Harcèlement moral : les femmes sont-elles de pires patrons que les hommes ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Une étude affirme qu’un tiers des femmes préfèrent un patron masculin à une femme.
Une étude affirme qu’un tiers des femmes préfèrent un patron masculin à une femme.
©Pixabay

Le diable s’habille en Prada

Comme le rapporte L’OBS, plusieurs sénatrices ont été accusées de harcèlement moral par leurs collaborateurs. La députée Laetitia Avia avait elle aussi été mise en cause par une enquête de Mediapart. Hasard, pointe émergée de l’iceberg ou… preuve que les salariés supportent moins les critiques émises par des femmes ?

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

Voir la bio »

Atlantico : Une enquête britannique menée auprès de 5000 travailleurs a révélé que 45 % des femmes patrons pouvaient être considérées comme des brutes et que 71 % de leurs victimes étaient d’autres femmes. Une autre affirme qu’un tiers des femmes préfèrent un patron masculin à une femme. Pour gagner le respect des collègues masculins, certaines femmes pourraient-elles s’avérer être des patrons plus tyranniques que leurs homologues masculins ? 

Xavier Camby : Au-delà de ces chiffres, c'est hélas un fait d'expérience, les hommes qui managent n'ont pas l'exclusivité de la toxicité "professionnelle". Entendons bien le sens de la toxicité managériale : il s'agit là de tous les comportements qui empoisonnent les relations au sein d'une organisation, génèrent colères (voire même de la haine), peurs (ou angoisses), frustrations (et tenaces rancunes) et tristesses (ou découragements). Bref, démotivent.

Cette toxicité, que tous dénoncent mais auxquels très peu renoncent concrètement, a plusieurs origines.

Elle s'apprend le plus souvent par mimétisme. J'ai été managé par un patron despotique, cynique et violent, il y a alors de forte chance - si je ne prends pas résolument la décision d'adopter toujours un comportement opposé - que je reproduise, sans le vouloir ni en avoir conscience, cette toxicité dont j'ai pourtant souffert. 

Elle s'apprend aussi dans les mauvaises business school, où l'on s'efforce d'enseigner des croyances idiotes et inopérantes, en termes de management. Comme par exemple, cette volonté de mettre en équation tous les fonctionnements de la personne humaine, avec de savants diagrammes - tous aussi fallacieux les uns que les autres - ou des méthodes réductrices...

À Lire Aussi

La génération Z a débarqué dans les entreprises. Et bouleversé le langage du quotidien au bureau

Cette toxicité provient encore d'une perception aussi diffuse que très largement répandue, celle d'une forme d'imposture. Je ne me sens pas à la hauteur de la tâche ; je ne sais pas comment manager mes ex-collègues (d'avant ma promotion) ; les autres cadres risquent de le percevoir et voudront un jour dénoncer mon imposture... Alors je deviens aussi froid qu'exigeant et finalement brutal. Alexandre Dumas fils a une phrase qui résume cet enfermement : "l'homme qui a honte de lui-même est impitoyable avec les autres". C'est pareillement vrai pour les femmes ! Et c'est même à cela qu'on reconnaît les toxiques... de tous les sexes...

Y-a-t-il une réelle différence entre le management masculin et féminin ? 

Non, je ne le crois pas. Même si j'ai pourtant observé que dans des équipes de direction, la présence de femmes pouvait parfois - rien de systématique - avoir tendance à dépassionner certaines tensions, voire aider à résorber des conflits. Je suis absolument en faveur de la parité dans les organes de gouvernance comme dans les organisations hiérarchiques. En son nom hélas, on voit parfois de personnes promues à des fonctions d'encadrement ou de décisions, alors qu'au-delà de leurs expertises techniques, elles n'ont aucune des aptitudes relationnelles requises. C'est idiot et contre-productif. 

Doit-on adapter sa manière de travailler en fonction du sexe ? 

Oui, il est indispensable de s'adapter en fonction de la personne dont le management nous est confié. Et pas seulement à son sexe, ce qui serait bien redoutablement insuffisant. Tous les bons managers le démontrent : ils s'adaptent et adaptent leurs attitudes en fonction de caractères particuliers, des personnalités de chacun. C'est du simple bon sens, une marque de respect profond et l'origine exacte (et unique) de la confiance. Et là, toutes les théories dogmatiques du mauvais management s'effondrent devant la réalité de notre humanité

À Lire Aussi

Un président positif, des poids lourds de la majorité tous cas contacts : derrière le dîner à l’Elysée violant le couvre-feu, le naufrage du management des élites françaises

D’une manière plus générale vivons-nous à une époque où la prise de décision peut-être vue comme du harcèlement moral, rendant impossible tout acte de management ? 

Le harcèlement au sein d'une hiérarchie, on l'ignore trop souvent, est autant ascendant que descendant. On voit ainsi des managers harcelés par leurs managés ! Mais le plus fréquent demeure le harcèlement horizontal, celui entrepris par les "collègues". Opaque et très discret, il n'en est pas moins aussi redoutable et destructeur que celui qu'hélas on observe dans certaines écoles.

L'indécision managériale, la tendance à la procrastination décisionnelle ou la fuite en avant, de séances inutiles en tâches aussi invariablement urgentes qu'innombrables, sont des symptômes exactes d'une détresse psychique professionnelle. dont souffrirait près de 50% des cadres. Mais parmi eux,, plus de 75% de femmes managers. Il existe donc là une différence, que je ne parviens pas à comprendre vraiment ni, par conséquent, à expliquer.

Un manager sachant manager, quelque soit son sexe ou son genre, ayant créé son autorité et s'abstenant de faire usage de son pouvoir saura engendrer l'adhésion de ses collaborateurs. C'est-à-dire co-décider. Avec eux. Ensemble. C'est une erreur de croire que manager, c'est décider. Il s'agit bien plutôt d'un art subtil - qu'aucune méthode "cratique" m'enseigne - de fonder chaque décision dans une adhésion collective, qui suscitera naturellement l'engagement, l'innovation et le changement.

Cet art subtil, notamment dans les jeunes organisations qui se créent chaque jour, est de plus en plus attendu, espéré, expérimenté.

À Lire Aussi

"Libérer l'entreprise, ça marche ?", sous la coordination de Laurent Karsenty : réflexions théoriques, retours d’expériences, une analyse approfondie sur ce nouveau modèle de management

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !