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L'éducation nationale a enfin un ministre… et la comparaison est cruelle pour beaucoup d'autres membres du gouvernement
©AFP

Modèle à suivre

Le ministère de l'Education nationale aurait enfin un ministre compétent à sa charge. Il et juste et clair dans sa pensée et ses prises de parole, ce qui le distingue par rapport à ses autres collègues du gouvernement. Le ministère de la justice est visé.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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On entend et on lit beaucoup ces derniers jours le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer. Heureusement. Il y a là d'abord, et enfin, un ministre avec tout ce qu'impliquent cette charge et cet honneur.

Il connaît la matière, il pense juste, il parle clair, il est conservateur sans être régressif, il tétanise ses opposants de gauche qui sont tout surpris, n'y ayant pas été habitués, d'avoir face à eux une personnalité, un savoir, des convictions, du respect et non pas seulement une idéologie. Ce n'est pas Jack Lang qui me fera changer d'avis quand il fait exprès de ne pas comprendre - "un enfant est un être vivant, pas une machine" - un propos pourtant sans la moindre équivoque suspecte sur l'apport des neurosciences ! 

Jean-Michel Blanquer mérite le prix d'excellence dans le gouvernement d'Edouard Philippe et un gouffre s'est d'ailleurs creusé entre lui, Gérard Collomb et Jean-Yves Le Drian d'un côté et la plupart des autres ministres de l'autre.

Son éloge me rend d'autant plus sensible mon abstention d'enthousiasme à l'égard de notre garde des Sceaux. Je la vois sur les photographies, en bonne place au Conseil, mais que fait-elle exactement, qui nomme-t-elle, quelle est son appréciation sur le corps judiciaire, quelle est la nature de ses projets si elle en a ? Est-elle en marche ou à l'arrêt ? Est-elle de droite ou de gauche - apparemment d'une sensibilité socialiste - mais a-t-elle évolué pour se mélanger, si j'ose dire, et offrir une mixture originale ?

Je lui propose toutes affaires cessantes l'opportunité d'un pragmatisme modeste mais efficace. Il y a eu une agression par jour contre les surveillants de prison cet été (Le Figaro). Si elle acceptait de se pencher sur les problèmes pénitentiaires, pas seulement pour verser des larmes de compassion sur les coupables comme Christiane Taubira mais pour se soucier de ceux qui les gardent et qui dans certains établissements sont soumis à la loi des détenus, ce serait bien. En tout cas sûrement mieux que d'avoir eu l'idée saugrenue de légaliser l'usage des téléphones portables en prison, tellement conforme à ce penchant français qui consiste à valider ce qu'on n'a pas su interdire ou empêcher !

Mais si elle est de gauche, elle ne bougera pas d'un pouce. Comme elle vient de la gauche, les péripéties de l'été ne la mobiliseront pas !

Jean-Michel Blanquer m'a fait réfléchir à ce sujet quand, refusant l'étiquette d'homme de droite ou de conservateur, il déclare que l'éducation n'est ni de droite ni de gauche (Le Figaro). S'il signifie par là que l'institution dans son essence, sa structure et ses finalités n'est ni de droite ni de gauche, il énonce une idée qui devrait être acceptée par tous, sauf à faire des services publics fondamentaux de la République, des lieux d'affrontement et d'idéologie.

De l'institution judiciaire, on devrait pouvoir affirmer aussi qu'en elle-même elle n'est ni de droite ni de gauche mais d'une neutralité obligatoire puisqu'elle à se consacrer virtuellement ou réellement à l'ensemble de la communauté nationale, toutes tendances confondues. D'où l'odieux cataclysme opéré par le déplorable "mur des cons" !

Une fois ce point capital admis, reste qu'il y a des politiques de droite ou de gauche qui, appliquées à l'Education nationale ou à la Justice, se fixeront des objectifs radicalement différents, auront des démarches antagonistes et privilégieront, dans leur action, telle priorité plutôt que telle autre.

Cela, en effet, n'est pas indifférent de célébrer le mérite ou de le décrier, de prétendre à une égalité facile par le bas plutôt qu'à favoriser un élan de tous vers le haut, de considérer que la société est coupable plus que le délinquant ou de reconnaître à celui-ci l'honneur d'une liberté et d'une responsabilité individuelles, aussi réduites qu'elles soient parfois.

Cela n'est pas vain d'espérer le retour de l'autorité à l'école et l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul et, sur un autre plan, l'émergence enfin d'un état de droit cohérent et vigoureux, destiné aussi à protéger la multitude des honnêtes gens, et une autorité non hémiplégique de l'Etat.

La droite et la gauche n'ont pas les mêmes conceptions, la même vision. L'une et l'autre n'ont pas à s'excuser d'être ce qu'elles sont. Chacun rejoindra son camp. Celui de la liberté qui favorise les initiatives et crée de la respiration sociale et professionnelle ou celui de l'égalité qui étouffe et stérilise. La première fait avancer quand l'autre incite à stagner.

On m'opposera - j'en ai rêvé - l'utopie d'une politique judiciaire qui embrasserait tout et dont un humanisme corseté et ferme serait l'inspirateur. J'accepte l'impossibilité politique d'un tel futur qui très vite démembrerait la plénitude espérée en une droite et une gauche classiques.

Aussi, au risque de contredire le ministre Blanquer, heureusement qu'il est de droite pour avoir en charge une institution qui n'est ni de droite ni de gauche.

Pour la Justice, j'attends. Nous n'en sommes pas encore là.

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