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Yannick Jadot s'exprime lors d'une conférence de presse après avoir remporté la primaire des écologistes, le 28 septembre 2021.
Yannick Jadot s'exprime lors d'une conférence de presse après avoir remporté la primaire des écologistes, le 28 septembre 2021.
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Campagne électorale

Selon un sondage réalisé par l'Ipsos pour Le Parisien, les propositions phares de Yannick Jadot ne sont pas soutenues majoritairement par les Français. Y a-t-il un problème d’adéquation entre les propositions des candidats de gauche et les préoccupations des Français ? Les partis de gauche sont-ils seulement populaires auprès d’un électorat urbain ?

Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. Il a également publié en 2022 La vraie victoire du RN aux Presses de Sciences Po. En 2024, il a publié Les racines sociales de la violence politique aux éditions de l'Aube.

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Michel Maffesoli

Michel Maffesoli

Michel Maffesoli est membre de l’Institut universitaire de France, Professeur Émérite à la Sorbonne. Il a  publié en janvier 2023 deux livres intitulés "Le temps des peurs" et "Logique de l'assentiment" (Editions du Cerf). Il est également l'auteur de livres encore "Écosophie" (Ed du Cerf, 2017), "Êtres postmoderne" ( Ed du Cerf 2018), "La nostalgie du sacré" ( Ed du Cerf, 2020).

 

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Atlantico : Dans un récent sondage Ipsos pour Le Parisien, l’institut met en avant le fait qu’un nombre non négligeable de propositions soutenues par Yannick Jadot ne sont pas majoritairement soutenues par les Français, y compris uniquement chez les électeurs de gauche. Au-delà du cas du candidat d’EELV, y a-t-il, à gauche, un problème d’adéquation entre les propositions et les préoccupations des Français, notamment ceux susceptibles de voter pour eux ?

Luc Rouban : Il existe effectivement un décalage entre les attentes d’une partie des Français de gauche et les propositions électorales de la gauche. Ce décalage ne joue pas sur le plan économique et social, bien qu’avec des nuances car les projets de la gauche radicale ne sont pas ici ceux du PS, mais sur le terrain sociétal et culturel. Les enquêtes montrent qu’une partie des électeurs potentiellement de gauche demandent davantage que dans les années 2010 de mesures répressives sur le terrain pénal ou de mesures plus sévères en matière d’immigration, qu’il s’agisse de contrôler les frontières, de ne plus accepter de clandestins déboutés du droit d’asile ou de renforcer la politique d’intégration au modèle républicain et ce qu’il implique en matière de laïcité ou d’égalité entre les femmes et les hommes. Le point de rupture se trouve là car les divers candidats de gauche restent fidèles à une vision libérale sur le plan culturel, ce qui a d’ailleurs conduit de nombreux électeurs ouvriers ou employés à s’en écarter et à se diriger soit vers l’abstention soit vers le vote RN.

La question est cependant plus complexe. La gauche est sortie du registre de la lutte des classes pour se déployer et sur un terrain écologique - c’est le cas évidemment de EELV mais aussi de LFI et du PS - et sur un terrain de revendications sociétales concernant les discriminations de toute nature. Il en résulte que la question sociale semble passer au second plan alors que le pouvoir d’achat comme la mobilité sociale restent des préoccupations prioritaires pour les catégories populaires et moyennes qui constituent le socle électoral de la gauche (sujets sur lesquels Emmanuel Macron a su se positionner). L’exemple du sondage Ipsos pour le Parisien concernant Yannick Jadot vient parfaitement illustrer le fait que seules des mesures comme la TVA à 0% pour les aliments bios ou un service 100% bio dans les cantines scolaires sont acceptées car elles ne soulèvent pas de questions économiques ou sociales. En revanche, des mesures comme l’interdiction de voitures à moteur thermique d’ici à 2030 ou la sortie du nucléaire d’ici à vingt ans sont largement refusées en moyenne car elles portent directement sur les conditions de vie des enquêtés. Pour le dire simplement, c’est l’absence de réalisme de ces propositions - car de nombreux Français ne peuvent s’acheter de nouvelles voitures électriques ou ne voient pas comment ils vont disposer partout sur le territoire d’énergie électrique abondante et bon marché sans le nucléaire - qui interdit un vote massif pour le candidat EELV alors même qu’une large majorité de Français considèrent que la défense de l’environnement est prioritaire. La gauche socialo-écologiste n’a pas su articuler de manière réaliste environnement et besoins socio-économiques. Tout le monde est d’accord pour réduire le taux de carbone dans l’atmosphère mais comment faire sans le nucléaire ? La décroissance ne plaît qu’à ceux qui peuvent se la permettre, pas à ceux qui regardent leur découvert à la banque. Pour le reste, le parfum gauchiste de mesures comme la légalisation du cannabis n’est pas non plus pour plaire à tous les électeurs de gauche à un moment où de nombreux Français s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants. 

