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L’effroyable férocité du camp d’extermination d’Auschwitz racontée par Simone Veil
©BORIS HORVAT / AFP

Bonnes feuilles

22 décembre 2004. Pour la première fois, Simone Veil retourne à Auschwitz avec les siens. Le reportage publié dans « Paris Match » avait bouleversé les lecteurs par l’intensité de l’émotion qui s’en dégageait. A l’origine de ce « voyage », Alain Genestar, alors directeur de la rédaction du magazine. Il avait réussi à convaincre Simone Veil de revenir sur les lieux où 1 million de Juifs et 120 000 autres déportés ont été assassiné par les nazis. Extrait de "Pour mémoire" d'Alain Genestar, aux éditions Grasset (1/2).

Alain Genestar

Alain Genestar

Alain Genestar, journaliste et romancier, a dirigé la rédaction du Journal du Dimanche puis celle de Paris Match, avant de diriger Polka Magazine. Il est l'auteur, chez Grasset, de Les Péchés du Prince (1992), Français, si vous rêviez (1995), Le Baraquement américain (1998) et Expulsion (2008). 

 

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Alain Genestar : Vous m’avez dit hier que vous ne reconnaissiez rien, que le camp de Birkenau ne ressemble en rien aujourd’hui à ce qu’il était pendant la guerre. Hier, il faisait très froid mais le ciel était bleu, les portiques ressemblaient à une architecture chinoise...

Simone Veil : C’était un cloaque... Il n’y avait que de la boue, pas un brin d’herbe parce que nous passions des heures, debout, pour l’appel, d’où ma hantise des files d’attente. La terre était piétinée par les SS, par les kapos, qui n’arrêtaient pas d’aller d’un endroit à l’autre, par les malheureux qui étaient victimes de dysenterie et n’avaient pas le temps d’aller jusqu’aux trous, très éloignés, qui servaient de latrines. Ils se vidaient complètement sur place. Il y avait des cadavres partout. Et des morts vivants, qu’on appelait les « musulmans », de véritables squelettes, perdus mentalement, qui titubaient jusqu’au moment où ils tombaient et restaient là avant qu’on ne les ramasse.

Les gens ne voulaient pas aller à l’infirmerie par peur de la sélection, par peur d’être envoyé à la chambre à gaz. La consigne était donc de ne pas s’y rendre. Pendant tout notre séjour au camp, même quand maman était très malade, nous n’y sommes pas allées.

Alain Genestar : Hier encore, vous avez été surprise par le silence.

Simone Veil : Le camp, c’étaient beaucoup de cris. Les hurlements des kapos, les ordres des SS, les aboiements des chiens. Et au loin, le son de l’orchestre de musique classique qui jouait pour le départ, surtout pour le départ, et le retour des kommandos qui travaillaient à l’extérieur du camp.

Il y avait une férocité. Oui, c’est le mot : une férocité. L’agressivité était partout, dans toutes les relations, même entre nous. Il y avait des « droit-­commun », reconnaissables à leur tenue verte, des lesbiennes et des condamnées pour affaires de mœurs, en noir, des Témoins de Jéhovah avec un triangle violet, et toutes celles qui étaient là depuis des années, devenues très violentes, et particulièrement des Ukrainiennes qui volaient tout ce qu’elles pouvaient. C’était une insécurité et un désordre permanents.

Les kapos étaient choisies pour leur brutalité. C’étaient des Polonaises, juives ou non, qui avaient passé quatre, cinq ans dans le camp ou dans des ghettos. Elles avaient perdu toute leur famille et n’avaient plus aucun sentiment de pitié ou de solidarité, sauf à l’égard d’une ou deux amies avec lesquelles elles avaient tout partagé depuis des années. Si elles ne maintenaient pas à notre encontre une discipline très dure, elles perdaient leur fonction.

Extrait de "Pour mémoire" d'Alain Genestar, aux éditions Grasset

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