L'élection américaine déjà jouée ? La vraie fausse gaffe de Mitt Romney<!-- --> | Atlantico.fr
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Dans une vidéo diffusée en ligne, le candidat républicain accuse 47% de l'électorat d'être assisté par l'Etat fédéral.
Dans une vidéo diffusée en ligne, le candidat républicain accuse 47% de l'électorat d'être assisté par l'Etat fédéral.
©Reuters

Trans Amérique Express

Mitt Romney vient de commettre un crime de lèse démocratie. Il a dit du mal de près de la moitié des électeurs ! Et plus grave, il a dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Mitt Romney vient-il de perdre définitivement toute chance de remporter l’élection présidentielle ? Ou au contraire de relancer le débat ? La publication lundi d’une vidéo amateur, où il s’en prend « aux 47% des Américains qui dépendent du gouvernement et voteront Obama quoi qu’il arrive », a suscité l’émoi de ses adversaires, et l’embarras de ses partisans pour qui Romney a encore une fois donné à ses ennemis un bâton pour le battre. Mais elle a aussi engendré un débat qui pourrait profiter aux républicains.  

Accusé de « mépriser le petit peuple » et de « relancer la lutte des classes» le candidat républicain a été attaqué de toutes parts et s’est retrouvé sur la défensive. Alors qu’il ne parvient toujours pas à prendre l’ascendant sur Barack Obama dans les sondages. Mais ses propos dérangent pour une autre raison. Une raison plus profonde qui dépasse le cadre de la campagne présidentielle.

Romney a exprimé tout haut ce qu’un certain nombre d’Américains pensent tout bas. Et il a mis le doigt sur une transformation sociale préoccupante : loin de l’image d’une nation de pionniers, et de « self made men » l’Amérique est devenue, à son tour, une société de la « dépendance », accoutumée aux subsides de l’Etat.

La vidéo à l’origine du scandale a été mise en ligne lundi 17 septembre sur le site de MotherJones, une publication d’extrême gauche, porte-voix des thèses altermondialistes. Le site n’a pas précisé comment il l’avait obtenue.

Elle date du 17 mai 2012 et fut prise pendant un diner destiné à  « lever des fonds » à Boca Raton en Floride, auprès de sympathisants républicains qui avaient payé 50 000 dollars pour être présents ce soir-là !

On peut y voir Mitt Romney déclarer :  « Il y a 47% des gens qui voteront pour Obama, quoiqu’il arrive. Ils dépendent du gouvernement au quotidien ; ils se considèrent comme des victimes et pensent qu’il est de la responsabilité du gouvernement de leur apporter toute forme d’assistance, soins de santé, alimentation, logement et d’autres choses encore… Ils estiment que c’est un droit. Que cela leur est dû… Ces 47% ne payent pas d’impôt sur le revenu… Mon rôle n’est pas de m’occuper d’eux. Je ne parviendrai jamais à les convaincre qu’il devrait prendre leur vie en main et devenir responsable d’eux-mêmes… » 

Cette vidéo a suscité un émoi instantané. Prenant le pas sur tous les autres sujets du moment, dont la poursuite des manifestations anti-américaines dans le monde musulman. Pour nombre d’observateurs Romney avait commis « la gaffe de trop ». Ses propos renforcent les stéréotypes négatifs dont il est affublé, ceux qui le décrivent comme un richissime financier déconnecté des réalités et dédaigneux des masses laborieuses.

Dans un premier temps Romney a d’ailleurs accusé le coup. Apparaissant devant les caméras quelque peu embarrassé et qualifiant ses propos comme « ayant manqué d’élégance ». Mais loin de les renier, il en a au contraire souligné la validité. Parce que ses remarques ont suscité un débat de fond lui offrant une porte de sortie favorable.  

Certains observateurs se sont en effet demandés si Romney n’avait pas décrit une réalité insidieuse. Non pas qu’il existerait 47% d’Américains vivant à la solde du gouvernement, mais qu’à force de s’insinuer dans tous les pans de la vie quotidienne, l’assistance gouvernementale soit devenue une forme de « drogue » à laquelle les Américains sont « accrocs ».

Sur le fond, Romney a faux. Sa déclaration ne correspond pas à la réalité. Parce que les 47% d’Américains qui ne payent pas d’impôts sur le revenu, ne sont pas forcément les plus importants bénéficiaires des largesses gouvernementales.

Aux Etats-Unis l’impôt sur le revenu est prélevé à la source sous la forme d’une « payroll tax », « un prélèvement sur le salaire » (dont l’employeur paye également une part). En fonction du niveau de ce revenu cette « payroll tax » peut être assortie d’un « impôt sur le revenu » (« income tax »).

De sorte que lorsqu’il fait sa déclaration d’impôt un citoyen américain peut découvrir qu’il doit encore au gouvernement fédéral, qu’il ne doit plus rien, ou bien même que c’est le gouvernement qui lui doit de l’argent pour en avoir trop prélevé. Auquel cas il bénéficie d’un « refund », un remboursement !

Chaque année, 47% des Américains environ n’ont ainsi pas à payer « d’income tax » ou bénéficient d’un remboursement. Mais ils ont tout de même payé un impôt sur leurs revenus. Et cet impôt étant prélevé sur un salaire, il est clair que ces Américains sont des « travailleurs » et pas des « profiteurs ». Les personnes 100% assistées sont beaucoup moins nombreuses que Mitt Romney semble le suggérer…

Il n’en reste pas moins vrai que les dépenses du gouvernement augmentent chaque années et que les administrations successives ne parviennent pas à renverser cette tendance et réduire ces dépenses. Bien que toutes prétendent s’y atteler.

Pour certains conservateurs les propos de Mitt Romney ont donc le mérite de définir les termes du débat : l’élection présidentielle de novembre offre aux Américains une occasion unique de revenir à une société de la « responsabilité » et d’en finir avec la société de la « dépendance ». Au-delà d’une opposition  entre des Américains  qui « reçoivent et ne donnent rien » et d’autres qui « donnent et ne reçoivent rien », la vraie question est celle d’un choix de société.

« Ce président est convaincu que la société doit s’articuler autour d’un gouvernement, appelé à jouer un rôle de plus en plus important, a répété Mitt Romney… je crois au contraire à une société faite d’individus libres, libres de créer des entreprises, libres de poursuivre leurs rêves, libre de s’employer les uns les autres et de bâtir une économie saine et solide. »

Le scrutin du 6 novembre dira si la société envisagée par Mitt Romney, qui correspond à l’image que l’Amérique a d’elle-même, correspond encore à la réalité et aux vœux  des Américains.

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