Jeff Bezos : l’homme le plus riche du monde a pris sa retraite avec plus de moyens financiers et politiques qu’un Etat<!-- --> | Atlantico.fr
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Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon et de Blue Origin, prononce un discours d'ouverture de la conférence annuelle Air, Space & Cyber ​​de l'Air Force Association à Oxen Hill, le 19 septembre 2018.
Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon et de Blue Origin, prononce un discours d'ouverture de la conférence annuelle Air, Space & Cyber ​​de l'Air Force Association à Oxen Hill, le 19 septembre 2018.
©Jim WATSON / AFP

Atlantico Business

Jeff Bezos a quitté la direction générale d’Amazon mais ne manque ni de projets, ni de défis à relever, que ce soit en termes de conquête spatiale ou de lutte contre le réchauffement climatique. Bezos n’est pas un cas unique, beaucoup de fortunes privées et capitalistes financent le progrès pour le plus grand nombre et du coup, marginalisent les États. 

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Jeff Bezos quitte Amazon à des sommets de fortune jamais atteints dans l’histoire de l’humanité. Et pourtant il n’a pas 60 ans. L’entreprise qu’il a créée n’a jamais paru aussi puissante qu’aujourd’hui, que ce soit dans le e-commerce ou dans le cloud et la publicité, activités très rémunératrices. Au cours de la pandémie, Amazon a augmenté ses ventes de 30% et quasiment doublé son profit.

Depuis la petite librairie en ligne, créée au départ dans un local de Seattle au moment de la bulle internet, Amazon est devenu aujourd’hui le plus grand bazar et surtout le plus grand centre commercial en ligne, capable en plus, de fournir des services internet aux entreprises (cloud : stockage et traitement de données).

Les recettes mises en place par Jeff Bezos et qui ont fait le succès d’Amazon sont pourtant simples :  il s’agissait de satisfaire le client, à des prix cassés si possible.

Satisfaction en quantité de produits disponibles, d’abord. La plateforme en ligne permet de proposer une quantité innombrable de références, très supérieure à n’importe quel magasin ou catalogue par correspondance, avec une très grande facilité pour trouver rapidement des produits et en connaitre les principales caractéristiques.

A des prix cassés, ensuite. Jeff Bezos a voulu créer un « effet de masse » en se diversifiant dans d’autres produits que le livre : électroménager, outils et maintenant alimentation ou médicaments (seulement aux Etats-Unis). C’est en devenant la 1ere Marketplace au monde qu’Amazon a enfin dégagé des marges importantes, après des profits très faibles les 10/15 premières années de son existence.

Enfin, grâce à la qualité de sa logistique et de son organisation interne. Dès le début, Jeff Bezos a réinvesti ses premiers profits pour construire sa propre infrastructure technologique, ses entrepôts ou ses camions pour maitriser son système de livraison.

Deuxième étape du développement, Amazon a ouvert son catalogue à des vendeurs tiers et leur a proposé de gérer leurs services informatiques et leur publicité. Ça a été les débuts de Amazon Web Services. Le cloud a permis de fournir l’infrastructure informatique, l’hébergement et le traitement de données d’un tiers des entreprises dans le monde. Activité très rentable puisque les coûts sont peu importants. D’autant plus rentable qu’Amazon récupérait la data de toutes ses entreprises clientes. Et la data est devenue le nerf de la guerre commerciale.

Enfin, la présence d’Amazon dans les médias, la production vidéo ou la domotique n’a fait que parachever la notoriété de la marque. Amazon est partout dans la maison, sur la télé et nos téléphones. Tout est lié : « Quand on gagne un Golden Globes pour une série, ça nous aide à vendre plus de chaussures » dit Jeff Bezos.

Et puis, comme dans tout succès, il y a une forme de chance. La pandémie a clairement profité à Amazon, parce que l’entreprise était pile au cœur de la demande :  la transition digitale accélérée des entreprises et le recours accru au e-commerce... Elle a donc pu mieux offrira ses clients ce dont ils avaient besoin.

