Harkis: les deux erreurs et l’oubli historiques coupables de François Hollande<!-- --> | Atlantico.fr
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On touche ici à la fameuse controverse de la victoire militaire mais de la défaite politique en Algérie, mal reconnue par la Ve République.
On touche ici à la fameuse controverse de la victoire militaire mais de la défaite politique en Algérie, mal reconnue par la Ve République.
©POOL New / Reuters

Rectification

Dans son discours d’excuses aux harkis, François Hollande a commis deux erreurs historiques qui ne seront pas passées inaperçues auprès des spécialistes.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Erreur historique n°1: la défaite militaire

Dans son discours aux Invalides, François Hollande prétend :

"Pendant la guerre d’Algérie, pour contrôler un territoire de plus de 2 millions de kilomètres carrés qu’elle ne pouvait pas soumettre, l’armée française a recruté des supplétifs parmi la population."

Si l’invention des harkis découle effectivement des "harkas" , des forces auxiliaires levées pour pacifier les campagnes à partir de 1954, il est inexact de laisser entendre que l’armée française ne serait pas parvenue à "soumettre" le territoire algérien. On touche ici à la fameuse controverse de la victoire militaire mais de la défaite politique en Algérie, mal reconnue par la Ve République.

Dans la pratique, l’armée française s’est organisée en Algérie dès 1952, pour infliger au FLN une défaite militaire. Cette stratégie efficace permet notamment de remporter la "bataille d’Alger" en 1957. Début 1958, la bataille des frontières se transforme en fiasco pour l’Armée de libération nationale (ALN) algérienne. Courant 1958, le plan Challe permet de diminuer considérablement l’accès de l’ALN (qui campe en Tunisie) au territoire algérien, de telle sorte qu’au tournant entre 1959 et 1960, l’armée peut considérer qu’elle est en passe de vaincre la rébellion.

Entre-temps, le général de Gaulle a posé le principe d’un recours à l’autodétermination en Algérie, et celui d’une recherche de solution politique. Cette orientation rend inutile une victoire militaire…

Sur le fond, il n’en reste pas moins que la France aurait pu garder, au tournant des années 1960-1961, la maîtrise militaire du terrain et vaincre la rébellion armée. Cela ne signifie bien entendu pas que l’émergence d’un sentiment national algérien était vouée à l’échec. En revanche, celui-ci aurait probablement pu prendre une autre forme que cette débâcle de 1962 où les Pieds-Noirs rentrent en France avec leurs seuls yeux pour pleurer, et où les 250 000 harkis deviennent les naufragés de l’histoire.

Erreur historique n°2: la responsabilité de la France dans les massacres de harkis

Plus loin, dans son discours, François Hollande pose un autre étrange principe:

"Je reconnais les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des Harkis, des massacres de ceux restés en Algérie, et des conditions d’accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France."

Ah! comme il est bon de se sentir coupable de tout! Quelle jouissance!

Or, si la France est effectivement coupable d’avoir abandonné ses harkis et d’avoir très mal accueilli ceux qui parvinrent à rejoindre la métropole, lui attribuer la responsabilité des massacres en Algérie constitue une véritable imposture historique.

Ces massacres furent en effet commis par la seule volonté des Algériens, essentiellement de l’ALN, qui n’eut aucune pitié pour ces combattants qu’ils avaient trouvé face à eux durant la guerre d’indépendance. On peut comprendre cette dureté, mais en rejeter la responsabilité sur la France est une contre-vérité.

Rappelons qu’on estime à plusieurs dizaines de milliers les massacres de harkis en 1962 et sans doute 1963. Rappelons aussi que les harkis ne furent pas les seuls à subir la violence de l’Armée algérienne de libération. Près de 800 Européens civils et désarmés furent massacrés à Oran le 5 juillet 1962 sans que l’armée française ne lève le petit doigt pour les défendre, et alors même que les accords d’Evian étaient signés depuis plusieurs mois…

Si la France peut se sentir responsable des massacres, c’est effectivement pour sa stricte observance d’accords de paix qui ont manifestement beaucoup moins engagé la partie algérienne…

Le coupable oubli historique de François Hollande

Sur le fond, portée par une culpabilité qui préface l’effondrement narcissique français, l’élite administrative de l’époque a mené une véritable guerre intérieure aux pieds-noirs et aux harkis. Ce fut notamment le cas de Louis Joxe, secrétaire d’Etat aux affaires algériennes, qui donna, en juillet 1962, des instructions pour la chasse aux harkis et pour leur reconduite en Algérie en cas d’arrivée intempestive en métropole.

Louis Joxe a, dans cette affaire, les mains couvertes de sang. Il était énarque. Son fils, Pierre Joxe, l’est aussi. Pierre Joxe est sorti de l’ENA en 1962, dans la promotion Albert Camus, qui était pied-noir. Pierre Joxe était "dans la botte" et a choisi la Cour des Comptes comme corps de sortie. Il en est même devenu premier président en 1993. Vingt ans après l’affectation de Pierre Joxe à la Cour des Comptes, François Hollande sortait de l’ENA et choisissait lui aussi la Cour des Comptes.

Par la suite, François Hollande a gravité dans l’entourage de Pierre Joxe, qui soutenait Jacques Delors (père spirituel de François Hollande).

Entre amis, on ne pouvait se faire de mauvaises manières. Hollande ne pouvait citer ouvertement Louis Joxe et sa lourde responsabilité dans la mort des harkis. Il a préféré en attribuer la faute à la France dans son ensemble.

On reste un peu sur notre faim. Reste à savoir si François Hollande aurait présenté ses excuses aux harkis si Pierre Joxe n’avait pas fait de désagréables sorties sur le quinquennat.

Vous pouvez également lire cet article sur le blog d'Eric Verhaeghe

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