La démocratie est-elle un fichier MP3 ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
La démocratie à tout prix.
La démocratie à tout prix.
©

Internet

On l'a vu durant le printemps arabe et plus récemment avec l'affaire DSK, Internet a pris une place prépondérante dans la sphère politique, au point d'être le relais de la contestation publique. Gare, toutefois, à ne pas y perdre son discernement.

Marc Crapez

Marc Crapez

Marc Crapez est politologue et chroniqueur (voir son site).

Il est politologue associé à Sophiapol  (Paris - X). Il est l'auteur de La gauche réactionnaire (Berg International  Editeurs), Défense du bon sens (Editions du Rocher) et Un  besoin de certitudes (Michalon).

 

Voir la bio »

L’heure est à la propagation mondiale de l’image. Cela fait rebondir la question du rôle politique d’Internet. Prenons donc un peu de recul.

« Cachez ce sein que je ne saurais voir ». On connaît la réplique du Tartuffe. Dans l’affaire Strauss-Kahn, la presse anglo-saxonne accuse les médias français d’un même genre d’hypocrisie. Mon dieu, ces menottes ! Les journalistes français auraient même su certaines choses… depuis longtemps. Mais c’est un cénacle discret. C’est le « Code of silence », résume le New York Times. L’élite française considère que le peuple doit, dans son propre intérêt, rester sous sa tutelle. Les gens sont trop influençables. Pas assez matures. La thèse du complot, que 57 % des sondés approuvent, se nourrit-elle de rumeurs qui circulent sur la toile ou d’attitudes télévisuelles ? N’a-t-elle pas été d’abord distillée par des ténors politiques sans un mot de compassion pour la victime supposée ?

Démocratie téléchargeable et faculté de jugement

Nous vivons à l’heure de la démocratie téléchargeable. Ce terme évocateur permet de cerner des tendances fondamentales à l’œuvre dans nos sociétés. Il ne s’agit pas d’un concept servant de sésame et destiné à tracer des plans sur la comète mais d’une notion riche d’implications. Sans en explorer toutes les facettes, disons que l’un de ses aspects consiste à regarder l’exercice de la démocratie comme pouvant s’effectuer instantanément, séance tenante, sans effort particulier, en un clin d’œil, d’un claquement de doigts, aussi facilement que l’on clique. C’est une chance à saisir pour l’aspiration démocratique à la dignité et à la considération d’égal à égal. Mais se précipiter sur la « nouvelle version » ne permet pas toujours de prendre du recul. Le copié-collé machinal ou la cacophonie peuvent éclipser la faculté de jugement et l’esprit de contradiction capables de tenir tête aux puissants.

Pour le meilleur comme pour le pire, le souffle d’Internet n’est pas si nouveau que cela. Le roman de Jules Verne "Michel Strogoff" met en scène des reporters informant leurs rédactions des rebondissements de révolutions se déroulant dans le fin fond de la Russie, grâce à la rapidité foudroyante du télégraphe. Rouletabille, le héros de Gaston Leroux, effectue lui aussi des reportages en Russie. En fait, bien avant la formule familière, censée faire foi, de la chose « vue sur Internet », les gens authentifiaient leurs propos en spécifiant « c’est dans le journal ». Dès 1848, la presse était le témoin et, simultanément, le relai d’une cascade de révolutions.

Sauvegarder le discernement

Internet a-t-il contribué aux révoltes du monde arabo-musulman ? Des formules telles que « révolution Twitter », apparues en 2009 lors des évènements iraniens, ont ressurgi lors du récent soulèvement égyptien. Pourtant, les dictatures redoutent peut-être davantage les téléphones portables, qui filment leurs exactions, que l’instrument Internet dont elles peuvent se servir pour pister les fauteurs de troubles. Les révoltes actuelles ne résultent pas d’une sorte de sortilège subversif ou de magie mobilisatrice d’Internet. Mais l’effet "traînée de poudre" existe. Internet fait office de courroie de transmission. En Iran comme en Egypte, les manifestations ont grossi en même temps que l’image qu’elles projetaient d’elles-mêmes, irruption provisoire du peuple comme acteur politique, qui s’enhardit et prend confiance en lui. Libyens et Syriens résistent même devant des tanks. Quoique démuni, le citoyen ne se sent plus seul.

Internet est porteur d’une amélioration des possibilités d’expression et d’accomplissement démocratiques. Cette avancée technologique favorise l’expression publique de préférences privées en jouant le rôle d’une plate-forme de rencontre et de convergence qui conforte les sentiments. Cela crée de nouveaux modes d’expression à ces sentiments préexistants et finit par créer de nouveaux sentiments en influant sur les comportements. L’individu tend à prendre la pose ou à calibrer son discours au format le plus compatible avec une circulation numérique maximale. Cela peut ressembler à une structure Potemkine où l’individu, intimement persuadé d’explorer une singularité à la carte, se contente de dupliquer un programme sans sauvegarder son discernement.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !