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Il existe une tendance en France à vouloir copier le système américain, une tentation à dépenser toujours plus. Mais l'argent et la démocratie ne font pas bon ménage
©Reuters

Le nerf de la guerre...

A l'occasion de la sortie de son livre "Washington : comment l'argent pourrit la démocratie américaine", Guillaume Debré revient sur l'influence des soutiens financiers dans la course à la Maison Blanche. L'auteur explique également la différence qui existe encore avec la France, où le financement du monde politique est régulé.

Guillaume Debré

Guillaume Debré

Grand Reporter, Guillaume Debré a passé seize années aux États-Unis comme journaliste à CNN puis comme correspondant de TF1 à Washington. Il a tiré de cette expérience deux livres remarqués sur la présidence de Barack Obama (Obama, les secrets d’une victoire, Fayard, 2008 et Obama face au pouvoir, Fayard, 2012).

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Atlantico : Les candidats à l'élection présidentielle américaine vont dépenser trois milliards de dollars pour conquérir la Maison-Blanche. Cependant, si les deux candidats en course bénéficient de soutiens équivalents, dans quelle mesure peut-on considérer qu'une telle masse d'argent pourrait déterminer l'issue du scrutin ? Quelle comparaison peut-on établir avec le cas français ?

Guillaume Debré : En politique américaine, il y a une règle cardinale qui s'applique pour l'élection présidentielle comme pour toutes les élections législatives que soit au Congrès, à la Chambre des représentants ou au Sénat : le candidat qui dépense et récolte le plus d'argent remporte l'élection dans 90 à 95 % des cas. L'argent a une influence considérable dans le processus politique américain. Aujourd'hui, le problème c'est que pour récolter ces masses astronomiques d'argent, les candidats aux élections passent plus de temps à séduire et côtoyer des milliardaires qui peuvent financer leur campagne qu'à rencontrer les électeurs. C'est évidemment un problème fondamental dans la démocratie américaine.

Le cas français est totalement différent puisque nous sommes dans un système hyper régulé où tout est contrôlé à la minute par le CSA pour la diffusion de spots publicitaires, le Conseil constitutionnel vérifie les comptes de campagne, il existe également des plafonds à ne pas dépasser. C'est l'antithèse du système américain où il n'y a plus de plafonnement de dépenses et où les milliardaires peuvent dépenser des millions de dollars pour s'offrir un candidat. Il existe une tendance en France à vouloir copier le système américain, une tentation à dépenser toujours plus d'argent. L'affaire Bygmalion illustre bien ce phénomène. L'argent et la démocratie ne font pas bon ménage. 

Qui sont les principaux donateurs ? Dans quelle mesure ces derniers espèrent-ils un "retour d’ascenseur" ? Quelle a été l'évolution de ces pratiques au cours de ces dernières décennies aux Etats-Unis ? 

C'est toute la question du problème du financement de la vie politique aux Etats-Unis. Si l'on ne parvient pas à établir un plafond étanche entre ceux qui financent la vie politique et les hommes politiques, évidemment on arrive à un système qui n'est plus démocratique. Aujourd'hui aux Etats-Unis, les bailleurs de fonds, ceux qui financent les élus locaux, ont un accès politique problématique puisqu'ils ont l'oreille des élus américains. Ils peuvent facilement les influencer. 

Il y a beaucoup d'entreprises comme Boeing qui ne paient plus d'impôt sur les sociétés parce qu'à force de faire du lobbying, d'avoir obtenu des subventions et autres niches fiscales et exemption d'impôts, ils ont un taux d'imposition quasi négatif. A contrario, le salaire minimum américain n'a pas été augmenté depuis 2009, soit sept ans.

Il y a un arrêt en 2010 de la Cour suprême qui a transformé le système puisque cette dernière a estimé que les grandes entreprises et milliardaires pouvaient dépenser sans limites pour soutenir indirectement les candidats de leur choix. On est ainsi entré de plein pied dans l'ère de la corruption légale.

Au-delà de la course à la Maison Blanche, quelle est l'influence réelle des lobbys aux Etats-Unis ? Leur diversité ne conduit-elle pas à équilibrer les débats, ou existe-t-il de réels biais ? Lesquels ?

Avant, les élus restaient une dizaine d'années à Washington, alors qu'aujourd'hui la fin d'un mandat électoral ne signe pas la fin d'une carrière pour un homme politique. En effet, il peut monétiser son carnet d'adresses et se faire payer une retraite astronomique en devenant lobbyiste et utilisant des connections dans le monde politique pour la mettre au service de grands groupes financiers ou industriels.

C'est un équilibre négatif dont il est question. D'abord l'influence des lobbyistes est énorme. Aujourd'hui, grâce non seulement au financement de la vie politique mais aussi en offrant un parachute doré aux anciens élus, c'est-à-dire en recrutant les anciens élus, ils ont permis un vase communicant entre le monde politique et celui des lobbies. L'influence des grands groupes est aujourd'hui beaucoup plus importante qu'il y a une dizaine d'années.

Les Démocrates et les Républicains le font donc le système est équilibré par la paralysie. Personne aujourd'hui personne n'a d'intérêt à travailler plus avec les Républicains qu'avec les Démocrates. On voit que le système est en train de se bloquer. Il y a quelques années, Républicains et Démocrates ne s'étaient pas mis d'accord sur le budget et Washington avait dû mettre la clé sous la porte. Des dizaines de milliers de fonctionnaires s'étaient retrouvés au chômage technique puisqu'il n'y avait plus d'argent pour financer l'Etat fédéral.

Les lobbyistes existent en France, mais cela est moins visible et surtout le financement sur le monde politique est régulé. En France, aujourd'hui, il existe pourtant de nombreux cas où les hommes politiques essaient de contourner les plafonds de dépense pour récolter de l'argent. Si le scandale Bygmalion est avéré, cela changera la donne. Mais, aux Etats-Unis ce système est légal.

Il y a beaucoup de choses qui fonctionnent dans la démocratie aux Etats-Unis dérugalisation de la vie politique est un écueil et un contre-exemple pour nous. Il ne faut surtout que notre démocratie tende vers le modèle américain de ce côté-là. 

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