L’ampleur de la catastrophe économique que la zone euro s’est auto-infligée s’aggrave encore <!-- --> | Atlantico.fr
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Les emprunts bancaires des ménages et des entreprises se sont arrêtés en 2023, selon Adam Tooze.
Les emprunts bancaires des ménages et des entreprises se sont arrêtés en 2023, selon Adam Tooze.
©INA FASSBENDER / AFP

Crise à l'horizon ?

Echapperons-nous finalement à la récession ?

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Les emprunts bancaires des ménages et des entreprises se sont arrêtés en 2023 alors que la demande de prêt a explosé, encore plus que lors de la crise de la zone euro. Qu’est-ce que cela signifie ? Que la situation économique s'aggrave ?

Don Diego de la Vega : Je ne sais pas si on peut dire que la demande de prêt a explosé. Mais ce qui est certain, c'est que l'offre se porte mal. En même temps, c'était le but poursuivi par la BCE. L’idée de monter les taux de 400 points de base, c'était bien pour resserrer les conditions de crédit ? On pourrait donc dire de façon un peu cynique qu’on est en train de récolter ce que l'on a semé. Le problème, c'est que le lien entre tout ça et la maîtrise d'une inflation statistique en glissement annuel est un lien assez ténu. Ce n'est pas parce qu'on est en train de se faire « hara-kiri » monétairement et sur le crédit, qu'on a nécessairement accéléré le reflux de l'inflation.

Ce qui est vraiment rageant dans cette histoire, c'est qu'on a fait ça essentiellement pour des raisons symboliques. Il fallait monter les taux d'intérêt pour que la BCE puisse se disculper dans la montée de l'inflation. Ce qui n’a pas servi à grand-chose. 

Pourquoi personne ne tire le signal d'alarme ?

Quelques personnes commencent à tirer la sonnette d'alarme. Je trouve que c’est un peu tard. Il fallait le faire il y a 18 mois, quand la BCE a remonté les taux à partir de l'été 2022. Mais bon, mieux vaut tard que jamais. Quelques personnes s'aperçoivent quand même que nous sommes en train de couper la branche sur laquelle nous sommes assis. Pourquoi ça vient si tard ? Une partie des économistes qui travaillent à l'université sur des sujets sur les discriminations raciales au XIXᵉ siècle dans le sud des États-Unis sont perchés. Une autre partie des économistes trouvent que c'est une très bonne idée de monter les taux d'intérêt pour créer un ou deux millions de chômeurs en plus. En gros, ce sont tous ceux qui sont fans de la BCE ou très acoquinés à Francfort. Ça fait du monde. Pour le reste, nous avons des gens qui ne mesurent pas à quel point ça va faire mal de monter les taux de 400 points de base quand les anticipations d'inflation sont très ancrées et à quel point ça va probablement amener une décennie de croissance perdue. Quand ils s'en rendent compte, il est un peu trop tard. Le mal est fait.

Quelle devrait être la réaction de la zone euro pour nous sortir de cette situation ?

Il faudrait déjà qu'il y ait une réaction. Peu importe laquelle d'ailleurs. Mais surtout, la BCE doit comprendre qu’il faut baisser les taux cette année. Il faut qu'elle fasse un vrai demi-tour et ça va prendre du temps malheureusement. Pour accélérer le mouvement, il faudrait un choc. Quelque chose qui accélère un peu le mouvement. Sinon, la BCE va faire comme d'habitude. Elle va faire une détente monétaire trop peu et trop tard. Le plus tôt sera le mieux. 

Le produit intérieur brut (PIB) de la France devrait croître de 0,2% au dernier trimestre de l'année 2023, a indiqué mercredi la Banque de France, révisant en hausse sa précédente estimation de croissance (0,1%). Comment la France tente-t-elle de tirer son épingle du jeu avec des résultats un peu moins mauvais que prévus ?

J'essaie de décrire un mouvement, plutôt lent mais certain, qui est un peu rampant. C'est pour ça qu'il est pervers. C'est un mouvement de japonisation. En revanche, là où il y a une catastrophe, c’est sur les gains de productivité depuis cinq ou six ans. Notamment parce qu'on dépense énormément et parce que les Français ont encore des bas de laine. Et donc, si on puise dans l'épargne publique et dans l'épargne privée, on peut limiter le choc et s'en sortir. Mais c'est pas glorieux et surtout ce n’est pas durable. L'idée, c'est qu'on n'a pas vraiment investi sur l'avenir et on n’a aujourd'hui, par exemple, aucune entreprise dans le top 30 des grandes entreprises innovantes mondiales. Et ce n’est pas parce qu'on passe d’un trimestre à l’autre de 0,1 à 0,2% de croissance que ça change quoi que ce soit sur le constat de fond.

On est toujours dans le pack, on est toujours dans le peloton légèrement médiocre. Ceux qui s’en sortent bien, ce sont souvent des petits pays qui adoptent soit des méthodes de passager clandestin, soit qui n'ont pas choisi l'euro. Et par conséquent, quand on ne choisit pas l'euro, évidemment on est on est bien meilleur. C'est une évidence. Donc il y a des pays qui s'en sortent mieux que la France tendanciellement depuis quelques années. Mais voilà, avec des règles différentes et en ne respectant pas en général les règles, ni celles de l'Union européenne ni de celles la zone euro, ou en multipliant les clauses d'opting-out (comme le Danemark, l’Irlande ou la Suède), c’est plus simple pour eux.

Je ne souhaite évidemment pas le malheur économique de la France, mais si on décrochait plus nettement, il y aurait peut-être une prise de conscience plus nette. Et peut-être que cette conscientisation favoriserait l'émergence d'une nouvelle direction politique et de nouvelles politiques économiques.

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