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Impôts : mais qui est prêt à quoi au sein du gouvernement et de la majorité ?
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Taxorama

Les récentes sorties de plusieurs membres de la majorité sur le "ras-le-bol fiscal" des Français face aux hausses d'impôts laissent planer le flou sur la politique gouvernementale.

Alexis Vintray et André Bercoff

Alexis Vintray et André Bercoff

Alexis Vintray est l'un des rédacteurs en chef du site Contrepoints.fr. Il est diplômé d'HEC Paris en management et de Paris I Sorbonne en histoire.

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton. Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), de Qui choisir (First editions, 2012) et plus récemment de Moi, Président (First editions, 2013)
 

 

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Atlantico : Ségolène Royal vient de déclarer ce lundi dans un entretien à Libération qu'une "hausse des prélèvements aurait un effet mécanique sur le pouvoir d'achat mais aussi des effets psychologiques néfastes". Une sortie qui semble rejoindre celle de Pierre Moscovici, qui a récemment mis en garde contre le "ras-le-bol fiscal" des Français. Peut-on dire que cette position de modération est aujourd'hui partagée par d'autres membres de la majorité ?

Alexis Vintray : Le diagnostic semble de plus en plus partagé par les socialistes : regardez Julien Dray, Laurent Fabius, René Dosière ou Didier Migaud (« Baisser les dépenses, une priorité absolue »). Et c’est logique car, d'une part, tous les leviers d'impositions et de taxations créatives diverses ont été poussés, et d'autre part, la base même socialiste, fait remonter un profond mécontentement. Si l'augmentation des impôts est toujours présentée comme dirigée vers les riches, elle touche en réalité toujours (et même majoritairement) les classes moyennes, dans lesquelles on retrouve l'électorat socialiste.

La montée des mouvements de protestation (pigeons, moutons, tondus, poussins, etc.) montre que la grogne s'installe. Et elle est plus néfaste politiquement que la grogne contre le mariage homosexuel parce qu'elle n'est pas clivante, au contraire. Les socialistes ont donc tout intérêt à jouer largement la carte de l'apaisement. La question est de savoir si cela se traduira par quelque chose de concret derrière. Compte tenu du track record des socialistes, on ne peut qu'en douter ; autrement dit : les hausses d'impôts risquent de continuer mais plus discrètement, c'est tout. 

André Bercoff : Comme on n’a pas réussi – si tant est qu’on l’ait tenté – à diminuer les dépenses publiques d’un Etat qui ressemble de plus en plus à une femme enceinte de huit mois et demi, et que l’on recherche désespérément plus de six milliards, il ne reste plus qu’à taxer comme une bête les moutons de Panurge. Et à dorer la pilule en la qualifiant d’écologique, avec l’inénarrable taxe carbone. On dénonçait hier la TVA anti-sociale pour mieux l’augmenter aujourd’hui. Le tout dans une sidérale clarté.

Le ministre du budget, Bernard Cazeneuve, a dénoncé une tentative "d'intox" de la droite et mis en avant les opérations d’allègements fiscaux prévues pour 2014 (Crédit d'Impôt, réforme des plus-values immobilières, fiscalité allégée sur les jeunes entreprises innovantes et taux réduit de la TVA pour la construction de logements sociaux pour un total de 12.2 milliards d'euros). Cette confiance se retrouve-t-elle dans les rangs de la majorité actuellement ?

Alexis Vintray : Si des socialistes sont convaincus que les impôts vont cesser d’augmenter, ils sont très discrets, et pour cause : alors que les Français reçoivent en ce moment leurs avis d’imposition et voient la réalité des hausses d’impôts, en nier la réalité reviendrait à se tirer une balle dans le pied ; prétendre aujourd’hui encore que « 90% des Français seront épargnés par les hausses d'impôts » tuerait le peu de crédibilité et de popularité que le gouvernement a pu conserver.

Il y a malgré tout quelques signaux qui vont dans la bonne direction, mais bien trop timorés et sans vision d’ensemble (CICE, timides allègements de fiscalité, etc.). C’est bien dommage car, à complexifier encore le système français on n’aide pas ceux qui en ont vraiment besoin. Surtout, une baisse sensible de la dépense publique est seule capable d’envoyer le signal clair que les impôts ne vont pas augmenter et pourrait enfin relancer une économie française exsangue.

