Islamisme ou "Cancel culture" : qui sont les complices?<!-- --> | Atlantico.fr
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Charlie Hebdo cancel culture islamisme alliés
Charlie Hebdo cancel culture islamisme alliés
©AFP

Idéologie

A l'occasion du procès des attentats de janvier 2015, la dessinatrice Coco de Charlie Hebdo a évoqué le fait qu'il y ait "des complices dans la société", des alliés objectifs de l'islamisme voir de la "cancel culture" qui incite à la dénonciation. Chantal Delsol et Michel Fize décryptent ce phénomène.

Chantal Delsol

Chantal Delsol

Chantal Delsol est journaliste, philosophe,  écrivain, et historienne des idées politiques.

 

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Michel Fize

Michel Fize

Michel Fize est un sociologue, ancien chercheur au CNRS, écrivain, ancien conseiller régional d'Ile de France, ardent défenseur de la cause animale.

Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages dont La Démocratie familiale (Presses de la Renaissance, 1990), Le Livre noir de la jeunesse (Presses de la Renaissance, 2007), L'Individualisme démocratique (L'Oeuvre, 2010), Jeunesses à l'abandon (Mimésis, 2016), La Crise morale de la France et des Français (Mimésis, 2017). Son dernier livre : De l'abîme à l'espoir (Mimésis, 2021)

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Atlantico.fr : Lors du procès des attentats de Charlie, la dessinatrice Coco a déclaré: "Il y a des complices dans la société. Ceux qui ferment les yeux sur l'islamisme et baissent leurs frocs face à l'idéologie." Partagez-vous tout ou une partie de ces dires?

Chantal Delsol : Evidemment il y a dans nos sociétés un islamo-gauchisme bien présent par exemple dans certaines universités. C’est un courant dominé par la culpabilité de l’ancien colonisateur et persuadé que les anciennes victimes ont toujours raison, quoiqu’elles fassent. On peut en arriver à des contradictions cocasses, quand on voit des islamo-gauchistes légitimer des comportements complètement barbares chez les anciens colonisés, alors qu’ils suffoquent d’indignation de voir les mêmes comportements chez nous. Autrement dit, pour eux, ce ne sont pas les actes qui sont bons ou mauvais selon des critères moraux, mais des groupes qui sont porteurs du bien ou du mal selon leur histoire, leur race, leur genre etc. C’est une sorte de régression tribale. Il y aurait beaucoup à dire. 

Michel Fize : L'islamisme, cela n'échappe à personne, est un sujet extrêmement compliqué. D'ailleurs je ne crois pas que l'on puisse parler d'islamisme sans parler de laïcité. Car dans les attentats de Charlie, ce n'est pas simplement la question religieuse qui est posée. C'est la question de la nature et du sens de la laïcité. Alors jusqu'où les droits associés à la laïcité peuvent aller? Pour dire les choses autrement, entre le droit au blasphème et le droit au respect des croyances religieuses, lequel de ces droits doit l'emporter?

On parle d'alliés objectifs de cet islamisme voir de cette "Cancel Culture" qui incite à la dénonciation intracommunautaire. Ou situez-vous le curseur entre l'acte perpétré en allié objectif et l'acte commis dans une sorte d'inconscient? 

Chantal Delsol : Toutes les sociétés vivent sur des certitudes partagées et supportent mal ceux qui les transgressent : en général elles les interdisent de parole, de façon plus ou moins radicale selon le type de régime. Les deux totalitarismes du XX° siècle ont été des modèles du genre, et on sait bien qu’ils utilisaient largement la dénonciation. Laquelle n’est pas du tout une invention des totalitarismes, puisque l’Eglise l’utilisait largement pour traquer les hérétiques. Aujourd’hui, les certitudes partagées (ou en tout cas dominantes) sont l’égalité en valeur de tous les comportements individuels, et la réparation des torts faits aux anciennes victimes. On n’utilise plus la terreur physique (nous ne sommes pas en régime totalitaire !), mais l’ostracisme social. La délation, de façon naturelle, est encouragée parce que la pensée dominante (comme c’est en général le cas) est sûre de sa vérité et veut par conséquent l’imposer.

Michel Fize : Je crois qu'il y a aujourd'hui beaucoup d'actes qui sont gouvernés moins par l'inconscient (même si il existe) que par les émotions. Donc nous sommes une société qui ne raisonne plus ce qui explique que l'on réagit sous le coup de l'émotion. Et avec l'émotion, on préfabrique un débat. Et donc dans l'affaire "Charlie", on fabrique un débat sur l'islam mais sur un mode très binaire; Il y a les bons et les méchants. Les bons ce sont les laïcs, pour reprendre l'expression. Et les méchants ce sont les islamistes (qui sont d'ailleurs confondus avec les musulmans). Je sens cette confusion entre islamisme et réligion musulmane. Il suffit de penser à la déclaration de responsables de mosquées qui soutenaient le droit à la caricature.

Je pense que la question "Charlie" ou celle qui est sous-jacente et qui est celle. Une société démocratique est une société de la libre expression comprenant le droit à la caricature. Maintenant si on peut admettre que l'on peut tout caricaturer il faut accepter l'idée qu'il faut regarder le mobile de la caricature. J'ai toujours pensé que l'on pouvait se moquer de tout…mais sans méchanceté, sans provocation…en un mot sans vouloir offencer l'autre, notement dans ses croyances.

Je défends depuis longtemps l'idée que le droit au blasphème n'est pas un bon droit. Parce qu'il est devenu un droit à faire n'importe quoi à blesser toutes les sensibilités. C'est la raison pour laquelle (j'avais d'ailleurs écris un Tweet à ce sujet) je ne suis pas certain que c'était très judicieux de republier les caricatures du prophète à l'occasion de ce procès. Pourquoi a-t-on fait cela? On sait pourtant quels sont les tenants du débat et on sait en construire un si on le souhaite. Mais on est dans une société de la méchanceté. On veut blesser.

La "Cancel Culture" est une arme blessante selon vous alors que peut-on lui opposer dans le système actuel?

Chantal Delsol : Bien sûr c’est une arme honteuse, celle qui consiste à susciter la délation : on défait les liens entre les humains et on atomise la société, tout le monde a peur de tout le monde – il suffit de lire les dissidents du communisme. C’est un crime contre la conscience personnelle et les connivences intimes. On ne peut rien faire sinon le dénoncer. Le genre d’intolérance qui est derrière cela, ne peut tomber que face à un discours contraire intelligent, assuré et calme.

Michel Fize : Il faudrait revenir à l'esprit de Voltaire. L'esprit de la tolérance et de l'acceptation de l'autre dans ses différences. C'est ça la démocratie. C'est ola libre circulation des idées et la stigmatisation d'aucune. Donc encore une fois, on peut se moquer de n'importe quoi mais en restant vraiment dans la caricature. On cite souvent Daumier (Honoré Daumier 1808_1879 était un peintre et caricaturiste connu entre autre pour ses œuvres commentant la vie sociale et politique. D'aucuns en font le précurseur de la caricature de presse NDLR) mais les caricatures de Daumier n'étaient pas, que je sache, destinées à déclencher une guerre civile. Donc il faut faire très attention non seulement à ce que l'on fait mais aussi du moment où on le fait. Il y a des questions d'opportunités. Aujourd'hui, avec la crise du Covid 19, la crise économique, la crise sociale accroissant les difficultés majeures des jeunes, je ne suis pas certain qu'il faille ouvrir un front guerrier autour de l'Islam. 

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