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Michel Maffesoli : L’inquiétude des politiques et des médias face aux prochaines élections présidentielles est patente : le problème principal est celui du désintérêt du corps électoral pour ces élections. Au-fur-et-à-mesure que l’échéance se rapproche, le spectre de l’abstention grandit. Il est possible qu’au final la théâtralisation extrême emporte un rebond électoral, comme une sorte de grand jeu de société.

Peut-être faut-il penser à ce que Bernanos nomme « l’une des plus dégoûtantes comédies politiques qu’on ait jamais vues ». Mais en rappelant ce que Platon nommait la tréâtrocratie des « montreurs de marionnettes ». De nos jours, c’est la société du spectacle ou le simulacre qui est le propre de cette ethnie moutonnière que sont tous les politiques.

Il est donc possible que la fatigue, la lassitude après deux ans de théâtralisation d’un problème sanitaire banal érigé en psycho pandémie éloigne les électeurs des urnes comme aux dernières élections régionale et européennes.

Il y a donc presque une naïveté à constater l’inadéquation entre les propositions de tel ou tel candidat et celles de son électorat, et même de l’électorat traditionnellement acquis. Certes les préoccupations écologistes comme les revendications progressistes devraient séduire cet électorat populaire. Mais telles qu’elles sont formulées, dans un langage abstrait, elles sont pure idéosophie, coupée du Réel, du vécu concret, de la vie quotidienne.

Non pas que les Français et particulièrement les classes populaires auraient pour seule attente l’augmentation de leur pouvoir d’achat. Le peuple a autant besoin que les élites de rêve, de fantasmagorie, d’un récit porteur de beauté et d’émotion. Mais il faut que le rêve, la narration soient enchâssés dans le Réel, qu’ils soient concrets. Or des candidats comme Yannick Jadot se présentent plus comme des donneurs de leçons, leçons d’écologie, leçons de progressisme et de solidarité sociale, leçons sur les valeurs et ce qu’il faut penser que comme des porteurs d’une espérance commune, élaborée en commun.

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Ces donneurs de leçons ne font que répéter le conformisme intellectuel et social régnant en maître dans ces nouveaux « comices agricoles » que sont les débats politiques contemporains. Et ce parce que l’entre-soi, voire l’endogamie d’un tout petit monde embourgeoisé ne comprend rien au peuple qu’il méprise. Ce sont des démocrates bien peu démophiles, voyant du populisme partout.

Le processus de désignation du candidat écologiste par une « primaire » ne représentait ainsi qu’une toute petite frange de la population et les propositions que porte ce candidat apparaissent pour la majorité des Français comme du pur discours politicien.

Julien Freund expliquait que « l’essence du politique » était la « cité » (polis). Mais elle est devenue le « projet ». Mais la politique telle qu’elle se pratique actuellement est celle du projet lointain, du projet hors sol et non pas la gestion commune de la cité.

Qu'est-ce qui peut expliquer que les candidats de gauche ne formulent pas des propositions en adéquation avec les attentes profondes de leur électorat ? 

