L’amour est dans le pré : l’agriculture se porte beaucoup mieux que ce que les discours politiques colportent<!-- --> | Atlantico.fr
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Les premiers chiffres du recensement agricole donnent une image du secteur bien meilleure que ce que les clichés politiques répètent en boucle.
Les premiers chiffres du recensement agricole donnent une image du secteur bien meilleure que ce que les clichés politiques répètent en boucle.
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Atlantico Business

Les premiers chiffres du recensement agricole donnent une image du secteur bien meilleure que ce que les clichés politiques répètent en boucle à longueur de discours. Les exploitations ne disparaissent plus dans la misère mais elles évoluent. Les emplois et la mentalité également.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Etonnants, les premiers chiffres du recensement décennal agricole. Et pourtant, la conférence de presse du ministre de l’Agriculture n’a eu aucun succès, les abonnés à l'agribashing sont restés silencieux, les organisations syndicales ont fait preuve d’une discrétion peu courante.

C’est un rendez-vous important parce qu’il a lieu une fois tous les dix ans. Il donne une photographie d’une population sensible, mais qui ne fait pas l’ouverture des journaux télévisés. Ces chiffres n’ont pas fait l’objet du plus petit commentaire des responsables politiques qui n’hésitent pourtant pas, du côté de la France insoumise ou du Rassemblement National, à faire pleurer dans les chaumières sur le triste sort de nos paysans français,  généralement coincés entre une politique européenne, la puissance de la grande distribution, la concurrence internationale... Bref, les clichés ont la vie dure. Cette année, les analystes du monde agricole et les professionnels du chiffre ont modestement repris les dernières données du secteur et on peut en dépeindre une image bien meilleure que celle qui ressort des discours.

L’activité agricole, qui fait vivre près de 3 millions de Français, a certes encore beaucoup de difficultés sociales, économique et financières. Mais ça n’est plus le secteur où on se suicide le plus, ni celui où il y a le plus de dépression.

En bref, les chiffres du recensement sont bons et leur évolution depuis dix ans est plutôt favorable.

1er point, le secteur agricole n’est plus un secteur où les exploitations disparaitraient tous les jours. En dix ans, entre 2010 et 2020, le nombre d’exploitations est passé de 490 000 à 390 000, soit une baisse de 21%. Une exploitation sur 5 a disparu. C’est important et sans doute désolant, sauf si l’on remarque que la surface des fermes a augmenté de 25%, passant de 55 à 69 hectares. Sur les 100 000 disparitions, la moitié (50 000) faisait moins de 2000 euros de chiffre d’affaires. Les autres se sont regroupées et beaucoup se sont mises en société. Jean-Marie Seronie, économiste de l’agriculture et membre de l’académie, très écouté dans les milieux syndicaux, précise que « le nombre d’exploitations qui ont effectivement disparu ne serait que de 40 000 ». Soit une ferme par commune sur dix ans.

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Mais on est encore loin de cette menace de voir le monde agricole dominé par des grandes fermes industrielles et obsédé par la productivité du « quoi qu’il en coute ».

2e point, l’agriculture française reste dominée par un modèle d’exploitation familiale de petite taille. Le nombre de travailleurs par exploitation a très peu augmenté en dix ans. (1,5 à 1,7). L’élevage, lui, s’est concentré plus fortement que les autres activités. Le nombre d’exploitations a baissé de 30% en dix ans, mais le nombre d’animaux de 7 % seulement.

3e point : le nombre d’emplois, équivalents temps plein, n’a baissé que de 11% en dix ans, mais les emplois ont beaucoup changé. La pluriactivité a beaucoup diminué, ce qui veut dire que les exploitants gagnent mieux leur vie grâce à leur ferme et sont moins nombreux à être obligés de trouver un emploi de complément. Le gros changement, c’est l’accroissement important du nombre de salariés ; l’emploi salarié représente plus de 33%. Beaucoup d’exploitations sont en société et le chef d’exploitation est salarié en CDI.

4e point : la tendance à la stabilisation du nombre d’exploitations devrait continuer, ce qui signifie qu’il y aura très peu d’exploitations à reprendre. Le prix des exploitations va monter et il n’y aura pas de problème de renouvellement comme certains le prétendent.

Ce qui est très intéressant, c’est que cette évolution gravée depuis dix ans augure bien d’une situation plutôt favorable dans les années qui viennent.

Ce secteur bénéficie aujourd’hui d’une des formations professionnelles les meilleures. Peut-être parce que l’enseignement agricole ne dépend pas de l‘Education nationale, mais d’une combinaison entre les lycées agricoles et les écoles d’ingénieurs agro, et qui donne à cette activité une population employable et porteuse d’innovations et de modernité exemplaire.

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Ce secteur agricole s’est adapté très rapidement aux nouvelles technologies et s’est investi très vite dans les nouvelles habitudes de consommation. La période du Covid a encore accéléré l’évolution et testé la résilience du secteur. Entre la demande accrue de produits de qualité et de proximité, le secteur a amorcé le changement vers une agriculture biologique et vers des circuits de distribution et de transformation qui a permis aux exploitations de récupérer une grande partie de la valeur créée sur la chaine.

Enfin, le secteur agricole est accompagné d’institutions financières qui ont su apporter les moyens de financement des investissements nécessaires et ont apporté des aides assurancielles dans la gestion de risques. Du Crédit Agricole à Groupama, en passant par le Crédit Mutuel, le monde agricole possède tous les moyens de l’ingénierie financière.

Sans parler de la question des successions qui ont, dans le passé, démoli des exploitations et qui, aujourd’hui, se passent sans trop de difficultés et préservent l’unité de production. D’où d’ailleurs la stabilité de la démographie agricole.

Pour aller plus loin :

(Re)voir la présentation des premiers résultats du recensement agricole 2020 :https://agriculture.gouv.fr/recensement-agricole-2020

La présentation de Jean Marie Seronie : https://www.agroeconomie.com/single-post/recensement-agricole-remettre-l-église-au-milieu-du-village?

Présentation vidéo Insee :

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