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Défection des politiques, 
embauche de fonctionnaires... 
Peut-on encore 
faire confiance à la Grèce ?
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Confusion hellénique !

Hospitalisation de son Premier ministre, défection de son ministre des Finances et embauche de 82 000 fonctionnaires... La Grèce en crise se retrouve un peu plus fragilisée face à ses créanciers de l'UE. Et rien n'indique qu'elle puisse regagner la confiance de ces derniers...

Joëlle Dalègre

Joëlle Dalègre

Joëlle Dalègre est maître de conférences à l'INALCO, spécilisée en civilisation de la Grèce. Elle est notamment l'auteur de La Grèce inconnue d'aujourd'hui, de l'autre côté du miroir, l'Harmattan 2011, 252p. En collaboration avec 4 doctorants ou docteurs de la section grecque de l'INALCO.

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Quand Antonis Samaras a formé son gouvernement en Grèce il y a une semaine à peine, on savait que son chemin ne serait pas jonché de pétales de roses, mais d'épines : gouvernement faible et discuté, impossibilité de faire face aux engagements de février 2012, opposition déclarée d'Angela Merkel à l'idée de nouveaux « aménagements ». Mais aujourd'hui, on peut dire « pauvre Grèce » ou « pauvre M. Samaras » !

On apprend coup sur coup que le Premier ministre, opéré en urgence pour un déchirement de rétine (l'affaire effectivement est sérieuse), ne pourra participer au sommet européen décisif pour son pays et, dans les heures suivantes, voici qu'un journal grec, réputé pour son sérieux, reprenant des informations qu'il dit venir de la Troïka et du nouveau ministère, annonce que le gouvernement grec, en 2010-2011, aurait triché avec ses engagements, embauchant d'un côté les fonctionnaires qu'il supprimait de l'autre.

Enfin, pour couronner le tout, le ministre des Finances, Vassilis Rapanos vient de démissionner pour raisons de santé. La Grèce pourrait donc être représentée au Conseil européen par son président de la République, Karolos Papoulias, résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, condamné et exilé pendant la dictature des colonels, l'un des fondateurs du PASOK, un homme unanimement respecté et, ce qui ne gâche rien, germanophone, mais âgé de 83 ans et surtout, auquel sa constitution ne donne aucun pouvoir !

À propos de la nomination de fonctionnaires, on a appris qu'alors que le gouvernement grec s'était engagé à n'engager qu'un fonctionnaire pour 5 mises à la retraite, puis 1 pour 10 mises à la retraite, au final, il y a aujourd'hui autant de fonctionnaires qu'au début de 2010 ! Seraient visés en particulier les ministères de la Santé, de la Culture, de l'Intérieur (la police) et les administrations locales (alors que le plan Kallicratès de fusion des communes devait faire baisser le nombre de fonctionnaires et les dépenses) : au total 82 000 embauches !

Bien sûr, tout cela s'est passé sous le ministère Georges Papandréou, mais cela ramène les politiques grecs à leurs vieux démons : nomination clientéliste et électoraliste de personnel sur critères politiques, « obscurité » des procédures et des chiffres face à l'Union Européenne. Cela tombe tellement à pic, le jour où en France un sondage annonce que les Français et les Allemands sont largement favorables à une sortie de la Grèce de l'Union Européenne, qu'on pourrait se demander si ce n'est pas « trop beau pour être vrai ». Mais sur les blogs grecs, personne ne met en doute l'information, les « rumeurs » attribuent même la « fuite » à l'un des socialistes grecs désireux de se débarrasser de la concurrence de quelques collègues ! De quoi s'indigner que les politiques, plus inconscients que jamais, soient retombés dans leurs travers, qu'ils aient une fois de plus favorisé leurs amis, qu'ils en arrivent même, au nom d'ambitions personnelles à ruiner leur pays à la veille d'une réunion cruciale... ils ont bien mérité les yaourts qu'ils reçoivent depuis deux ans !

La santé de Vassilis Rapanos ? Il souffre de l'estomac depuis longtemps, certains parlent de cancer, donc personne ne peut totalement mettre en doute sa démission présentée hier pour raisons médicales. Cependant là aussi les rumeurs vont bon train : il n'aurait pu obtenir la nomination à des postes importants de collaborateurs socialistes issus de sa période de collaboration avec Costas Simitis (2000-2004), se heurtant à la fois à la droite qui ne veut pas voir nommer des socialistes et au PASOK actuel qui ne veut plus entendre parler de la période Simitis ! Certains ajoutent même que, doutant de pouvoir obtenir le moindre « aménagement » de Mme Merkel, il n'avait plus guère envie de participer à un gouvernement qu'il voyait condamné dans un avenir proche.

La question hier était donc : comment le remplacer ? Les candidats ne se sont pas pressés, un journal grec parlait même du poste de ministre de l'Économie et des Finances comme de « la chaise électrique ». Le candidat doit être un économiste reconnu (ce qu'est V. Rapanos) pour plaire à l'UE, et ne doit pas être trop marqué à gauche (V. Rapanos l'était) pour satisfaire la Nouvelle Démocratie, ni trop à droite pour plaire aux alliés de gauche de M. Samaras... Et encore faut-il avoir fréquenté la bonne gauche... Car le gouvernement Samaras est soutenu par le PASOK et la Gauche démocratique, mais du bout des lèvres : ils soutiennent mais ils refusent qu'un de leurs politiques y participent, Samaras doit les consulter sans arrêt, mais ils refusent les responsabilités.

Plusieurs noms ont finalement été cités hier, y compris celui de Loukas Papadimos, qui pourtant avait bien précisé en quittant ses fonctions avant les élections de mai qu'il ne voulait plus aucun poste, on a également cité aussi Giorgos Zannias, responsable des finances pendant la période électorale, les Grecs diplômés en économie en Grande-Bretagne, en Allemagne ou aux États-Unis ne manquent pas, mais les kamikazes ne se pressent pas. Exception faite de l'économiste et ex-banquier Yannis Stournaras, 55 ans, ministre intérimaire sortant du Développement, qui a finalement été nommé au ministère clé des Finances...

Autrement dit, la crédibilité de la Grèce, déjà limitée, en a pris un sacré coup, pauvre Grèce et pauvre M. Samaras si ses intentions sont sincères ! L'actualité vient de montrer que les politiciens grecs « traditionnels » n'ont pas subitement changé : ambitions personnelles, copinage sont toujours là et restent plus forts que l'intérêt national. Tout ceci vient s'ajouter aux doutes de plus en plus grands sur les capacités économiques du pays et laissent augurer des jours difficiles. Finalement Alexis Tsipras qui semblait fort satisfait de sa position de leader de l'opposition risque de gagner les prochaines élections, et n'aura peut-être plus besoin de proposer à son pays une sortie de l'euro...

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