André Bercoff : Tout cela est bel et bien en marche, mais il n’empêche que la France emprunte des centaines de millions d’euros par jour à un taux d’intérêt qui est en train de monter inexorablement, et ce en dépit des déclarations auto-satisfaites des uns et des autres. La charge de la dette augmente de façon exponentielle, la croissance n’est pas au rendez-vous, la boucle du chômage tarde à s’inverser malgré les emplois publics de plus en plus envisagés comme une câlinothérapie électorale : comment voulez-vous modifier le tableau sans changer les couleurs ?

Les écologistes restent quant à eux partisans d'une fiscalité incitative pour booster les "secteurs d'avenir", but avoué, notamment, de la taxe carbone. Cette idée relativement consensuelle à gauche lors de la campagne de 2012 est-elle toujours aussi populaire au sein de la majorité ?

Alexis Vintray : On entend encore peu de critiques à gauche contre ces mesures, mais le silence est monté en même temps que l’aveu sur l’impossibilité de financer de nouvelles dépenses et le discours sur le « ras le bol fiscal ». Pire, quand le ministre de l’Ecologie annonce la création d’une taxe carbone, il suscite désormais immédiatement une levée de boucliers au PS. Tout cela doit surement aussi à l’absence de résultats tangibles des emprunts d’avenir de Nicolas Sarkozy ou de la BPI, mais il est possible qu’ils resurgissent si le déficit devait se réduire plus rapidement que prévu.

Cette mise en sourdine des politiques quasi planificatrices est toutefois la bienvenue, alors que les études montrent qu’un « emploi vert » détruit en fait quatre emplois dans le reste de l’économie

André Bercoff :Pendant que l’on rêve de bâtir la ligne Maginot de la taxe carbone, des éoliennes et du retricotage de la couche d’ozone, l’Asie continue de polluer à mort tandis qu’au Dakota, le gaz de schiste est à l’origine d’une nouvelle ruée vers l’or noir. Mais ça, il ne faut pas le dire sous peine de passer pour un néo-réac empoisonneur du territoire.

Thierry Mandon, député socialiste de l'Essonne, s'est emporté contre une hausse d'impôts et préconise d'instaurer "une mesure de franchise des heures supplémentaires exceptionnelles [...] permettrait aux salariés les plus modestes d'être exonérés d'impôt sur le revenu". Peut-on parler d'un "tir" isolé ou cette idée peut-elle voir le jour plus largement au sein de la majorité ?

Alexis Vintray : L’idée reviendrait à faire purement et simplement marche arrière pour le gouvernement qui a annulé cette mesure phare de la présidence Sarkozy. A priori donc, il y a peu de chance pour un tel retour en arrière : ce serait un reniement du gouvernement socialiste actuel et un boulevard pour l'extrême-gauche.

Plus pragmatiquement cependant, le gouvernement est à court de solutions pour relancer la machine économique française. Les impôts sont au plus haut et entravent toute reprise économique tandis que personne ne croit sérieusement que des emplois aidés aident sur le front de l’emploi puisqu’il faudra de nouveaux impôts pour les financer. Alors, à court d'idées et de marge de manœuvres, oui, il est possible que le gouvernement fasse discrètement machine arrière. Cela sera appelé autrement, cela sera peut-être même un peu camouflé dans un gros projet de loi. Encore une fois, il s'agit surtout de circonstances : si la reprise économique est vraiment là, les socialistes ne feront certainement pas cet effort. Mais si la tendance ne se confirme pas, ou pire, se retourne, oui, c'est une idée qui pourrait voir le jour, en désespoir de cause. 

André Bercoff : Encore un effort, chers camarades, pour aboutir à une mesure révolutionnaire : la défiscalisation des heures supplémentaires. Comment ? Vous nous dites que cette mesure a existé et que le gouvernement actuel l’a supprimée ? Je ne peux pas le croire. Notre président et nos ministres sont des gens sages, mesurés, rationnels et compétents : ils ne peuvent donc pas mettre leurs pas dans ceux de l’horrible Sarkozy qui a, comme chacun sait, ruiné le pays. Travailler plus pour gagner plus est une idée socialiste. Toute personne qui prétendrait le contraire fait évidemment le jeu du Front National.

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