La Grèce au bout du chemin... Athènes tire ses dernières cartouches pour satisfaire l'Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier ministre grec a une marge de manœuvre très réduite, avec une majorité plus résignée que solidaire, face à des Européens qui ont totalement oublié la Grèce lors de leur dernier sommet.
Le Premier ministre grec a une marge de manœuvre très réduite, avec une majorité plus résignée que solidaire, face à des Européens qui ont totalement oublié la Grèce lors de leur dernier sommet.
©Reuters

Quitte ou double

Le Premier ministre grec, Antonis Samaras, a prononcé son premier discours de politique générale, attendu au tournant par les sages financiers européens et mondiaux. Au programme : accélération des privatisations, contrôle étroit des finances des politiques et des citoyens, fusion et suppression de certains organismes publics, réforme rapide des impôts...

Joëlle Dalègre

Joëlle Dalègre

Joëlle Dalègre est maître de conférences à l'INALCO, spécilisée en civilisation de la Grèce. Elle est notamment l'auteur de La Grèce inconnue d'aujourd'hui, de l'autre côté du miroir, l'Harmattan 2011, 252p. En collaboration avec 4 doctorants ou docteurs de la section grecque de l'INALCO.

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Mardi 3 juillet, le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault prononce devant l'Assemblée son premier discours de politique générale, jeudi 6 juillet, le premier ministre grec, Antonis Samaras prononce devant son Assemblée son premier discours de politique générale... tous deux en position difficile, attendus au tournant par les sages financiers européens et mondiaux, une opposition vigilante et une opinion désabusée, condamnés à inventer une « austérité supportable ».

Antonis Samaras a une marge de manœuvre très réduite, avec une majorité plus résignée que solidaire, face à des Européens qui ont totalement oublié la Grèce lors de leur dernier sommet, à une Chancelière allemande dont la popularité intérieure augmente avec son intransigeance financière, à une ministre des finances finlandaise qui déclare préférer quitter l'Euro que donner de l'argent aux États du sud, à un David Cameron qui lance un pavé dans la mare en se déclarant prêt à fermer son pays à l'immigration grecque massive vers la Grande-Bretagne, alors même que l'Italie vient de lancer un plan d'économies drastiques... Les menaces se succèdent : pas un euro de plus si le memorandum n'est pas suivi à la lettre dit l'un, au mieux quelques semaines de délai dit l'autre.

Le 9 juillet se réunit l'Eurogroupe, le nouveau ministre des finances Yannis Stournaras a été prévenu par la Troïka au début de la semaine dernière qu'il allait passer un mauvais moment... Que peut exiger l'UE d'un pays où le PNB va diminuer de 6,5 ou 7% en 2012, où la TVA a rapporté, dans le premier semestre 2012 et malgré l'augmentation des taux et les contrôles renforcés, 7% de moins que dans la période équivalente de 2011, où les retraites, en un an et demi, ont diminué de 50 à 1000 euros/mois (selon leur montant), où plus de 160 000 dossiers de retraite sont en attente depuis plus d'un an, où les suicides augmentent (selon les services de secours, plus de 300 tentatives de suicides dans l'agglomération athénienne en juin 2012, 50 morts), où le SMIG est tombé à 392 euros, où les tactiques de survie quotidienne rappellent à présent l'Occupation ?

Antonis Samaras a renoncé à la possible renégociation du mémorandum qu'il avait promise, il promet en vrac obéissance et réformes ; il n'a pas promis du sang, de la sueur et des larmes mais simplement, « la vérité, une perspective, l'espoir et le courage ».

Son premier souci ? Rassurer l'Union Européenne. Même s'il reconnaît que la Grèce ne pourra atteindre en 2012 les buts fixés en février dernier (il manquera 1,5 à 2 milliards d'euros), et, même s'il demande un délai de deux ans supplémentaires pour y parvenir, il affirme hautement qu'il ne demandera pas un euro de plus (les dépenses supplémentaires seraient couvertes par des privatisations nouvelles jusque-là non demandées par l'UE !) et mettra tout en œuvre pour réussir si les Européens veulent bien ne pas exiger de mesures supplémentaires et s'abstenir de déclarations critiques intempestives qui sapent ses efforts et le courage du peuple grec.

Comment réussir ce miracle ? Il annonce une accélération des privatisations allant au-delà même de ce qui était demandé, et toute une série de réformes, contrôle étroit des finances des politiques et même de tous les citoyens, fusion et suppression de certains organismes publics, réforme rapide des impôts, ouverture rapide des professions fermées, mise en valeur accélérée des biens de l'État, en particulier de la côte du golfe Saronique.

Jusque-là son programme n'est qu'une nouvelle mouture du gouvernement Papadémos (celui que l'UE mit en place en octobre 2011), assaisonné d'un dose de méthode Coué. Alors pour faire équilibre, il indique qu'il est inadmissible de voir les gens chercher de la nourriture dans les poubelles, de voir augmenter les suicides et la criminalité, qu'il prolongera d'un an la durée des indemnités de chômage et que les nombreux impôts supplémentaires (ou retardés) qui tombent en pluie sur le contribuable pourront être réglés en 9 versements... mais il doit bien passer sous silence ses annonces électorales de mai 2012, ni renégociation, ni programme d'aide aux plus pauvres.

Alors « la vérité, une perspective, l'espoir et le courage » ? La vérité et le courage, cela revient à dire : si vous voulez l'euro, il faut en payer le prix, « la perspective et l'espoir », c'est l'affirmation répétée : laissez-moi faire et on s'en sortira. S'en sortira-t-il ? Les députés n'ont pas encore voté ce programme, les discussions se prolongent ; la poursuite de l'austérité, l'intensification des privatisations provoque à gauche une levée de boucliers. La mise en valeur de la côte du Saronique, par exemple ! Elle s'est déjà traduite en certains endroits par une privatisation qui a entraîné la multiplication de plages payantes fort coûteuses...

Les partis anti-européens triomphent : on vous l'avait bien dit, Samaras c'est le mémorandum et rien d'autre ! Evangelos Venizélos, le leader du PASOK, pour se démarquer, insiste sur la nécessité d'obtenir un étalement des exigences européennes, est-ce un jeu de mots ? Un mémorandum étalé sur 4 ans au lieu d'un, n'est-ce pas un « nouveau » memorandum ? Quant à l'extrême-droite, elle s'implante en fournissant des repas gratuits, en organisant des épiceries communautaires, des bureaux d'échanges de services, entre Grecs bien sûr.

La Grèce est-elle encore un pays d'Europe, est-ce un pays du Tiers Monde ou un laboratoire de l'Europe future ? Jean-Marc Ayrault doit-il se préparer au rôle d'Antonis Samaras ? En tout cas la réunion de l'eurogroup sera décisive, si l'UE reste inébranlable, le gouvernement d'Antonis Samaras risque de tomber.

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