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Jean-Vincent Placé : "On n'a pas été élu pour faire une politique sociale-libérale ni centriste"
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Pause verte

Europe Ecologie-Les Verts, toujours coincé entre l'opposition et le gouvernement, se réunit en Congrès à la fin de la semaine. A cette occasion, le sénateur écologiste Jean-Vincent Placé répond aux questions d'Atlantico.

Jean-Vincent Placé

Jean-Vincent Placé

Jean-Vincent Placé est un homme politique, nommé en 2016 secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, et président de l'UDE (Union des démocrates et écologistes). 

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Atlantico : Europe Ecologie-Les Verts se réunit en Congrès en fin de semaine. Vous êtes signataire, avec Cécile Duflot, de la motion « Pour un cap écologiste » arrivée en tête du vote des militants. Qu’en attendez-vous ?

Jean-Vincent Placé : Je souhaite que nous nous rassemblions sur une ligne claire ; nous voulons définir comment, dans les trois prochaines années, nous pouvons peser sur la politique du gouvernement, pour rendre sa politique plus écologique, évidemment, mais aussi pour rendre cette politique plus volontariste et plus ambitieuse en matière de réformes économiques, sociales mais aussi institutionnelles et sociétales. Ce que nous voulons, c’est peser davantage et organiser une coalition de la gauche parlementaire qui veut bouger les choses. La base est excédée parce qu’ après dix huit mois d’existence, le gouvernement n’a pas fait les réformes nécessaires et nous sommes enlisés. Il nous faut retrouver du mouvement ! Il y a nécessité urgente, pour la planète bien sûr, et pour l’économie française et européenne de changer de cap d’aller vers des investissements d’avenir écologiques, de faire en sorte que le pays aille mieux !

Quand vous parlez d’une orientation plus écologique, qu’est ce que cela signifie ?

C’est tout d’abord comprendre que l’écologie ce n’est pas une contrainte, que l’écologie ce ne sont pas seulement des taxes ! Le problème, c’est que le débat sur l’économie verte n’est porté par personne. Arnaud Montebourg porte l’économie productiviste traditionnelle, assez ringarde et sans résultats. Et l’économie innovante de la recherche sur la santé, l’agro-alimentaire, les énergies renouvelables, les transports collectifs, personne ne porte cela, alors qu’il y a là des gisements d’emplois formidables ! C’est, avec la protection de la nature et l’environnement, la biodiversité, le cœur même de l’action écolo ! Je reconnais que nous avons fait une erreur au départ, en pensant qu’on pouvait laisser le ministère de l’Écologie aux socialistes. Cécile Duflot y serait encore plus utile pour l'écologie qu'au logement où elle démontre déjà sa très grande capacité politique. On a vraiment besoin de quelqu’un qui, au-delà du monde associatif et des ONG, porte le message : « L’écologie c’est une solution, c’est porteur d’emplois et même d’économies pour les ménages grâce à la transition énergétique, la qualité de la santé ». C’est vrai qu’aujourd’hui on retient plutôt l’image de l’ écologie casse-pied, négative, et là il y a un véritable enjeu politique et de communication.

On a eu parfois le sentiment que vous bloquez les réformes du gouvernement...

Depuis le début nous l’incitons à être dans le volontarisme. Avec l’Europe, avec les marchés financiers, avec l’économie productiviste : depuis 18 mois, on s’est beaucoup complu à frayer un chemin au fil de l’eau d’acceptation de toutes les contraintes externes sans beaucoup d’imagination, de créativité et de volonté… Et aujourd’hui le peuple français est extrêmement insatisfait. On se retrouve avec des mécontentements qui se manifestent très violemment, je dirais même des jacqueries, comme en Bretagne. Moi, je demande très clairement un changement du cap économique, écologique, social, institutionnel et démocratique. Il n’est pas trop tard ; je vois que le Premier ministre a entendu cette demande avec sa volonté de réforme fiscale. Il faut aussi reprendre à zéro la réforme de l’Etat. Quant aux institutions de la Ve République, elles montrent, à travers les blocages, qu’aujourd’hui nous sommes arrivés au bout du système.

