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Audrey Pulvar : 
"Jean-François Kahn ? 
Une auto-victime !"
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Affaire Jean-François Kahn

L'expression "troussage de domestique" employée par Jean-François Kahn pose problème à Audrey Pulvar, mais puisque le fondateur de Marianne s'est excusé, elle ne comprend pas sa décision de quitter le monde du journalisme.

A la suite de cet entretien, et en réaction aux commentaires rédigés sur Atantico.fr, Audrey Pulvar tient à préciser :

"Le site Atlantico m'a demandé une réaction à la décision de Jean-Francois Kahn de quitter le journalisme, heurté qu'il est par les réactions à ses propos sur le "troussage de domestiques". Je réponds que les femmes, dont je suis, qui ont dénoncé ces propos ne réclamaient pas la "démission" de JFK et qu'il prend cette décision tout seul. Cela ne signifie pas que je minimise les propos de Monsieur Khan ! Ces propos sont choquants et décrivent une réalité, le "troussage de bonnes", heureusement révolue. En tout cas dans les pratiques habituelles. Je crois rêver quand je vois des commentaires m'accusant de "prendre la défense de Jean-Francois Kahn". Il n'en est rien !"

Atlantico : Que pensez-vous de la décision de Jean-François Kahn de se retirer du journalisme suite à la polémique née de l'expression "troussage de domestique" ? Vous parait-il être une victime de la chasse obsessionnelle aux petites phrases ?  

Audrey Pulvar : S'il est victime de cette "chasse obsessionnelle", c'est une auto-victime ! Personne, en tout cas personne de sérieux, n'a demandé la démission de Jean-François Kahn, ni qu'il nous prive de ses lumières. Si toutes les personnalités publiques disant des énormités devaient être privées de parole et se retirer de la vie publique, nous ne serions pas nombreux, journalistes, politiques et autres intellectuels à nous exprimer encore ! Personne n'est à l'abri de dire une connerie et certains en font même leur fonds de commerce.... Je ne crois pas que ceux-ci soient empêchés de continuer à parler ou à écrire.

Vous semble-t-il qu'il y ait eu de la mauvaise foi ou une envie de régler des comptes dans la polémique qui a suivi ses propos, et notamment de la part des féministes comme il semble le penser, en soulignant qu'il a pourtant fait de la défense du droit des femmes un de ses combats depuis 50 ans ? 

Il ne s'agit pas de régler des comptes avec qui que ce soit. Il ne s'agissait pas non plus pour les féministes qui ont signé la pétition "Ils se lâchent, les femmes trinquent", de prendre parti pour ou contre Dominique Strauss-Kahn. Dominique Strauss-Kahn n'est pas notre préoccupation. C'est à la justice américaine de dire s'il est coupable ou pas des faits qui lui sont reprochés et sa présomption d'innocence n'est pas remise en cause. Ce que nous demandons, c'est que la présomption de sincérité de la victime soit reconnue. Et que les faits, s'ils étaient vérifiés, ne soient pas minorés.

Pendant presque trois jours, la présumée victime n'a existé dans presqu'aucune des prises de positions des uns et des autres. Seules quelques (trop) rares personnalités, comme Alain Duhamel, ont dès le dimanche signalé que dans cette affaire, il y avait bien deux présumés sincères, l'accusé et la plaignante. Tous les autres ont soit nié cette femme, soit l'ont dénigrée. En la comparant à une "domestique" qu'on aurait simplement "troussée", en disant dans un sourire - et malgré les dénégations de Jack Lang, je maintiens que sa formulation était maladroite - qu'il n'y avait "pas mort d'homme", en racontant sur les plateaux que "ce [n'était] pas possible puisque ça ne ressemble pas à DSK" ( y a-t-il un profil type de violeur ?), en expliquant que cette jeune femme n'est "même pas jolie" ou encore qu'elle a "bien du l'aguicher un peu"... quand il n'a pas été carrément évoqué l'idée qu'il pourrait s'agir d'une prostituée voire d'un agent de quelque sombre complot russo-je ne sais quoi ! Ce sont ces propos que nous avons voulu dénoncer, ainsi que l'atténuation par certains de la gravité d'un viol (un viol en général et pas dans cette affaire en particulier puisqu'elle n'est pas encore jugée).

Donc, non, il ne s'agit pas d'un règlement de comptes. Non, il ne s'agit pas de vilipender l'accusé Strauss-Kahn et oui, nous avons été choquées et déçues des réactions du personnel politique en général et de certaines leaders femmes politiques en particulier.

Jean-François Kahn revendique le droit à l'erreur et en quelque sorte le droit à "l'humanité" et aux sentiments en mettant en avant son amitié avec Dominique Strauss-Kahn et Anne Sinclair pour expliquer ses propos. Est-il raisonnable d'attendre des journalistes qu'ils s'extraient de toutes considérations liées à leur vie privée et aux relations personnelles qu'ils peuvent entretenir avec des acteurs de l'actualité ?

Oui, sans conteste. C'est, à mon avis, bien le moins que l'on puisse attendre d'un journaliste et je suis bien placée pour le savoir ! Ceux d'entre nous, journalistes, qui ne se sentaient pas assez neutres pour parler de cette affaire avec la distance nécessaire auraient dû se taire.

Par ailleurs, ce n'est pas en tant que journaliste que Jean-François Kahn s'exprimait quand il a tenu ce propos mais en tant qu'auteur invité pour parler d'un livre qu'il venait de publier et probablement en tant qu'ami de Dominique Strauss-Kahn. Je ne vois pas pourquoi ce propos, dont il s'est lui-même excusé, devrait l'empêcher de poursuivre son activité de journaliste. Libre après à chacun de ses lecteurs d'apprécier ou pas le vocabulaire qu'il lui arrive, spontanément, d'utiliser pour qualifier les personnes exerçant des emplois de service à domicile. Je crois que peu de gens en France aujourd'hui utilisent encore le terme de domestique, mais il figure bien dans les dictionnaires, alors…

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