Immigration : qui réussit le mieux à l’école des immigrés ou des autres Français ? La réponse est complexe et parfois surprenante <!-- --> | Atlantico.fr
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Brigitte Macron, le Premier ministre français Gabriel Attal et la ministre française de l'Éducation et de la Jeunesse Nicole Belloubet entrent dans une salle de classe lors d'une visite d'une école primaire à Antony, au sud-ouest de Paris, le 24 mai 2024.
Brigitte Macron, le Premier ministre français Gabriel Attal et la ministre française de l'Éducation et de la Jeunesse Nicole Belloubet entrent dans une salle de classe lors d'une visite d'une école primaire à Antony, au sud-ouest de Paris, le 24 mai 2024.
©Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

Etat des lieux

La question centrale posée par de telles études est de savoir si les descendants directs des immigrés ont de meilleurs résultats scolaires et un cadre de vie plus agréable que leurs parents, et s’il subsiste un écart avec leurs condisciples autochtones.

Jean-Paul Gourévitch

Jean-Paul Gourévitch

Jean-Paul Gourévitch est écrivain, essayiste et universitaire français. Il a enseigné l'image politique à l'Université de Paris XII, a contribué à l'élaboration de l'histoire de la littérature de la jeunesse et de ses illustrateurs par ses ouvrages et ses expositions, et a publié plusieurs ouvrages consacrés à l'Afrique et aux aspects sociaux et économiques de l'immigration en France. Il a notamment publié La France en Afrique 1520-2020 (L'Harmattan), La tentation Zemmour et le Grand Remplacement (Ovadia 2021), Le coût annuel de l'immigration (Contribuables Associés 2022).

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Atlantico : Marta De Philippis et Federico Rossi ont publié une étude apportant une nouvelle approche sur l’immigration, la transmission et le capital humain (« Parents, Schools and Human Capital Differences Across Countries », Journal of the European Economic Association). Quelles sont les principales leçons de cette étude ? La transmission des valeurs du pays d’accueil, le rôle de l’éducation par les parents et de bons résultats aux classements PISA permettent-ils aux immigrés de deuxième génération de bénéficier d’un meilleur cadre et de meilleures conditions de vie à long terme ?

Jean-Paul Gourévitch : Les résultats de cette revue scientifique qui accumule les références bibliographiques (pas moins de 50 pour cet article) ne peuvent pourtant pas être considérés comme le dernier état de la connaissance dans ce domaine.

Ils se fondent en effet sur une comparaison internationale qui invisibilise les spécificités françaises en matière d’immigration : prédominance d’une immigration maghrébine et africaine prolifique, importance de l’immigration irrégulière, forte proportion d’élèves issus d’un milieu socio-économique défavorisé, accueil de nombreux MNA (mineurs non accompagnés). D’autre part cette étude très détaillée publiée en 2019  est assise sur les résultats des élèves aux tests Pisa de 2009 et de 2012 que les rédacteurs  mettent en perspective avec les niveaux d’éducation du père et de la mère des descendants d’immigrés. Or le programme PISA, créé par l’OCDE et qui se déroule tous les 3 ans, vise essentiellement à tester les compétences des élèves de 15 ans en lecture, sciences et mathématiques.  Ces données sont ponctuelles. Même si on les rapproche sur plusieurs années, elles permettent difficilement de reconstituer des cohortes sur toute une scolarité à partir desquelles on pourrait établir des corrélations entre le niveau d’éducation des parents et la trajectoire scolaire des élèves.

De fait, analysant les résultats des tests PISA en 2018 et 2022, l’OCDE se contente d’écrire qu’ « une baisse du niveau généralisée est observée en France sur la période 2018-2022, aussi bien en compréhension de l’écrit et en mathématiques… que les inégalités de genre sont semblables à celles des autres pays… et que la France est toujours l'un des pays de l'OCDE où le lien entre le statut socioéconomique des élèves et la performance qu’ils obtiennent au PISA est le plus fort »,  ce qui signifie que le travail entrepris pour réduire les inégalités scolaires  n’a pas porté ses fruits.  