Vous applaudissez donc le projet de la réforme fiscale ?

L’applaudir serait exagéré. Je voudrais voir la réalité de cette réforme, mais je salue l’initiative du Premier ministre. Pour ma part, je n’ai jamais participé au « Ayrault bashing ». Et pour le coup, je soutiens François Hollande - disons, les propositions du candidat François Hollande, celles qu’il avait faites pendant la campagne électorale.

Êtes-vous d’accord avec le président de la République quand il dit que cela prendra le temps du quinquennat ?

Non ! Qu’est-ce que ça veut dire, le temps du quinquennat ? Qu’on va réformer les impôts en 2017 ? Il faut que des mesures décisives soient prises dans l’année qui vient ! L’intérêt de cette réforme est de remettre de la justice dans notre pays, que les plus possédants et ceux qui ont un patrimoine important paient plus que les plus démunis, que ceux qui polluent davantage payent plus que ceux polluent moins. Aujourd’hui, avec 47% de prélèvements, je reconnais que l’on est dans des zones rouges ! On pourra aller au maximum à 50%. Mais tout cela pouvait s’anticiper. J’avais dit l’année dernière au Premier ministre et à Jérôme Cahuzac que la réforme fiscale, cela se fait la première année pour qu’on puisse à la fois faire du rendement et de la justice. Or là, on se trouve dans une situation très difficile parce qu’il y a eu impréparation, imprévoyance et manque d’anticipation et de stratégie !

Vous n’avez pas été entendus parce que vous n’étiez pas très audible, ou parce que vous passiez pour celui qui casse la porcelaine ?

Après la victoire à l’élection présidentielle, le « pouvoir » exécutif s’est complu dans un isolement et un enfermement terrible, faisant la politique des Petits Marquis des cabinets de l’Elysée et de Bercy, n’écoutant pas sa majorité parlementaire - pas seulement nous, les socialistes non plus. C’était prétention et caporalisme - et aujourd’hui on est dans l’impasse. On court à la catastrophe si on ne change pas de ligne économique et sociale, si on ne remet pas plus de pression sur l’Europe de Bruxelles. Il faut tenter de sortir de ce débat mortifère sur l’austérité et la rigueur. Nous allons bientôt entrer en déflation. Les recettes fiscales ne rentrent pas, les déficits s’accroissent. Rien ne marche ! Dire que « l'on va inverser la courbe du chômage », c’est absurde, ça n’a aucun sens ! Où est le message politique ? Je n’ai jamais vu un gouvernement où l’on parle aussi peu d'éducation, de recherche, de culture alors qu’on est à gauche, qu’on a des valeurs ! On n’explique rien ! C'est d 'autant plus dommage que Vincent Peillon ou Aurélie Filippetti sont des très bons ministres. Ce n’est que vision comptable, fiscale, technocratique… Je n’ai jamais vu ça !

C’était mieux avant ?

Non, mais il y avait la politique. Aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de ligne et il n’y a plus beaucoup de politique ! C’est d’ailleurs ce qui alimente le sentiment que les politiques ne servent pas à grand-chose, que l’administration est toute-puissante !

Cette désaffection ne provient-elle pas aussi du manque de lisibilité de la politique ?

Je ne pense pas. Certes, la communication n’est pas très bonne ; mais c’est une question de ligne. La ligne centriste, sociale-libérale, on n’a pas été élus pour faire cette politique-là.

Dans l’esprit de pas mal de gens, si !

Oui, les 4% qui ont permis de faire la différence et c’est de ceux là que s’occupe le président de la République ! Mais le président de la République devrait s’occuper des autres 48% !

Êtes-vous très inquiets pour les résultats des municipales ?

