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Charte signée par le gouvernement : "il faudrait aussi une déontologie de la compétence"
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Ethique et choc

Dans un souci d'exemplarité, le nouveau gouvernement a entériné l'adoption de la baisse de 30% des salaires des membres du gouvernement et la signature d'une "charte de déontologie". Une initiative qui n'est pas étrangère au milieu de l'entreprise, souvent en avance en termes d'éthique.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Atlantico : L’intégralité des ministres du gouvernement Ayrault ont signé une « charte de déontologie » qui établit des principes et des règles sur les questions de conflits d’intérêts, de cumul des mandats et du respect des décisions gouvernementales. Que pensez-vous d’une telle initiative ?

Sophie de Menthon : Je ne peux que tirer un coup de chapeau à cette initiative. Il est incompréhensible que Nicolas Sarkozy n’ait pas fait cela auparavant. « Ethic », le mouvement que je préside, avait d’ailleurs envoyé une lettre à tous les ministres en exercice de l’époque en leur demandant de prêter serment sur la Constitution pour une déclaration de leur patrimoine de façon à éviter les conflits d’intérêts.

Nous avions découvert à cette occasion que les entreprises étaient en avance par rapport au monde politique. Dans les entreprises américaines, par exemple, les codes déontologiques sont impressionnants. Dans certains cas, on ne peut pas être invité à déjeuner plus d’une fois sans que cela soit considéré comme une faute. Cela peut s’expliquer en grande partie par les répercutions économiques importantes qu’il existe dans le monde de l’entreprise.

Nous avions également envoyé notre lettre à l’opposition. Nous avions reçu Ségolène Royal qui avait apprécié l’initiative. Peut-être que le gouvernement actuel s’est inspiré des propositions d’Ethic…

Rien n’a été prévu pour les autres postes importants de la fonction publique. Faudrait-il étendre la charte aux parlementaires ?

Il faut d’abord différencier deux choses. Qu’il existe un souci d’exemplarité de la part des politiques, de ne pas être perçus comme des profiteurs de l’Etat, je considère cela comme la base. D’un autre coté, je pense qu’il ne faut pas se laisser entraîner vers le misérabilisme. Pour l’instant le maître mot est « honte à l’argent », il va falloir que la gauche se réconcilie avec l’argent.

Nous n’avons pas élu des gens comme les autres. Il ne faut pas confondre la normalité avec la vulgarité (dans le sens premier du terme, vulgus signifiant populace). Ils doivent être au-dessus, plus exemplaires que les autres mais ils ont également le droit de déroger à certains principes. Ils ont des devoirs, plus que la majorité d’entre nous, et doivent avoir des droits (et non pas des passe-droits) à la hauteur de ces devoirs.

Que préconisez-vous pour les salaires des parlementaires ?

Il faut arrêter de penser que l’on peut les diminuer facilement. Il existe des contrats. Les gens ont des endettements et comptent sur leur salaire, on ne peut pas les « punir » en diminuant leur rémunération de 30%.

Nous pensons que les gens doivent être bien payés. Tout travail mérite un salaire à la hauteur de la compétence, du risque, des enjeux. On aperçoit aujourd’hui une espèce de tentation révolutionnaire. Certains disent même qu’ils pourraient travailler gratuitement…

En revanche, le train de vie de la République est exorbitant. C’est la première chose sur laquelle il faudrait se concentrer. Les dérives sont terribles, il existe beaucoup trop de chauffeurs, de favoritisme, de voyages gratuits.

Que proposez-vous pour lutter contre les conflits d’intérêts ?

Je pense que l’on pourrait déjà mettre l’accent sur la formation. Les entreprises forment leur cadre au concept du conflit d’intérêt. Ils apprennent à se méfier des pressions, à voir comment on essaye d’acheter les gens discrètement. Le gouvernement devrait organiser des stages de formation, séminaire ou autres, avec des professionnels habilités. Il ne faut pas toujours penser que les gens sont malhonnêtes. Certains sont naïfs et les conflits d’intérêts ne sautent pas toujours aux yeux.

Nous avions également suggéré un numéro de téléphone (dans le cas des parlementaires, pourquoi pas un service de l’Etat) où l’on pourrait exposer le problème sans crainte, se renseigner et  recueillir des conseils de la part de spécialistes informés. Nous avions bien des cellules d’assistance psychologique pour la moindre grippe... Pourquoi pas un numéro permanent pour l’assistance aux problèmes de conflits d’intérêts ?

Enfin, je pense que les gens ne sont pas assez conscients de la différence entre le public et le privé. Il y a tout un état d’esprit et une culture à revoir sur la perception qu'on a de l’argent public. L’argent public et l’argent privé sont deux choses extrêmement différentes. Mon inquiétude est que la gauche privilégie le public et dans ce cas, la tentation est beaucoup plus grande car ça n’est pas leur propre argent. Dans le privé, c’est toujours l’argent de quelqu’un.

Aurélie Filippetti, la nouvelle ministre de la Culture, s’est dite scandalisée de voir des musées se « brader aux entrepreneurs » et porter le nom de leur mécène. Je trouve cela très grave. Dans sa tête, on croirait que c’est malhonnête, alors que cela n’a rien de choquant que les fortunes de France privées se mettent au service de la culture publique. Pour elle, cela représente presque un conflit d’intérêt mais l’argent privé n’est pas de l’argent sale !

En ce qui concerne les nominations ministérielles, où les conflits d’intérêts peuvent aussi être légion, que proposez-vous ?

Il faut mettre en place un système d’évaluation de compétences. Quand on veut recruter un directeur commercial d’une boite (ce qui est tout de même beaucoup moins important qu’un directeur de cabinet de ministère), on passe par un chasseur de tête, des tests de compétences et d’adéquation au poste, des mises à l’essai etc. Le recruteur est presque mort de peur de se tromper. Ici, sous prétexte que c’est la République, on peut mettre n’importe qui à n’importe quel poste. On se retrouve alors avec une sénatrice comme Nicole Bricq, qui siégeait à la commission des Finances du Sénat, au ministère de l’Ecologie.

Ne devrait-il pas y avoir une certaine déontologie de la compétence ? Il est honteux, sous prétexte que l’on a été à l’Elysée pendant deux ans, de se retrouver à la tête d’une grande entreprise publique…

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