraine et sur le plan économique, les liens sont très nombreux et très forts. En clair, l’Europe est en première ligne et si cette situation se dégrade en conflit militaire, l’Europe prendra plus de coups que les États- Unis.

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Mais la Russie elle-même n’a pas forcément intérêt à pousser le débat jusqu’au stade des sanctions.

En fait, si on s’en tient aux conséquences économiques, l‘Europe et la Russie ont intérêt à trouver un terrain d’entente. Les interdépendances sont très fortes. L’Europe comme la Russie auraient beaucoup à perdre. Plus que les États-Unis.

Actuellement, l’Union européenne est le premier partenaire commercial de la Russie. Les Européens achètent à Moscou plus de 38 % des exportations russes et lui fournissent plus de 34% de ce que la Russie achète à l’extérieur.

C’est vrai qu’après l’affaire de la Crimée, la Russie s’était tournée vers la Chine qui s’est précipitée à répondre.

La Chine a progressé sur le marché russe mais reste loin derrière l’Union européenne.  Selon les chiffres présentés par l’agence « Statista », la Chine est un important client de la Russie, mais beaucoup moins que de l’Europe. 14% des exportations russes vont vers la Chine, (38 % pour l’Union Européenne). Même décalage du côté des fournisseurs à la Russie. 34 % des besoins russes viennent de l’UE alors que 23% viennent de Chine.

Le commerce avec la Chine est important mais pas incontournable

Sur ses exportations, la Russie, qui est le premier fournisseur de gaz à l’Europe, perdrait évidemment ses immenses marchés ce qui lui poserait de sérieux problèmes financiers. Mais l’Europe ne trouverait pas d’autres fournisseurs. Le Qatar peut-être, mais le Qatar n’est pas équipé pour apporter une réponse très rapide. Donc le bilan serait désastreux pour la Russie et pour l’Europe.

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Pareillement, la Russie serait évidemment obligée d’arrêter ses achats d’équipements industriels à l’Allemagne, à l’Italie. Ses systèmes de financement en euros, mais aussi l’essentiel de ses produits pharmaceutiques. La Russie souffrirait, en attendant de se tourner vers la Chine, même si ses produits ne sont pas encore au niveau de technicité, d’innovation et de productivité que les fabrications européennes.

L’Europe de son côté, et notamment l’Allemagne, perdraient une part importante de leurs marchés.

Bref, la mésentente et la mise sous sanction seraient une opération perdante pour tout le monde et c’est sans doute la raison pour laquelle la Russie n’ira pas jusqu'à prendre le risque d’envahir l’Ukraine. C’est aussi la raison pour laquelle l‘Europe, et notamment la France, font pression discrètement sur les États-Unis pour qu‘ils n’aillent pas trop loin dans leur bras de fer.

Ceci dit, si les rapports de force économique plaident pour la recherche d’un compromis qui paraît nécessaire, la géopolitique s’appuie aussi sur d’autres facteurs plus difficiles à négocier. Le désaccord entre les États-Unis et la Russie à propos de l’Ukraine porte sur des questions très politiques, très idéologiques et de système.

D’un côté, les grandes démocraties occidentales. De l’autre, des pays comme la Russie qui sont gérés de façon autoritaire et qui n’ont pas la même pratique de la démocratie.

Le problème est évidemment à ce niveau.

La question qui se pose aux Occidentaux est de savoir s’ils doivent s’interdire de faire commerce avec des pays qui n’ont pas la même définition de la démocratie et la même conception des droits de l’Homme.

Vieux débat entre les partisans d’une liberté individuelle et les militants du droit nécessaire à une collectivité. Pendant toute l‘époque communiste avec l’Union soviétique, c’est un débat qui a enfermé la Chine jusque dans les années 2000, quand l’Occident a admis la Chine dans l’OMC.

Ces débats sont utiles, nécessaires, mais butent toujours sur le mur des réalités et ces réalités sont toujours d’ordre économique.

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