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Frontex : le nombre de migrants arrivant en Europe est au plus bas depuis 5 ans. Et voilà les conclusions dérangeantes qu’on peut en tirer
©Angelos Tzortzinis / AFP

Immigration

Selon les chiffres publiés par Frontex en ce début d'année, 150 000 traversées illégales des frontières extérieures européennes ont eu lieu en 2017, soit un plus bas depuis 5 ans.

Arnaud Lachaize

Arnaud Lachaize

Arnaud Lachaize est universitaire, juriste et historien. 

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Atlantico : Alors que la route centrale de méditerranée, en direction de l'Italie, constate une baisse de 80% du nombre de traversées (23 000), la route occidentale (en direction de l'Espagne) a constaté un doublement (57 000). Peut-on voir ici un effet "Salvini" dans ces chiffres ? 

Arnaud Lachaize : Oui, la baisse des traversées clandestine de la Méditerranée et réelle et spectaculaire depuis trois ans, après un pic d'un million estimé en 2015. Les raison de cette baisse relative sont nombreuses. Il y a un travail de fond accompli par l'Union européenne qui ne doit pas être négligé. L'accord de mai 2015 entre l'UE et la Turquie a immédiatement mis fin à l'afflux de populations en provenance du Moyen-Orient. Par la suite, des fonds importants de Bruxelles ont été versés à la Libye pour qu'elle se dote de garde-côtes et qu'elle assure elle-même les opérations de secours en mer des migrants dans ses eaux terriotoriales en les ramenant à terre. Avant même l'arrivée de Salvini au pouvoir en Italie, des mesures avaient donc été prises par l'Europe pour tenter de juguler le flux. Toutefois, tous les connaisseurs de ce dossier le savent même si cela relève largement du non-dit: l'arrivée au pouvoir de Salvini et les mesures prises pour refuser le débarquement de migrants sur les côtes italiennes ont totalement déstabilisé les réseaux de passeurs criminels en brisant leurs circuits habituels. Les filières se déplacent vers le nouveau maillon faible, désormais l'Espagne, mais dans l'ensemble, les flux sont clairement orientés à la baisse. 

Dans quelle mesure l'hostilité déclarée d'un gouvernement à l'égard de l’accueil d'un plus grand nombre d'immigrés, a-t-elle effectivement un effet sur les destinations choisies des personnes candidates au départ ? Le seul effet d'annonce a-t-il en ce sens un effet ? 

Oui, les effets d'annonce jouent fortement en matière d'immigration, dans un sens comme dans un autre. Les signes d'ouverture, tels que les régularisations massives, provoquent des mouvements considérables vers l'Europe. En revanche, les déclarations de fermeté ont à l'inverse un impact qui démultiplie l'effet mécanique des décisions prises. Les filières qui organisent ces mouvements de population sont bien organisées et bien informées de toute ce qui se passe en Europe. Elles orientent leur stratégie en fonction des politiques des gouvernements. Elles guettent les signes de faiblesse, les exploitent mais reculent devant les manifestation de fermeté. C'est pourquoi le discours fataliste dans ce domaine, qui consiste à dire que quoi qu'il arrive, on ne peut rien faire, est totalement faux. 

Selon une telle logique, quel pourrait-être l'impact sur les candidats à l'immigration d'une telle déclaration commune européenne, visant à restreindre le nombre de personnes à accueillir sur le territoire de l'Union ? 

La maîtrise de l'immigration est une condition de survie des démocraties européennes. Les Européens, en dehors de quelques illuminés, savent qu'il n'est pas possibe, dans un monde ouvert, de vivre en autarcie complète et de se fermer à toute immigration. L'Europe est et restera un continent hospitalier, qui accueille chaque année régulièrement environ 1,5 million de migrants du monde entier. Ce qui est impossible à admettre pour les nations européennes, et leurs citoyens, c'est que, au-delà des flux migratoires normaux, des filières criminelles prolifèrent sur un nouvel esclavagisme et imposent leur diktat aux Etats et à l'Union européenne comme en 2015. L'immigration clandestine a pour effet d'ébranler tous les fondements de la démocratie en Europe. Les arrivées non maîtrisées et l'impuissance des frontières ont entraîné le retour des tensions entre les Nations européennes, elles ont déchiré l'unité de l'Europe à l'image de la dégradation des rapport entre la France et l'Italie. En attisant la colère des peuples européens , elles peuvent aboutir à la remise en cause des modèles démocratiques et des libertés publiques. La lutte contre les trafics en Méditerranée est donc une affaire de survie pour l'Europe qui aurait tout intérêt, comme vous le dites, à afficher une volonté commune claire: l'Europe est ouverte à l'immigration régulière dans la limite de ses capacités d'accueil, mais sera désormais inflexible dans la lutte contre les trafics esclavagistes. L'affirmation de cette volonté unitaire aurait bien sûr un effet considérable. 

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