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L’affaire Benalla en est-elle vraiment une bonne pour l’opposition ?
©Thibault Camus / POOL / AFP

Et sinon, un programme ?

Les Républicains et les Insoumis se sont emparés de l’affaire Benalla au point de balayer tous les autres sujets politiques. Dans une période creuse sur le plan électoral, n’est-ce pas un mauvais calcul ? L’heure n’est-elle pas plutôt au réarmement idéologique de l’opposition ? Faut-il s’attendre à ce que Macron dévisse dans l’opinion à la suite de cette affaire ?

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico.fr : Les Républicains et les Insoumis semblent s’enfoncer tête baissée dans l’affaire Benalla au point de balayer d’un revers de main tous les autres sujets politiques. Dans une période creuse sur le plan électoral, n’est-ce pas un mauvais calcul ? L’heure n’est-elle pas plutôt au réarmement idéologique de l’opposition ?

Jérôme Fourquet : On constate, d’abord, que cette affaire, pour importante qu’elle soit, est très fortement investie par les médias d’une part et par l’opposition d’autre part. Le journal Le Monde l’a sortie à un moment de l’agenda très habile, car l’actualité était restée concentrée sur la Coupe du Monde pendant quelques semaines, et était en train de retomber dans une phase de creux. Pour les médias, c’est peut-être aussi une forme de revanche vis-à-vis d’un pouvoir qui les avait jusque-là tenus à distance. La presse semble décidée à faire payer à Emmanuel Macron la monnaie de sa pièce.
Par ailleurs, c’est une immense opportunité pour les oppositions, qui jusqu’à maintenant étaient très fracturées entre elles : la recomposition consécutive à l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron a mis en place deux forces d’opposition qui ne s’entendent sur presque aucun sujet, et qui n’ont cessé d’afficher des positions irréconciliables. Il s’agit cette fois, avec l’affaire Benalla, d’une occasion rêvée pour toutes les oppositions de lui tomber dessus à bras raccourci sans afficher de fractures, comme autour de la loi asile et immigration par exemple, où Emmanuel Macron avait beau jeu de passer pour le seul raisonnable, entre ceux qui l’accusaient de trop en faire et ceux qui lui reprochaient de ne pas aller assez loin. Le seul effet était jusque-là de relégitimer En Marche. Cette affaire permet donc aux oppositions de faire un tir groupé, avec les mêmes arguments et le même angle d’attaque : elles-aussi règlent leurs comptes avec un pouvoir qui les a passablement secouées. Si l’affaire est importante, elle prend donc une tournure peut-être un peu disproportionnée, eu égard à la nature des faits qui ont été révélés au grand public jusqu’à maintenant.

Mais les Français ne sont-ils pas échaudés de voir l’opposition se concentrer sur cette affaire dans une sorte de réaction automatique, plutôt que de s’investir sur des sujets politiques plus fondamentaux comme la réforme constitutionnelle ?

On retrouve en effet un mode de fonctionnement un peu pavlovien, mais qui est de bonne guerre, à savoir que l’opposition est supposée s’opposer, c’est-à-dire se saisir de chaque brèche pour attaquer le pouvoir. Cette espèce d’opposition systématique, un peu facile mais somme toute très efficace, est ancrée dans l’histoire de la république ; c’est parce qu’on l’avait perdue de vue depuis une année que le jeu politique était brouillé. D’autre part, même si cette affaire n’est sans doute pas encore une affaire d’Etat, elle est néanmoins très intéressante en ce qu’elle révèle de manière très nette les travers du mode de fonctionnement d’Emmanuel Macron, le système « commando » qu’a mis en place le Président de la République, en faisant confiance uniquement à de très proches collaborateurs qui lui sont dévoués corps et âme. C’est aussi ce que critique l’opposition, et on voit l’impact de tout cela dans l’opinion : le deux-poids-deux-mesures, la contradiction flagrante avec le discours sur la République exemplaire et la dichotomie entre l’ancien et le nouveau monde, mettent à mal toute une partie du dispositif de communication de l’Elysée. Cela renforce encore la critique d’un président hautain ou méprisant vis-à-vis des petites gens : on peut se dire que ce type d’attitude doit se transmettre, de Macron à ses collaborateurs. C’est pour cela aussi que les oppositions se sont précipitées dans la brèche.

Faut-il s’attendre à ce que Macron dévisse dans l’opinion à la suite de cette affaire ?

Nous verrons très rapidement l’effet de tout cela sur la popularité du Président. C’est une affaire qui est manifestement très embarrassante pour le pouvoir. Quant au débat sur la réforme constitutionnelle, il est contaminé par cette affaire : la réforme est présentée comme un « dégraissage du mammouth » parlementaire, mais cette réforme consiste également en un renforcement des prérogatives présidentielles dans un régime qui est déjà très présidentiel. L’affaire Benalla rendre plus compliquée cette réforme, et les oppositions en viennent à construire jour après jour une critique très argumentée du style de présidence d’Emmanuel Macron : en cela, l’affaire a pris un tour déjà très différent de sa teneur initiale. Les oppositions s’en servent comme d’un levier pour contre-attaquer sur le cœur de la présidence Macron. Et chaque jour, de nouveaux arguments viennent étayer cette critique.

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