Michel Maffesoli : Les politiciens, de gauche, mais de droite aussi en sont restés à une pratique de la politique issue du 19e siècle, qui définit un projet lointain, une société parfaite à venir, reportant sans cesse l’échéance de sa réalisation. Or, ce qui frappe dans l’imaginaire social de notre époque, de la postmodernité émergente, c’est justement ce que j’ai appelé le présentéisme. Autant la modernité (17e-20e siècles) portait son attention et son énergie sur le futur, pratiquant une sorte de report de jouissance, autant la postmodernité est attentive au présent, à ce qui se passe ici et maintenant.

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Ce qu’on a appelé l’immédiateté. Ce changement de la polarité temporelle, mettant l’accent sur un présent à la fois gros de la tradition passée et de l’intensité de l’avenir au lieu de vouloir à la fois dépasser le passé et se projeter dans l’avenir peut expliquer le décalage de plus en plus patent entre les politiciens formés dans l’idéologie progressiste de la modernité et les attentes de l’électorat.

La classe politique telle que l’ont constituée les 19e et 20e siècle est composée de politiciens professionnels (on peut dire que l’ENA est l’école des politiciens), qui pour la plupart ont peu exercé un métier concret, et qui sont donc eux-mêmes très peu au fait des préoccupations essentielles des Français. Préoccupations je le répète, qui ne sont pas purement matérielles. Mais qui sont concrètes. Mécontentement devant la bureaucratisation toujours plus importante de la vie quotidienne, incompréhension devant l’inflation normative, sidération face aux injonctions contradictoires et aux leçons de morale à propos de l’hygiène, de la vaccination, du bien manger, du tri sélectif, du respect des divers groupes etc.

Les politiciens de métier définissent une société abstraite, construite sur des valeurs qui ne sont plus en adéquation avec l’imaginaire populaire. Les solutions proposées par les politiciens se fondent sur une vision rationaliste et un scientisme qui ne font plus recette.

La solidarité sociale est essentiellement sous-tendue par la redistribution monétaire alors que la solidarité au jour le jour, celle qui est constitutive du lien social se situe dans l’échange et dans la collaboration.

La gestion politicienne est tellement éloignée de la vie courante qu’il n’y a plus de lien de confiance entre un élu et son électorat. Quel qu’il soit un élu appartient à un autre monde. Le peuple n’a plus le sentiment qu’il inspire ses élus, qu’il leur confie une mission (un mandat). Dans la démocratie athénienne, chacun pouvait être un jour représentant du peuple. L’élu était celui à qui on confiait le soin de gérer la maison commune parce qu’on savait qu’il gérait bien sa maison.

On est bien loin aujourd’hui de cette proximité avec des élus professionnels.  La politique aujourd’hui est quelque chose de fort lointain qui n’a plus rien de démocratique. On peut faire référence à ce que le sociologue Roberto Michels appelait la « saturation de la forme Parti » devenu simple oligarchie, ce que peut appeler la « partitocratie ». (R. Michels, Les partis politiques, essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, préface de René Rémond, éd. Flammarion, (1914, éd. française1971).

J’en veux pour exemple la gestion de la crise dite du Covid. Les élus de tous bords se sont soumis, sont même souvent allés au-devant de la soumission. Ils ont accepté voire plébiscité les mesures les plus restrictives de libertés, ils se sont tus voire ont approuvé les divers jeux de rôles du président et ont largement participé à la stratégie de la peur. Comment s’étonner que les Français ne se retrouvent pas dans les propositions  des élus quand aucun ne parle de ce qui depuis deux ans préoccupe les Français tous les jours, c’est-à-dire un confinement majeur, un couvre-feu interminable et maintenant un pass sanitaire et une restriction des libertés individuelles. 

La situation pourrait être drolatique en constatant le désintérêt complet  pour ce qui préoccupe les Français :  les suspensions de soignants, les obligations vaccinales déguisées, l’état psychique et physique de leurs enfants, l’isolement cruel des grands parents et également le soupçon de liens existant entre certains laboratoires et les personnels politiques.

