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Icône pour les uns, poil à gratter pour les autres : comment Christiane Taubira parvient à exister en tant qu'électron libre du gouvernement
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Forte tête

Énergique, hyperactive, combative, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, enchaîne les combats depuis son arrivée au gouvernement. Du harcèlement sexuel à la justice pour les mineurs en passant par le mariage pour tous, la garde des Sceaux est un véritable électron libre.

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier est professeur en sciences de l'information et de la communication à l'Institut Français de Presse, à l'université Paris-Panthéon-Assas. Responsable de la Licence information communication de l'IFP et chercheur au CARISM, il est aussi président du site d'information The Conversation France.

Il est l'auteur de La communication politique (CNRS Editions, 2008) et Le journalisme(CNRS Editions, 2009), Médias et opinion publique (CNRS éditions, 2012).

Le journalisme, Arnaud Mercier

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Atlantico : Dans un portrait que le New York Times lui a récemment consacré, Christiane Taubira, la garde des Sceaux affirme qu'elle "ne supporte pas d'avoir un patron". "Ma conscience est mon patron, affirme-t-elle. Et ma conscience me dicte des règles qui sont, je dirais, extrêmement grandes – elles sont dures mais belles." Peut-on dire que la garde des Sceaux agit comme un électron libre au sein du gouvernement ?

Arnaud Mercier : Sa personnalité à part entière et ce qu’elle représente marquent sa différence avec les autres ministres. C’est une ancienne candidate à l’élection présidentielle, elle est noire, radicale, elle représente quelque chose qui justifie qu’elle ne soit pas traitée de la même manière que les autres ministres. La garde des Sceaux a toujours été connue pour sa personnalité, son franc parlé qui font qu’elle a été choisie par le gouvernement. Elle affiche sa singularité depuis longtemps, son choix est calculé. Aux yeux de la droite comme de la gauche, elle est celle qui a tenu les débats interminables sur le mariage homosexuel. Ainsi, elle est devenue une sorte de symbole avec un statut différent.

En 2007, la députée de Guyane finit par soutenir Ségolène Royal mais accepte quelques mois plus tard une mission que lui confie Nicolas Sarkozy sur les échanges économiques avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. A la primaire socialiste de 2011, la ministre de la Justice, pourtant membre du Parti Radical de Gauche (PRG), soutient Arnaud Montebourg au détriment de Jean-Michel Baylet, président du Parti Radical.  Ces alliances politiques lui ont-elle nui ou l'ont plutôt servi ?

Je ne suis pas sûr qu’avoir soutenu Arnaud Montebourg pendant les primaires lui donne plus de poids. C’est surtout sa personnalité et sa singularité dans le jeu politique qui ont fait que l’avoir au sein du gouvernement était stratégique.

Quels sont ses principaux atouts pour exister au sein du gouvernement et pour lui avoir permis d’être élue personnalité préférée des Français en 2013 ?

Cette forme de fermeté, de pugnacité dans le débat sans tomber dans l’intolérance a fait de Christiane Taubira une personnalité à part entière. Elle a aussi la franchise, chose que les Français reprochent beaucoup à la classe politique de ne pas avoir. Elle ne donne pas le sentiment de sur-jouer l’indignation, elle semble sincère dans ses convictions. On n’aime ou on n’aime pas ses idées mais elle semble y tenir sincèrement. Cela correspond aux attentes exprimées par les Français qui ont souvent l’idée que les hommes politiques ne sont pas sincères et qu’ils mettent en scène leurs émotions. La garde des Sceaux échappe à cela.

De plus, les personnalités préférées des Français sont souvent des personnes issues de la diversité. La France veut donner une image de tolérance.

Ton jovial, sourire permanent, lyrisme, poèmes, peut-on parler de mise en scène et de personnage théâtral ?

Comme tous les politiciens, elle joue le jeu de la communication politique. Elle donne l’image de ne pas faire dans la langue de bois. Elle sait mettre en scène ce qui correspond à sa sincérité, au moins en apparence, ce qui est cohérent avec l’image qu’elle a déjà donnée d’elle-même et des réactions qu’elle peut avoir. Je pense que tout se joue à ce niveau-là car elle aurait dû être détestée d’une bonne partie des Français après avoir été l’égérie du mariage pour tous. Cela prouve qu’il y a une distinction entre le jugement sur la personne et le jugement sur ses idées.

Personnage clivant, adulée ou détestée, elle a malgré tout réussi à se faire respecter par l’opposition. Comment l’expliquer ?

Christiane Taubira a un certain charisme personnel, comme d’autres politiques d’ailleurs. Elle a réussi à tenir une ligne ferme et difficile de défense de ses convictions sans tomber dans la dérive et la caricature. Ainsi, elle a gagné l’estime de ses collègues. Il est courant qu’au-delà du clivage gauche-droite, les hommes politiques soient capables de reconnaitre quelqu’un de bon. Quoi qu’on pense de ses convictions, on lui reconnait de réelles qualités. Il en était de même pour Michèle Alliot-Marie qui avait une vraie stature de femme d’État.

La grande question est ce que fera Christiane Taubira après. Je pense qu’il lui sera difficile de booster davantage sa popularité pour parvenir au statut de Premier ministre.

Propos recueillis par Karen Holcman

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