Insécurité : de quoi les émeutes à Alençon sont-elles le produit ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une vue de véhicules de police. Le quartier de Perseigne à Alençon a été le théâtre de violences urbaines.
Une vue de véhicules de police. Le quartier de Perseigne à Alençon a été le théâtre de violences urbaines.
©DENIS CHARLET / AFP

Violences urbano-rurales…

Le quartier de Perseigne à Alençon a été le théâtre de violences urbaines. Une trentaine de jeunes ont incendié des véhicules avant de tendre un guet-apens aux pompiers et policiers venus sécuriser les lieux. L’insécurité, auparavant limitée aux grandes agglomérations, s’est-elle installée en province ? Y a-t-il suffisamment de moyens ?

Matthieu Valet

Matthieu Valet

Matthieu Valet est commissaire de police et secrétaire national adjoint du Syndicat Indépendant Commissaires Police.

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Atlantico : Ce mardi 26 octobre, dans le quartier de Perseigne à Alençon, une trentaine de jeunes ont incendié des véhicules avant de tendre un guet-apens aux pompiers et policiers venus sécuriser les lieux. Cette violence serait consécutive à l’arrestation d’un jeune du quartier en possession de stupéfiants plus tôt dans la matinée. Des cas similaires à ce que l’on a pu voir cette nuit à Alençon se sont produits dans des villes comme Valence en mai dernier. Peut-on dire que l’insécurité, auparavant limitée aux grandes agglomérations, s’est installée en province ? Comment une telle violence a-t-elle pu s’installer dans les communes rurales ?

Matthieu Valet : Le trafic de drogue est la mère des problèmes dans l’ensemble des territoires, dans les grandes villes, les moyennes et même maintenant dans la ruralité. C’est facile à obtenir, à mettre en place et à vendre. J’ai été chef du commissariat de La Ciotat pendant deux ans. Dans ces petites et moyennes communes de la France rurale et péri-urbaines, les faits se voient beaucoup et ont beaucoup plus d’impact que dans les grandes zones criminogènes (la Grand-Couronne parisienne, les agglomérations de Lyon ou de Marseille, …) où c’est le quotidien des habitants et des policiers. C’est en raison de cette forte visibilité que les forces de l’ordre démantèlent rapidement les points de deals, car tout le monde est au courant. Dans les heures qui ont précédé les violences d’Alençon, il y a eu un démantèlement. Le procureur de la ville dit qu’on ne peut pas parler de démantèlement mais ils ont tout de même interpellé deux individus avec plus d’un demi-kilo de stupéfiants. Pour les gros réseaux, il faut des forces spécifiques mais pour les petits points de deal, plus on les laisse prospérer plus ils s’enracinent. Les communes comme Cavaillon, Oyonnax ou Alençon ne sont plus épargnées par les trafics de stupéfiants qui étaient auparavant l’apanage des grandes agglomérations. Cela crée une source de revenus pour les voyous de cité et lorsqu’il y a des démantèlements, on constate souvent des représailles contre l’ordre public (dégradations, incendies, prises à partie de pompiers et de policiers). Il ne faut pas oublier que l’on ne déstabilise pas les trafics par nos interventions, au mieux nous les gênons comme le ferait une bande rivale et cela se termine en règlements de comptes. Avant, les grands voyous étaient identifiés. Ils avaient des méthodes spécifiques, aujourd’hui les primo-délinquants et petits caïds empruntent les méthodes du grand banditisme.

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Y a-t-il suffisamment de moyens dans les campagnes pour faire face à cela ?

La difficulté pour les commissariats des villes péri-urbaines est de faire face aux poussées fiévreuses de violence car l’effectif n’est pas assez conséquent. C’est pour cette raison que des gendarmes sont venus renforcer les policiers à Alençon. En temps normal, il y a très peu de violences et pour ces villes qui ne fonctionnent pas avec des structures de police généralisées, la mise en difficulté des policiers est plus facile à provoquer.

Les Gilets jaunes dans les petites et moyennes villes ont révélé qu’il y avait des besoins dans ces zones et cela a donné lieu à ce qu’on appelle le concours des forces de police et de gendarmerie, ces derniers viennent prêter main forte à leurs collègues. C’est ce qui a été fait à Alençon. Il y a aussi la compagnie de CRS 8 qui peut être déployée sur les épisodes aigus de violences urbaines comme cela a été le cas à Alençon mercredi. Troisièmement, si la délinquance évolue, on recrée des groupes comme la BAC ou les GSP pour réinjecter un peu de forces. A Sens, huit policiers vont arriver début 2022 pour faire face à la situation par exemple.

Les communes des départements limitrophes comme Le Mans ou Laval ne font pas face à de tels phénomènes. Peut-on dire que les problèmes d’insécurité sont liés à la commune d’Alençon ? Comment l’expliquer, serait-ce dû à une mauvaise gestion par les maires de la ville ?

Il y a des trafics de stupéfiants partout mais dans beaucoup de villes cela se passe « bien ». Parfois, les poussées de violence sont très épisodiques et liées à la présence d’une famille spécifique ou d’un individu. Il en faut peu pour faire basculer certains quartiers.

Par ailleurs, la mairie à un rôle éminent à jouer. Quand la police municipale est armée, quand il y a de la vidéoprotection, une harmonie de vision entre la police nationale et la municipalité, etc. cela fonctionne beaucoup mieux que quand la mairie ne s’engage pas. A Lyon, Grenoble, Bordeaux, Marseille, on voit ce que cela entraîne. La donne ne peut pas changer si la police assume seule la charge. Il y aussi une question de Justice. A Alençon, l’un des dealers est un mineur connu des services de police. Ce sont rarement des primo-délinquants.

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