JO pour tous ? Les promesses de Londres 2012 n’ont jamais été tenues <!-- --> | Atlantico.fr
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Une photographie aérienne en date du 21 juillet 2010 montre les sites et les stades des Jeux olympiques et paralympiques de Londres de 2012 à Stratford, dans l'est de Londres.
Une photographie aérienne en date du 21 juillet 2010 montre les sites et les stades des Jeux olympiques et paralympiques de Londres de 2012 à Stratford, dans l'est de Londres.
©Anthony Charlton/Olympic Develop / AFP

Avis aux Parisiens

L'organisation des Jeux Olympiques entraîne des dépassements de budget et les infrastructures construites pour l'occasion sont souvent délaissées après la compétition. Quels sont les enseignements des JO de Londres en 2012 ?

Jean-Pascal Gayant

Jean-Pascal Gayant

Jean-Pascal Gayant est Professeur des Universités, Agrégé des Facultés de Sciences Economiques et Directeur de l'IUT de St Malo à compter du 01er septembre 2022. Jean-Pascal Gayant est spécialiste de l’économie du sport.

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Atlantico : On le sait, les Jeux Olympiques sont toujours sources de coûts importants, les dérapages budgétaires sont monnaie courante et souvent les infrastructures construites sont laissées à l'abandon. Londres 2012 devait être différent. Dix ans après, quel est le bilan ? Les promesses économiques et sociales ont-elles été tenues ?

Jean-Pascal Gayant : Les Jeux de Londres devaient être un accélérateur de la réhabilitation de l’est de Londres, avec un budget maitrisé et des retombées économiques considérables. Parmi les objectifs mis en avant, il y avait la création de 30 000 à 40 000 nouveaux logements, "dont la plupart auraient dû être des logements abordables". Si les chiffres officiels font état, aujourd’hui de 3 000 logements abordables construits, ils occultent le fait que presque autant de logements ont été détruits. Le solde est très modeste (quelques centaines de logements tout au plus). Les logements en question sont en effet plus modernes, mais en nombre très insuffisant pour faire diminuer les listes d’attente relatives aux logements sociaux. De plus, les tarifs de ces logements ont progressé et peinent à demeurer dans la catégorie des logements abordables. Au bilan, la réhabilitation de cette partie de Londres a globalement « fonctionné », mais au bénéfice d’une nouvelle catégorie d’habitants, plus fortunés, et au détriment des plus modestes des résidents historiques. Ce type de phénomènes n’est pas nouveau. Il avait déjà été observé à Barcelone après les Jeux de 1992.

En matière de coûts, les Jeux de Londres n’ont pas été très vertueux. Le coût prévisionnel s’échelonnait entre 3 et 5,5 milliards de livres (selon les sources) et le « réalisé » s’est élevé à 11,3 milliards de livres. Le coût de la sécurité a pesé lourd dans cette explosion des coûts. Il a été annoncé que le supplément de coût imputable à la sécurité s’élevait à plus d’un milliard de livres. Londres devait, pour produire des Jeux plus vertueux, s’appuyer sur des infrastructures provisoires qui ne laisseraient pas « d’éléphants blancs » en héritage (les éléphants blancs sont des infrastructures n’ayant guère d’utilité à l’issue de la manifestation et dont les coûts de maintenance et d’entretien continuent à peser, pendant des décennies, sur les contribuables locaux ; le plus souvent, de telles infrastructures sont tout simplement fermées pour réduire les coûts à leur niveau plancher). L’expérience a montré que les infrastructures provisoires coûtent à peine moins chers que les infrastructures définitives. Le principal bénéfice est que l’on n’a plus, à l’issue de la manifestation, à supporter le fardeau de l’équipement.

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Pourquoi la France est-elle seule à ne pas se rendre compte que l’organisation des JO n’a pas d’intérêt économique ?

Quant aux retombées économiques, elles ont fait l’objet d’annonces farfelues. La cérémonie de clôture des Jeux était à peine achevée que les autorités locales faisaient état de 16,5 milliards de livres d’impact pour la période 2005-2012. En scrutant le document rendu public, on pouvait constater que les torchons avaient été allègrement additionnés avec les serviettes : les auteurs de l’étude incorporaient les Investissements Directs Etrangers au Royaume Uni (sans aucun lien avec les Jeux Olympiques) et les ajoutaient aux dépenses d’organisation et aux dépenses consenties par les spectateurs. Au-delà de la question de la validité des études d’impact de long terme (études d’impact portant généralement sur une période allant de l’attribution des Jeux à 10 ans après les Jeux) – dont je ne suis pas convaincu de la pertinence-, il y a le problème des surestimations grossières. En l’espèce, les auteurs de l’étude n’ont guère gagné en crédibilité ce jour-là…

Qui a pu bénéficier ou non des investissements qui ont été faits pour les Jeux Olympiques ?

Comme souvent, les bénéficiaires des Jeux sont les grandes entreprises du BTP et les entreprises d’événementiel et de communication. La ville de Londres a, elle aussi, bénéficié, dans une certaine mesure, de retombées d’image. Elle a réussi la réhabilitation accélérée d’un quartier qui est maintenant habité par une population aisée ou de riches étrangers. Le tourisme se déploie maintenant dans un périmètre qui était peu fréquenté jusque-là. Les Jeux de Londres ont été une réussite en termes d’entertainment. Ils ont été une vitrine pour Londres dans la compétition internationale entre les grandes métropoles. Les enjeux sont économiques au sens large, incluant la croissance du flux touristique pour les années à venir. En matière sociale, les Jeux de Londres ne semblent pas avoir apporté d’énormes bénéfices, si ce n’est d’avoir conforté la fierté nationale. Mais il n’y a guère eu de bénéfices de long terme pour les populations les plus modestes.

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Qu'est-ce qui peut expliquer que Londres ait ainsi échoué à reconvertir les sites pour en faire des lieux destinés à la population locale ?

Encore faudrait-il qu’existe un modèle crédible de reconversion des sites à cet effet ! Je n’en connais pas. La nature des Jeux (une collection d’une trentaine de championnats du monde organisé sur 16 jours dans un périmètre réduit) n’est en phase avec aucune rentabilité économique ou sociale pour la ville d’accueil. Seules les retombées d’image sont réelles… et seulement si tout se passe bien (les Jeux de Sotchi ont été un désastre pour l’image de la Russie. Les Jeux d’hiver de Pékin n’ont pas franchement amélioré l’image de la Chine -cela a surtout ressemblé à de la communication interne-). Les vraies retombées sont pécuniaires pour le CIO, au travers des droits audiovisuels et des droits commerciaux.

En résumé, je ne peux pas vous dire pourquoi Londres a échoué à reconvertir les sites au bénéfice de la population locale… car je n’ai jamais cru que des sites olympiques pouvaient être avantageusement reconvertis au bénéfice d’une population locale.

Quel message l'exemple de Londres doit-il faire passer à Paris, aux Parisiens et à l'organisation des JO 2024 ? Les promesses des JO de Paris sont-elles vouées à être déçues ?

Les promesses en question ont été destinées à ceux qui voulaient y croire, c'est-à-dire une grande majorité des Français blessés par l’affront de la non obtention des Jeux de 2012. Au moment où toute l’Europe découvrait que des Jeux Olympiques peuvent être un terrible fardeau (nous sortions des Jeux de Rio et le Brésil était plongé dans la récession), les Français ont facilement adhéré aux promesses des communicants. Nous n’étions pas guidés par la raison, mais par une espèce de besoin d’événement fédérateur et par la volonté de laver l’affront. Depuis, les pouvoirs publics « rament » pour tenir les budgets et nuancer les promesses du comité de candidature. Pour ceux qui ont émis des signaux discordants au moment de la candidature, il n’y a guère de surprise…

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