L'Europe a besoin d'une taxe carbone. Mais pas celle qu'elle vient de décider...<!-- --> | Atlantico.fr
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Des voitures en transit depuis la Chine à destination du marché européen.
Des voitures en transit depuis la Chine à destination du marché européen.
©STR / AFP

Industriels menacés

Les industriels français et européens sont inquiets suite à l'accord passé à Bruxelles sur le « mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ».

Denis Payre

Denis Payre

Denis Payre est un entrepreneur français, défenseur du progrès social et environnemental, et un organisateur politique. Présent à la fois à Paris et à Boston, il travaille au-delà des frontières nationales depuis plus de trente ans, en tant que salarié de multinationales, fondateur de plusieurs sociétés ayant connu des succès internationaux, membre d’organismes gouvernementaux, dirigeant d’un groupe d’action politique ainsi qu’en tant que business angel et  membre de conseils d’administration et citoyens. Il a publié "Le contrat mondial : Pour que l'humain et la nature soient enfin au cœur de la mondialisation" chez First Editions.  

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Atlantico : L’Union européenne s’est accordée, ce mardi, sur les grandes lignes de son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), un dispositif unique au monde. Il permettra de taxer, dans les secteurs les plus polluants (acier, ciment, engrais, etc.), les importations de marchandises depuis des pays tiers aux normes moins strictes dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi ce projet de taxe carbone risque-t-il de créer des difficultés pour l'industrie et les entreprises ? 

Denis Payre : C’est un enjeu considérable. Ces déséquilibres expliquent la montée du populisme. Cela a été étudié par un économiste du MIT David Autor qui a montré les corrélations directes entre la progression du commerce avec la Chine et le vote Trump. On peut considérer que le Brexit est lié à cela aussi.

La taxe carbone aux frontières est venue d’une révolte des industriels de l’acier qui a sensibilisé la commission européenne pour dire « nous ne pouvons plus continuer avec une concurrence aussi déloyale vis-à-vis de pays comme la Turquie ou la Chine qui n’ont pas ces taxes.

À la base, il y a un vrai problème de concurrence déloyale auquel la solution apportée est la taxe carbone mais le problème est que ce dont on se rend compte, c’est qu’il faut intégrer la réflexion sur toute la chaîne de valeur. Si vous tentez d’imposer des systèmes de corrections aux frontières sur la fabrication de l’acier mais pas sur les produits qui en résultent vous pénalisez les utilisateurs de l’acier européen qui vont le transformer. C’est un problème plus complexe que celui auquel s’est attaqué la Commission européenne.

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Et puis il va falloir réfléchir à des mécanismes d’audit pour s’assurer que si un pays comme la Chine déclare que son acier est fabriqué par une énergie photovoltaïque, on doit être capable de savoir rapidement si cela est vrai. La Chine domine toutes les industries de la transition énergétique et prend le contrôle de la fabrication des éoliennes. Cela est dû à des ces différentiels de normes sociales et environnementales.

On est en train d’assister à un retour de balancier. On a eu une mondialisation complètement débridée sans aucune restriction et là on se rend compte que ça ne marche pas pour diverses raisons donc on part dans un autre sens de façon extrême. Les États-Unis vont limiter les aides de l’Etat aux produits de la production énergétique à des produits qui viennent strictement de l’ALENA. C’est un problème puisqu’il n’y aura plus assez de compétition. On est en train de jeter 50 ans de théories économiques sur le libre-échange qui ne sont pas fausses. Le libre échange est formidable lorsque réalisé entre pays qui se ressemblent. Cependant lorsqu’on l’ouvre à des pays qui ne jouent pas avec les mêmes règles du jeu il y a une distorsion de la concurrence.

Ce qui est triste c’est qu’il y a assez peu de réflexion intellectuelle / académique sur ces questions car les économistes ont été aveuglés par l’idée d’un libre-échange déséquilibré et sans éthique. Les politiques sont livrés à eux-mêmes sur ces sujets aujourd’hui sans qu’il y ait de réflexions économiques derrière.

On n’a pas pris en compte tout l’aval de la filière. Par exemple un fabricant de couteaux ne pourra acheter que de l’acier « propre » (soumis aux taxes carbones) et il va se retrouver en compétition avec des fabricants qui achètent de l’acier carboné pour bien moins cher.

Une solution assez immédiate (mais qui ne résout pas tout le problème) est de communiquer sur les produits et sur la quantité de taxe carbone qu’ils contiennent. Cela permet de dire que le constructeur européen a des produits propres. Mais ce n’est pas une solution miracle, le jour ou l’écart de prix est important, les consommateurs vont s’orienter vers les produits les moins chers, même s’ils sont bien plus carbonés. Ce n’est pas suffisant et il faut aller plus loin et que toute la filière en aval subisse des ajustements carbones jusqu’à un certain point. C’est complexe comme sujet mais étant donné que c’est une question clef, il faut s’y pencher.

Il faut certainement s’attaquer aux pays qui n’ont pas ces règles sur le carbone. Un pays comme la Chine est en train de déployer -en plus de ce qu’ils ont déjà-plus de 200 GW de centrale à charbon c’est l’équivalent de ce qu’a conservé les États-Unis.

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