Le cours de bourse d’Amazon a explosé et Jeff Bezos, qui possède 10% des parts d’Amazon, est devenu incontournable :  l’homme du moment, le plus talentueux de la tech et le plus riche de tous, avec une fortune estimée à près de 200 milliards de dollars. Ce qui, lui permet de se consacrer à plein d’autres projets, à la mesure des moyens financiers dont il dispose. Il peut se permettre tout et n’importe quoi ... à condition que ça contribue au progrès pour tous et à la modernité. Tout se passe comme si son objectif n’était plus de sécuriser un retour sur investissement, mais de produire une « utilité collective ». Un peu comme un Etat ou une Nation. Il va donc s’inventer des activités que les États ont abandonné ou ne parviennent pas à mettre en route faute de moyens ou de consensus politique.

La conquête spatiale est évidemment l’un de ses projets les plus aboutis et auquel il va consacrer une bonne partie de ses ressources, avec la société Blue Origine dont il est le fondateur. Le boss veut certes envoyer des touristes dans l’espace, mais à terme il veut aussi coloniser la Lune. Il compte pour cela utiliser les mêmes recettes qui ont fait le succès d’Amazon. Privilégier la quantité pour réduire les coûts, raison pour laquelle Blue Origin travaille à la fabrication d’énormes fusées réutilisables.

Un défi qu’il s’est lancé et dans lequel il est entré dans une forme de compétition, avec d’autres milliardaires comme Elon Musk ou Richard Branson, qui ont aussi des envies d’espace. Cette envie de conquête spatiale avait disparu des radars politiques depuis la guerre froide entre les Etats-Unis et la Russie, sauf que cette fois, ce sont les entreprises privées qui sont à la barre. C’est cette concurrence d’entrepreneurs qui va permettre de nouveaux progrès dans le domaine.

Deuxième projet, celui de la préservation de la planète, de la lutte contre le réchauffement, à travers la création de Earth Fund, censé devenir le plus grand acteur de la philanthropie climatique. Des décisions qui se répercuteront forcément sur le secteur, à cause de l’ampleur des moyens mis. Jeff Bezos va y consacrer un milliard de dollars par an, via des investissements privés dans des entreprises du secteur pour financer des projets innovants sur le plan environnemental. Puisque les États ne réussissent pas à s’entendre sur des actions concrètes et surtout ne parviennent pas à les faire respecter, l’entrepreneur qu’il est, lui, le fera.

Aujourd’hui, les milliardaires se retrouvent presque tous en première ligne sur des projet qui relèvent plus de la logique collective et solidaire, à l’échelle de l’humanité toute entière. Ce sont eux qui poussent les grands projets, les innovations, voire les changements de paradigme, ce qui est révélateur, surtout de l’impuissance à agir des gouvernants et des Etats aujourd’hui.

Avant Jeff Bezos, ce fut Warren Buffet, et surtout Bill Gates qui avait pris le parti de réfléchir sur la bonne marche du monde et même d’annoncer, il y a quelques années, l’impréparation de la planète et des services publics face au désastre d’une pandémie mondiale. Puisque les Etats n’ont pas les moyens d’investir sur le très long terme, les fonds privés peuvent le faire et si la rentabilité n’est pas assurée, les capitalistes à titre privé s’engageront à des fins caritatives. D‘où leur activisme dans le secteur de l’environnement, de la formation et de la santé. D’où la multiplication des fondations qui bénéficient du coup d’avantages fiscaux.

Ce qui provoque des débats interminables mais posent un tas de questions inévitables sur la place des États, leurs moyens, leur périmètre, face à ces entrepreneurs qui entreprennent avec pour seule légitimité les leviers financiers dont ils disposent.

Sur quoi les Etats peuvent-ils aujourd’hui encore agir ? Avec quels impôts et quelle légitimité si les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Est-ce encore utile de payer des impôts dans un monde où les services publics ne sont pas assumés efficacement par l’Etat ?

Questionnement sur la régulation de ces mastodontes, aussi. Doit-on restreindre leurs activités et les obliger à se démanteler ?

C’est la bataille à laquelle se confronte l’administration Biden, mais on entend plus les démocrates s’atteler à réduire la puissance de ces entreprises devenues des concurrentes, que s’attaquer à la façon dont eux pourraient pallier aux manques de l’Etat.

Faut-il réduire l’influence des GAFAM, pour protéger le fonctionnement de la concurrence et de la démocratie ...au risque de réduire aussi leur pouvoir d’innovation ?

Ce débat dessine un nouveau monde qui n’appartenait jusqu'à maintenant qu’aux auteurs de la science-fiction. 

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