Je suis surtout inquiet pour le pays : je vois l’état de l’opinion, le mécontentement, les corporatismes qui montent. On a ce crédit d’impôts dont même les entrepreneurs considèrent qu’il est globalement inutile, qui ne « critérise » et ne « priorise » rien. On donne de l’argent à la grande distribution, comme si les Français allaient faire leur courses en Pologne ou en Roumanie, et on paye cela avec l’argent des ménages, c'est-à-dire la TVA. C’est absurde ! Et quand je constate que ce gouvernement augmente la TVA des transports publics, c’est tout aussi stupide ! On arrive à faire le contraire de ce qu’on avait dit, notamment par rapport à la TVA sociale de Sarkozy, et ça a comme seule conséquence de réduire la consommation et l’investissement, dont on aurait besoin dans ce pays .

Et en dépit de tout cela vous vous voyez toujours dans la majorité !

J’assume, et d’autant plus que nous sommes dans une situation de marasme. Si, il y a six mois, il y avait eu une réflexion pour sortir du gouvernement, peut-être aurais-je incité mes amis à le faire. Mais je ne voudrais pas être comparé à ces voyageurs de première classe qui ont quitté le Titanic avec des couvertures, dans des canots à moitié vides ! Il faut résister dans la tempête et faire face à la droite et à la montée de l’extrême droite, tandis qu’à gauche il n’y a pas d’alternative, notamment à cause de la ligne politique de Jean-Luc Mélenchon. Peut-être pourra-t-on travailler un jour avec les communistes de Pierre Laurent mais, au final, il faut s’accrocher à ce gouvernement et y peser davantage avec notamment la gauche du PS. Je pense que l’opinion commence à progresser dans cette idée, tout comme la majorité parlementaire. Et puis, je vous ferais observer que je critique certes, mais j’ai toujours assorti mes critiques de propositions - et j’ai l’impression qu’aujourd’hui elles rencontrent un écho.

Mais la hausse de la TVA est utile pour les finances du pays !

Il y avait d’autres moyens de procéder : puisqu’on voulait augmenter la TVA, pourquoi faire passer la TVA de 7 à 10% ? Cela ne rapportera que 3 milliards. Et pourquoi ne pas toucher davantage au taux haut (19,6%), qui ne concerne pas les produits de première nécessité et qui rapporte beaucoup plus ?

Regrettez-vous vos critiques au moment de l’affaire Leonarda ?

Non. C’est une des plus grosses erreurs politique du quinquennat ; cet arbitrage était scandaleux, et j’ai eu l’occasion de le dire. On m’a reproché d’avoir appelé à manifester, ce n’est pas le cas : j’ai soutenu la mobilisation lycéenne, c’est exactement le terme que j’ai utilisé et c’était bien naturel… D’ailleurs des camarades, lorsqu’ils n’étaient pas au pouvoir, soutenaient également d’autres mobilisations lycéennes ! A force de faire le contraire de ce qu’on préconisait dans l’opposition, on finit par ne plus avoir beaucoup de soutiens dans l’opinion !

Quand vous évoquez la réforme de l’Etat, pensez-vous réduction des effectifs ?

Dans l’Etat, le secteur le moins productif, c’est l’armée… J’ai proposé que l’on fasse trois milliards d’économies sur la territoriale et deux milliards sur le nucléaire (ce qui n’impacterait pas les sous-marins). A quoi servent les quelque 100.000 hommes de la territoriale ? Ils sont tournés vers l’Allemagne ? Cela n’a plus de sens. Je propose que l’armée soit composée de 20.000 hommes, parfaitement opérationnels, notamment pour des interventions type Mali, dotés de tout ce qu’il faut en armement (aviation, hélicoptères, services de renseignements, transmetteurs lourds). Mais on en est arrivé à maintenir des casernes pour la vie économique des cantons ruraux, comme on maintient les conseils généraux, ou encore on concentre l’administration centrale à Paris. L’administration centrale, c’est un vrai débat, mais il fallait le poser au début, quitte à ce qu’à effectifs constants, on renforce la présence de l’administration dans les quartiers et les services publics de banlieues. C’est la première année qu’il fallait faire les réformes. 2012 a été complètement gâchée, ça a été l’année zéro ! L’an deux on a à peine fait mieux ! Il reste l’an trois !

Propos recueillis par Anita Hausser

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