Les écologistes ont remporté de nombreuses grandes villes lors des municipales, Anne Hidalgo a été réélue sans difficulté à Paris. Pourtant, dans les sondages, Yannick Jadot est donné à 8 ou 9 %, Anne Hidalgo à 4 ou 5%, les partis de gauche ne sont-ils seulement populaires qu’auprès d’un électorat urbain de CSP+ ?

Luc Rouban : Non absolument pas, c’est une erreur fréquemment commise. Regardons les résultats de l’enquête électorale du Cevipof d’octobre 2021 avec Ipsos, Le Monde et la Fondation Jean Jaurès sur la base d’un échantillon de 16 000 enquêtés. Si l’on regroupe les intentions de vote en grandes catégories, on voit que l’ensemble des candidats de gauche trouvent leurs électeurs dans les classes moyennes à 37% et dans les classes populaires à 42%. Les électeurs potentiels d’Emmanuel Macron se trouvent à 35% dans les classes moyennes et à 34% dans les classes populaires. Ceux de Valérie Pécresse se distribuent dans les classes moyennes à 37% et dans les classes populaires à 28%. Et les électeurs potentiels de l’ensemble des candidats de la droite radicale à 30% dans les classes moyennes et 54% dans les classes populaires.  Au total, inversement, si on crée une hiérarchie sociale des candidats à partir de la proportion de leurs électeurs potentiels provenant des classes supérieures, on obtient en premier Valérie Pécresse (35%), suivie par Emmanuel Macron (31%), alors que l’ensemble des candidats de gauche arrivent bien plus loin (22%) suivis par l’ensemble des candidats de la droite radicale (17%).  Donc le « vote de classe » na pas entièrement disparu et la gauche n’est pas devenue l’eldorado des catégories supérieures ou un caprice électoral de bobos. Si on regarde plus précisément l’électorat potentiel de Yannick Jadot, on voit qu’il vient à 23% des classes supérieures, à 39% des classes moyennes et à 38% des classes populaires. Ce qui conduit à se tromper très souvent sur ce point tient au fait que les catégories populaires se reportent massivement sur l’abstention ou le vote blanc et nul. Si on réunit ces trois catégories de refus de vote, on voit qu’elles sont composées à 15% par les électeurs des classes supérieures, à 33% par ceux des classes moyennes mais à 52% par ceux des classes populaires.

On compte, a minima, sept candidats de gauche à l'élection présidentielle et ils se partagent environ 25% des voix. Comment en sommes-nous arrivés à ce que leur assiette électorale soit si faible malgré une diversité des propositions ?

Luc Rouban : La multiplication des candidatures à gauche n’est pas seulement le fruit d’une concurrence entre egos. Elle reflète de véritables fractures au sein de la gauche qui n’ont jamais été réduites. La première tient à la place que prend l’économie libérale, les entreprises et l’Union européenne. On voit bien que c’est le grand écart entre LFI - car Jean-Luc Mélenchon a clairement rappelé sur France Inter dimanche 12 décembre dernier qu’il était collectiviste et souverainiste - et le PS. Une autre fracture tient à la défense du modèle républicain, chère au PS mais aussi à Arnaud Montebourg comme au PCF, et l’investissement dans les luttes intersectorielles et décolonialistes qui marquent l’extrême-gauche, LFI et en bonne part EELV. Enfin, troisième fracture, celle des institutions. Le PS et autrefois François Mitterrand se sont fort bien accommodés du régime de la Vᵉ République, ce qui n’est pas le cas de EELV ou de LFI. Tout cela se surajoute et crée beaucoup de divisions sur des sujets centraux. Alors, évidemment, on peut de demander comment avec une offre aussi diversifiée et en ratissant aussi large on ne plaît qu’au quart des électeurs. La réponse est assez simple. L’élection présidentielle se joue sur un homme ou une femme qui doit proposer une synthèse cohérente. Ici, pas de synthèse, pas de cohérence. En conséquence, pourquoi aller voter pour un candidat qui n’a aucune chance de rallier ses concurrents de gauche ni d’accéder au second tour ? De nombreux enquêtés de gauche provenant des catégories populaires préfèrent l’abstention et ceux des catégories moyennes et supérieures sont entrés dans une logique de vote stratégique. Ces électeurs s’inquiètent de cette fragmentation de l’offre, craignent qu’elle finisse par produire au second tour un choix qui serait horrible pour eux (Valérie Pécresse contre Marine Le Pen ou contre Éric Zemmour). Ils se réorientent donc sur le vote utile qui est incarné par Emmanuel Macron qui reste le plus à gauche des candidats de droite. Au final, les vrais candidats de gauche sont abandonnés.