Le fait de se concentrer uniquement sur des caractéristiques socio-économiques observables dans l’étude de l’immigration ne sous-estime-t-il pas considérablement l’importance et l’influence de données cruciales sur le plan de la transmission et du niveau éducatif liées au rôle des parents Quels sont les enseignements de l'influence parentale, dont certains phénomènes non observables, au sein de la population issue de l’immigration dans la prise en compte des écarts entre les pays dans les réalisations et les succès en matière de capital humain ?

La question centrale posée par de telles études est de savoir si les descendants directs des immigrés ont de meilleurs résultats scolaires et un cadre de vie plus agréable que leurs parents, et s’il subsiste un écart avec leurs condisciples autochtones. Des éléments de réponse se trouvent dans des travaux comme ceux de Yaël Birnbaum , « Trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat : rôles de l’origine et du genre ». Éducation & formations n° 100, décembre 2019.

Yael Birnbaum, maîtresse de conférences hors classe en sociologie au CNAM et qui collabore avec l’Institut Convergences Migrations a suivi des cohortes d’élèves français depuis leur entrée en 6e en 2007 jusqu’au baccalauréat à partir du panel constitué par la Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance de l’Education nationale. Elle en déduit que la réussite des enfants d’immigrés en France est inférieure à celle des natifs mais, qu’à niveau social équivalent, les enfants et notamment les filles de parents d’immigrés réussiraient mieux que les enfants dont les parents sont nés en France car l’attente de leurs parents est très forte. Ceci reste toutefois une hypothèse d’école.  
Mathieu Ichou, quant à lui, compare les résultats scolaires des descendants d’immigrés en France et en Angleterre (Revue Française de Pédagogie avril-mai-juin 2015). Il constate que le rattrapage scolaire des descendants d’immigrés anglais par rapport aux natifs contraste avec le décrochage scolaire de leurs congénères dans les collèges français.
Dans les cas précités, il apparait que pour atteindre un fin niveau d’analyse, le niveau d’éducation acquis par les parents dans leur pays d’origine qui est un vecteur majeur de la transmission des savoirs, des savoir-faire et des savoirs-être, doit être maillé avec la position sociale acquise dans le pays d’accueil et avec le genre des élèves.
Quand ce niveau de diplôme et ce statut social obtenu sont plus faibles que celui des autochtones alors que les  attentes des parents sont au moins sont aussi fortes, les mauvais résultats obtenus par les enfants qui constatent qu’ils n’ont pas été capables de répondre  à cette demande, génèrent chez les intéressés  un sentiment d’injustice ou de victimisation générateur de violences.  

Cela plaide-t-il pour l’efficacité du modèle de l’immigration sélective, de l’immigration choisie ? Cela donne-t-il des pistes pour contribuer à des résultats positifs sur plusieurs générations en termes d’intégration et de perspectives économiques ou éducatives ? L’approche alternative, évoquée dans l’étude De Philippis-Rossi  permettrait-elle de mieux expliquer et d’appréhender les écarts de capital humain entre les pays tout en permettant de mieux comprendre les échecs des politiques migratoires et d’intégration ?

Les parents d’enfants immigrés ont, dans leur grande majorité, consenti de gros efforts pour que leurs enfants aient une vie meilleure que la leur. Pourtant selon l’OCDE le pourcentage de parents impliqués dans les discussions sur les progrès de leurs enfants a considérablement diminué entre 2018 et 2022. L’Etat de son côté a multiplié les investissements en matière d’éducation et de formation, de politique de la ville, d’amélioration du cadre de vie, avec la volonté de rentabiliser ces efforts pour la réussite de l’ascension sociale des enfants et une meilleure cohésion sociale de la nation. Reste que la rentabilité de ces investissements sur le plan social ne peut être calculée que sur le long terme, au moment où les enfants de ces immigrés entrent sur le marché  du travail,  et que c’est au contraire sur le court terme que les violences sociétales  générées par l’écart entre les attentes et les résultats sont visibles.

Ce qui nous ramène à la politique migratoire. Parce qu’il n’a pas anticipé les conséquences des flux migratoires, qu’il a privilégié l’accueil de migrants sur la capacité de les loger, de les former et de leur permettre d’accéder à un travail dans le secteur formel, l’Etat se trouve aujourd’hui dans l’incapacité de gérer des populations qu’il n’a pas véritablement choisies et qui génèrent des conflits très difficilement solubles avec la population qui, elle, est née en France depuis plusieurs générations et a choisi d’y rester vivre.

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