Islamisme : Emmanuel Macron peut-il faire changer la peur de camp sans changer... sa majorité ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Conflans-Sainte-Honorine Emmanuel Macron majorité LREM
Conflans-Sainte-Honorine Emmanuel Macron majorité LREM
©ABDULMONAM EASSA / POOL / AFP

LREM

Après l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine, le gouvernement et la majorité sont confrontés à un défi majeur pour apporter des solutions dans le cadre de la lutte contre le séparatisme. La République en marche est-elle divisée sur la laïcité et l'islamisme ?

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico.fr : Jean-Michel Blanquer jugé trop ferme sur le voile pour être ministre de l'Intérieur, tensions après qu'une député a quitté l'audition d'une représentante voilée de l'UNEF... A quel point le parti LREM est-il divisé sur les questions touchant à la laïcité et l'islamisme... ? 

Arnaud Benedetti : Les divisions du parti sur le sujet sont le fruit d’abord de leur fondateur, Emmanuel Macron , qui s’est refusé à penser le problème, ou à ne le penser qu’en héritier du camp dont il est formellement issu : la sociale-démocratie " sociétale ". Pour le Président le communautarisme n’était pas un problème en soi. Souvenez-vous de son discours de campagne à Marseille où il vantait et flattait les communautés. L’expression des communautarismes ne posait  pas difficulté à ses yeux et s’il existait des enfants perdus de cette république communautarisée qu’il appelait implicitement de ses vœux, c’était en raison de soubassements économiques. Le redémarrage de l’économie suffirait à les ramener dans le droit chemin et à les sortir de leur "assignation". D’où les ambivalences permanentes du Président sur ce sujet dont l’amitié avec "l’humoriste" islamisant Yassine Belattar constitue l’une des multiples facettes. Par ailleurs, Emmanuel Macron, par-delà ses propres ambiguïtés, est le symptôme d’un mal qui dépasse amplement sa propre majorité. Il appartient à ces générations politiques qui ont intériorisé , par méconnaissance historique et culturelle, la culpabilisation  "décoloniale" sur laquelle joue puissamment les islamistes pour empêcher tout réflexe critique et toute défense politique contre leur idéologie totalitaire. Pour ne pas être soupçonné de "racisme", il faut au mieux éviter le sujet, soit au pire consentir à des accommodements, ce à quoi est prête une partie de la gauche qui est sortie du sillon républicain. Aurélien Taché est le produit et l’expression de cette politique d’acculturation de la République à l’Islam . Le bricolage politique que constitue le macronisme, entre gauche et droite , ni gauche ni droite , ou et de gauche et de droite , autant résultat d’un concours de circonstances que produit de marketing, apparaît dès lors particulièrement désarmé pour faire face à ce défi civilisationnel que signifie le surgissement de l’islamisme dans une société sécularisée, laïque, et dont l’héritage religieux et historique très lointain, bien en-deçà de 1789 et de 1905, a autorisé la séparation du temporel et du spirituel. Mais penser en ces termes, c’est déjà être suspect aux yeux de la doxa bien-pensante. 

Après le discours d'Emmanuel Macron contre le séparatisme islamiste, nous est présenté un "projet de loi renforçant la laïcité". Ce changement sémantique montre-t-il qu'Emmanuel Macron est sous pression de l'aile gauche de sa majorité ?

Certainement, mais en réalité Emmanuel Macron est soumis à plusieurs contraintes : les flottements en effet de certains à l’intérieur de sa majorité qui visent sans doute à "euphémiser" le projet pour ne pas se couper d’un électorat aussi qui a voté pour eux en 2017 contre Marine Le Pen, l’international avec la pression que peuvent exercer les pays musulmans proches dont quelques uns mezzo voce ont exprimé leurs craintes quant à un texte  qu’ils estiment potentiellement "stigmatisants" pour leurs ressortissants, les intimidations enfin successives du salafisme qui dans "les territoires perdus de la République" pour reprendre le titre du livre dirigé par Georges Bensoussan est devenu la source principale de socialisation... 
Ceci dit la notion de "séparatisme" caractérise in fine assez mal le projet politique de l’islamisme. Les islamistes ne veulent pas tant se séparer que soumettre la république à leurs principes par une reconnaissance de leur singularité dans un premier temps, mais leur objectif eschatologique à terme consiste à imposer leur vision de la société. Boualem Sansal l’explique très bien quand il dit que la guérilla que les islamistes cherchent à nous imposer n’est que le prélude à une guerre plus totale. Ils ont imprégné déjà nos consciences par notre complexe à les combattre, nos atermoiements sémantiques en sont l’illustration. Ils ont réussi à opérer un entrisme dans nombre de structures, associatives, sportives, syndicales comme l’UNEF, et à pénétrer parfois jusque dans certains segments de l’administration et de l’entreprise. Leur préoccupation consiste à se banaliser, pour mieux ensuite détricoter notre propre modèle.

Emmanuel Macron est désormais confronté à ce réel qu’il a cru bon d’enfouir durant toutes ces années dans l’irénisme de sa conception de la société, ceci sans vision profonde de l’histoire, sans compréhension et analyse des mécanismes idéologiques qui dictent un imaginaire politique. Il tente un retournement compliqué, indispensable sous la pression des événements.

Emmanuel Macron peut-il convaincre sa majorité de lutter de front contre l'islamisme ?

Ce n’est pas Macron qui peut convaincre sa majorité, c’est l’opinion qui y est majoritairement favorable. De ce point de vue, les annonces de dissolution du CCIF, la fermeture de la mosquée de Pantin montrent un infléchissement. Reste à savoir si cet infléchissement est conjoncturel, traduction politique d’une émotion face à la monstruosité de l’acte perpétré à Conflans ou s’il s’agit d’un aggiornamento durable. Le problème pour le Président et son gouvernement consiste à apporter la preuve de leur  crédibilité alors qu’une partie importante de l’opinion reste dubitative quant à leur volontarisme en cette matière tant leur genèse politique est forte de toutes sortes d’ambivalences, à l’instar de nombre de nos responsables politiques de gauche... comme de droite. 

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