Michel Maffesoli : Vous parlez de diversité de propositions, elles ne sont pas si diverses d’abord. Tous les candidats défendent un progressisme qui m’apparaît tout à fait dépassé, un économicisme qui ne correspond plus du tout à la recherche d’une vie plus qualitative, une croyance en la Science qui interdit tout débat et partant ruine la pensée.

Le candidat Jadot parle écologie, c’est-à-dire savoir sur la maison commune, sur notre commune nature. Ce savoir n’intéresse pas. Les électeurs ne veulent plus qu’on leur explique leur monde, leur vie. Ils veulent croire ce qu’ils veulent, ils veulent bricoler leurs croyances et non voir se réduire sans cesse le monde des possibles. Ils ne veulent plus, je l’espère, perdre leur vie à la gagner et qu’en plus on leur dise comment dépenser cet argent !

La sensibilité postmoderne serait plutôt « écosophique ». C’est-à-dire non pas un savoir normatif et prescriptif, mais une sensibilité faite de plus de respect, d’empathie par rapport à la nature.

Je vois cela au jour le jour dans mon petit village cévenol :  la sensibilité écosophique est de plus en plus importante. Mais les injonctions écologiques sont mal perçues et considérées a priori soit comme des discours de bobos, soit comme une production normative et bureaucratique insupportable.

La sensibilité écosophique ne peut pas se traduire dans des propositions électorales, dans des constructions administratives toujours plus sophistiquées, dans des législations obèses et inapplicables.

Cette analyse s’applique à tous les candidats dits de gauche.  En effet, la multiplicité de candidatures traduit plus une compétition entre les chefs que des visions politiques vraiment plurielles. De toute façon ce sont les mêmes cabinets et officines qui élaborent, à l’aide de multiples sondages et autres enquêtes  les propositions. Aboutissant à l’effet paradoxal d’un éloignement toujours plus grand du peuple au fur et à mesure qu’on utilise de moyens plus sophistiqués pour l’interroger.

J’ai proposé d’analyser cette césure entre le peuple et ceux qui ne le représentent plus dans mon ouvrage La transfiguration du politique (4e édition, à paraître janvier 2022, éditions Cerf-Lexio). La gestion de la cité devient une antiphrase c’est-à-dire son contraire.

L’assiette électorale se réduit parce que malgré leurs apparentes divergences, ces candidats parlent de loin, très loin à leur « base ». Ils ne lui parlent d’ailleurs qu’au travers des filtres que sont les éléments de langage formatés pour parler à un français moyen, un électeur type qui n’existe pas.  Les vrais électeurs ne se sentent aucune affinité avec ces moyennes et le jour de l’élection ils sont toujours plus nombreux à se désintéresser du vote.  S’ils sont inscrits, ce qui n’est pas le cas de 10 à 15% des électeurs.  

Pour intéresser les gens aux divers débats, ceux-ci sont de plus en plus scénarisés, les batailles entre candidats peuvent être de plus en plus agressives. Mais l’électorat sent bien que derrière ces rivalités, plus personnelles que réellement politiques, ce sont un peu tous les mêmes. Pas forcément tous pourris, mais en tout cas, tous appartenant à un autre monde.

Michel Maffesoli a publié "Ecosophie" aux éditions du Cerf.

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