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GPA, fin de vie….ce que révèle l’absence de réponses précises du candidat Emmanuel Macron sur les questions de société
©Reuters

Trou noir

Pierre Bergé, soutien d'Emmanuel Macron a tweeté il y a quelques jours : "Les réacs s'activent. Ils ont déjà perdu. La GPA sera autorisée". Dans les faits, son candidat a été plus évasif, ce qui peut pousser à se demander s'il n'y a pas un programme officieux chez Macron qui viendrait poursuivre ce que François Hollande avait entamé sur le plan sociétal.

François Martin

François Martin

François Martin est haut-fonctionnaire, ancien élève de l'Ena. Soumis au devoir de réserve, il s'exprime ici sous pseudonyme.

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Atlantico : Pierre Bergé, soutien d'Emmanuel Macron et fervent supporter de la cause LGBT a annoncé que la GPA serait imposée d'ici 5 ans. Pourtant, dans sa lettre au magazine homosexuel Tetu, le candidat d'En Marche s'était gardé de se positionner en faveur de la légalisation de la GPA. Quelle est la position d'Emmanuel Macron sur ce point ? Comment faire la part des choses entre ces informations contradictoires ? 

La position de M. Macron est dans la droite ligne de celle affichée par les gouvernements successifs de M. Hollande depuis la loi Taubira. C'est du progressisme mou qui avance masqué. Cette position consiste à proclamer plus ou moins clairement, suivant les interlocuteurs que l'on veut séduire ou rassurer, que la GPA restera interdite, tout en feignant de ne pas voir qu'elle se met en place dans les faits. C'est exactement ce  qui était annoncé dans la tribune du groupe Cambacérès publiée  en 2013 par Atlantico: comme tout le droit de la filiation est lié au mariage, la loi Taubira ouvre la porte au droit à l'enfant, et donc au trafic d'enfants, bien sûr sans le dire et sous le noble couvert de l'égalité entre les personnes quelle que soit leur orientation sexuelle. Ce qui n'est absolument pas le sujet: s'il s'agissait seulement de reconnaître à deux personnes du même sexe le droit de vivre ensemble dans les mêmes conditions que deux personnes de sexe opposé, il n'y aurait jamais eu de Manif pour Tous. Mais il est tellement facile de caricaturer les positions des opposants à la loi Taubira, comme étant réactionnaires et homophobes.

Sur le sujet de la PMA pour les couples de femmes et de la GPA pour les couples d'hommes, M. Bergé a parfaitement raison. Si rien n'est fait, si on évite tout débat, si on laisse faire l'ultralibéralisme sociétal au nom duquel tout est permis, on dira dans 5 ans que le droit doit s'adapter aux faits (ce qui est la négation même du droit...) , et la GPA s'imposera d'elle même. Accessoirement, si M. Bergé n'était pas un milliardaire étiqueté à gauche, ses déclarations sur la location d'un utérus comparable à la location des bras d'un ouvrier auraient été unanimement condamnées, en tout premier lieu par quiconque se prétend un tant soit peu féministe, ou un tant soit peu humaniste. 

Plus largement, qui serait un Président Emmanuel Macron sur les questions de société, alors qu'il ne possède pas de réel programme dessus ? Qu'en est-il par exemple de ses positions sur la fin de vie et l'euthanasie ? Le candidat doit-il clarifier ses propositions sur ces points, au travers de son programme, de ses discours, et de ses interventions ?

La position, ou plutôt l'absence de position de M. Macron consiste à éviter tout débat sur ces questions parce que le débat serait clivant, et donc, à n'avoir aucun programme qui pourrait être susceptible de fâcher un électeur. Mais n'est-ce pas le propre d'un débat démocratique que d'opposer des points de vue divergents, et de chercher un compromis acceptable?  dans une dictature il n'y a pas de débats. Cette position traduit en première analyse un mépris de la capacité du corps social et de ses représentants à parvenir à des solutions sages sur des questions essentielles.

Il y a plus grave. Emmanuel Macron estime, dans une interview à La Croix du lundi 13 mars, que les questions éthiques de société "ne sont pas prioritaires sur le plan de l'action politique": "Il faut sortir d'une espèce de dogme où le politique pourrait décider de tout et aurait vocation à trancher des sujets éthiques, sociétaux, parfois anthropologiques"."Le rôle d'un président de la République est de donner un cadre aux débats sur ces sujets et de s'assurer que la société mûrit." Fort bien, mais décryptons ce message: il confond le rôle DU politique, pour simplifier du Président de la République, et de LA politique, au sens du gouvernement de la Cité. Le premier n'a, en effet, ni la légitimité ni la compétence pour "décider de tout". Mais personne, dans une société démocratique, ne devrait lui en demander tant! en revanche, si les questions portant sur l'éthique, la société, la vie et la mort des hommes, ne sont pas des questions politiques, qu'est-ce qui peut l'être? ces questions seraient-elles moins essentielles que la durée du travail hebdomadaire ou la circulation interdépartementale des autocars? faut-il attendre sur ces sujets que la société mûrisse seule, pour en tirer ensuite les conclusions qui s'imposent? alors c'est la négation même de la politique et de l'intérêt général. Où est le cadre annoncé par M. Macron sur ce sujet? 

En réalité, cette position s'explique aisément. Pour M. Macron et plus généralement pour les tenants du progressisme sociétal, il n'y a pas de débat sur ces questions éthiques car le sens de l'Histoire est clair: toujours plus de libéralisme, toujours moins d'encadrement, laissons faire et la société évoluera d'elle même vers un avenir radieux débarrassé des encombrants garde-fous hérités d'un passé révolu. Dans ces conditions, il n'y a pas de position à clarifier, il n'y a qu'une proposition de chèque en blanc. 

Dans le cas d'une victoire d'Emmanuel Macron au mois de mai, quel sera le profil "sociétal" de la France en 2022 ? 

Une société duale où une minorité privilégiée usera de la liberté de faire ce que bon lui semble, et une société sans repère éthique, sans morale publique (au sens des valeurs républicaines), où la notion même d'intérêt général aura disparu, au profit d'un individualisme absolu. En voulant éviter le débat, on aboutit au résultat paradoxal de précipiter les clivages. Pour qui ambitionne d'être chef de l'Etat, garant de l'unité nationale, c'est proprement irresponsable. Car ce qui se prépare pour l'humanité, si on veut bien aller au-delà de l'horizon d'un quinquennat français et de la question  du mariage pour tous, est sans équivalent dans l'Histoire: le transhumanisme pose la question de l'avenir de l'espèce humaine. Mais qui en a parlé durant cette campagne? Il est vrai que cela risquerait de faire débat, voire d'être clivant​. Dormez, votez pour moi et les GAFA s'occuperont de vous...

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