Justice, sécurité, réformes sociétales : de quoi Taubira fait-elle les frais ?<!-- --> | Atlantico.fr
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59 % des Français disent ne pas aimer Christiane Taubira.
59 % des Français disent ne pas aimer Christiane Taubira.
©Reuters

La rançon de la gloire

Un désamour particulièrement explicite : d'après un sondage BVA pour le Parisien, 59 % des Français disent ne pas aimer Christiane Taubira.

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart est le Directeur Général adjoint de l'institut de sondage Opinionway. Il est l'auteur de "La Présidence anormale – Aux racines de l’élection d’Emmanuel Macron", mars 2018, éditions Cent Mille Milliards / Descartes & Cie.

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Atlantico : Christiane Taubira connait une lourde chute dans l'opinion publique. En effet, d'après un sondage BVA pour le Parisien, 59 % des français déclarent ne pas l'apprécier. Comment expliquer ce retournement de situation, après la popularité dont elle bénéficiait à la suite du mariage pour tous ?

Bruno Jeanbart : La popularité de Christiane Taubira a, je pense, souvent été exagérée. Si l'on se fie au baromètre Opinion Way que nous menons depuis son arrivée au Gouvernement en tant que Garde des Sceaux, elle n'a jamais atteint plus de 46 % de satisfaits. C'est, parmi les ministres, un score honorable, mais ça ne reste néanmoins que 46 % des Français. Elle a d'ailleurs connu plusieurs chutes, à divers moments au cours de l'exercice de ses fonctions. Elle a, bien entendu, été une ministre extrêmement populaire au sein de la population de gauche, mais elle n'a jamais su rassembler comme l'ont fait Manuel Valls ou Najat Vallaud-Belkacem.

La baisse récente est imputable à deux phénomènes. En premier lieu, il faut mentionner ce phénomène global qui touche l'ensemble de la majorité, exception faite de Laurent Fabius. Le retrait de la loi famille lui est aussi personnellement reproché.

Selon l'analyse du sondage, il est reproché à la ministre son laxisme sur les questions de sécurité. Est-ce que cela traduit une attente de fermeté de la part des français ?

C'est indéniable. Il est clair que sur toutes les dimensions liées à la sécurité, on assiste à une tendance assez nette des Français à préférer un discours plutôt ferme et sécuritaire. C'est ce qui explique le succès d'une personnalité comme Manuel Valls en tant que Ministre de l'Intérieur, qui incarne cette ligne-là au sein de la majorité actuelle, comme c'est ce qui expliquait le succès de Nicolas Sarkozy auparavant, quand il occupait aussi le poste de Ministre de l'Intérieur.

Pour autant, il est toujours caricatural d'opposer fermeté et prévention en matière d'opinion. On constate aussi que, bien que sensibles à la nécessité d'être ferme vis-à-vis des individus convaincu de délinquance, la dimension prévention est très importante pour les Français.

Luis est  aussi reproché le recul sur la loi famille. Comment expliquer que cette fronde soit d'avantage motivée par la sécurité et d'autres soucis qui sont plus imputables à d'autres membres du Gouvernement qu'à ses propres attributions ?

C'est très classique. Christiane Taubira a porté le projet de loi pour le mariage pour tous, et les droits des homosexuels. Elle s'est battue, en première ligne, pour cette idéologie et aujourd'hui elle y est très fortement associée. Quand bien même, aujourd'hui, elle n'est plus aussi présente qu'auparavant sur la protection de cet idéal, elle paye la rançon de sa gloire.

Le 27 janvier 2014, Christiane Taubira aurait fait convoquer François Falletti, procureur général de la République de Paris, pour le pousser à changer de poste, et choisir à la place un magistrat plus proche de sa sensibilité politique. Cette affaire joue-t-elle sur la perception que les Français peuvent avoir d'elle ? Assiste-t-on à une forme de désillusion ?

Pas pour l'instant, c'est encore un peu tôt. Il n'existe pas de trace dans l'opinion publique, puisque cela reste pour le moment un sujet trop confidentiel pour être connu du grand public.

Toutefois, il contribuera certainement, comme d'autres évènements survenus en ce début de quinquennat, à limiter le sentiment de changement érigé par François Hollande en slogan de campagne, à diminuer l'impression de rupture avec le précédent gouvernement. On retrouve le même interventionnisme, qui nourrit le sentiment général que les politiques entrent en contradiction, dans l'application, avec leurs propos.

Finalement, est-ce que cette chute dans l'opinion publique est due à une attitude, plutôt qu'à une façon de mener les réformes ?

Le Ministre de la Justice, de façon générale, est assez peu exposé à l'opinion publique, sauf dans des situations très précises ou vis-à-vis de thèmes très spécifiques, comme ce fut le cas sous Badinter avec l'abolition de la peine de mort.

En vérité, on juge moins Christiane Taubira sur son action en termes de Justice que sur ses positions politiques. Et ce, parce que son ministère est assez peu visible et parce que son action échappe globalement aux Français. Ce sont ses positions généralistes, son exposition durant le débat autour du mariage pour tous, sa personnalité politique qui sont jugées.

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