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Frangy-en-Bresse, J-4 : que peut vraiment espérer Arnaud Montebourg pour 2017 ?
©Reuters

Nouvelle gauche

La rentrée politique est imminente pour Arnaud Montebourg. Lors de sa traditionnelle réunion publique de Frangy-en-Bresse, l'ancien ministre de l’Économie, qui mobilise ses réseaux et prépare son retour politique en coulisses, pourrait bien annoncer sa participation à la primaire socialiste en vue de 2017.

Maud Guillaumin

Maud Guillaumin

Journaliste à Europe 1, BFM, ITélé, Maud Guillaumin suit pour le service politique de France-Soir la campagne présidentielle de 2007. Chroniqueuse politique sur France 5 dans l’émission Revu et Corrigé de Paul Amar, puis présentatrice du JT sur LCP, elle réalise également des documentaires : « Les Docs du Dimanche », « Les hommes de l’Élysée » sur les grands conseillers de la Ve République et « C’était la Génération Mitterrand » transposé de son livre Les Enfants de Mitterrand (Editions Denoël, janvier 2010). Elle écrit également dans la revue littéraire Schnock. Elle est l'auteur de "Le Vicomte" aux éditions du Moment (2015).

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Atlantico : Ce 21 août, Arnaud Montebourg se rendra à Frangy-en-Bresse, dans son fief de la Nièvre, pour y effectuer comme chaque année sa rentrée politique. Mais la traditionnelle "Fête de la rose" a cette fois été rebaptisée "Fête populaire", et aucun logo du PS n’apparaît sur les invitations. L’ancien ministre compte-t-il annoncer sa candidature ?

Maud Guillaumin : Tout d'abord, selon le communiqué officiel, la Fête de la Rose sera même la fête "des déçus du quinquennat", ce qui est encore plus violent. Ensuite, je pense en effet qu'il va annoncer sa candidature. Plusieurs de ses proches l'ont clairement dit (François Kalfon, Denis Lamard…) et les jalons avaient déjà été posés lors de l'ascension du Mont Beuvray. Par ailleurs, des événements clairs vont dans ce sens ces derniers temps. Il n'est plus chez Habitat, et il va également abandonner le poste de président du conseil de surveillance de New Wind, la start-up où il avait investi 56 000 euros. Je sais qu'il restera a priori uniquement au comité de Talan, un réseau de consultants très large allant de la finance à l'industrie en passant par l'environnement. Il se libère donc de ses obligations d'entrepreneurs extérieures, l'exception étant son entreprise "Les équipes du made in France", qu'il garde, ayant d'ailleurs déplacé le siège social avenue de l'Opéra selon le Canard Enchaîné.

Tout cela montre qu'il quitte peu à peu ses habits d'entrepreneur pour reprendre sa casquette d'homme politique. Il a par ailleurs envoyé des SMS à ses proches et son réseau pour développer le projet France, son mini-parti lancé en juin, dans lesquels il demande officiellement des dons pour avoir l'envergure nécessaire pour se lancer dans la présidentielle de 2017.

S’il s’éloigne définitivement du Parti socialiste, quelles forces peut-il espérer rassembler ?

Personnellement, je pense qu'Arnaud Montebourg se lancera dans la course au sein de la primaire socialiste. Depuis qu'elle a été officiellement annoncée, ses équipes sont en négociation et mettent la pression pour dire que si toutes les conditions ne sont pas réunies, il fera cavalier seul. Mais ce n'est pas du tout l'objectif. Son objectif, c'est vraiment de redéfinir la gauche, de représenter un nouveau courant, mais de se servir de la puissance du Parti socialiste pour refaire une primaire aussi victorieuse pour lui que celle d'il y a cinq ans. D'ailleurs, ses équipes demandent la même organisation qu'en 2011 et mettent leurs pions sur la table.

Il réclamait cette primaire à corps et cris, il serait donc totalement illogique pour lui de ne pas y aller.

Il y a cinq ans, Arnaud Montebourg avait fait sensation en étant le troisième homme de la primaire socialiste, en faisant campagne sur la "démondialisation". Que reste-t-il aujourd’hui de cette idée ? Sur quel thème pourrait-il faire campagne cette fois-ci?

Il a déjà récemment annoncé dans son projet France un projet alternatif. Cette fois, il compte s'appuyer sur la société civile. Il réutilise son background d'entrepreneur depuis son départ du gouvernement, en affirmant que la société civile doit reprendre le contrôle de la politique. C'est ça, son projet alternatif. Il l'avait déjà annoncé au Mont Beuvray : c'est sa nouvelle force.

Laisse-t-il pour autant tomber complètement la démondialisation ? C'est vrai qu'il n'en parle plus aussi directement. Mais il souhaite aujourd'hui s'appuyer là-dessus, ses équipes sont ainsi déjà parties pour faire le tour des plages (Paris-Plages, Normandie, Var) pour rencontrer les Français. Ils ont également des soutiens avec les chevènementistes. La question centrale ici, c'est de savoir s'il compte utiliser le Brexit pour mettre en valeur sa vision de l'Europe, lui qui fustige le diktat de Bruxelles. J'ai été personnellement étonnée qu'il n'en parle pas plus, même s'il était en période de "diète médiatique". Comment se positionnera-t-il ? A mon avis, ce pourrait être une manière de réutiliser son thème de la démondialisation en l'ancrant de manière plus actuelle avec ce qu'il s'est passé en Angleterre.

Pour revenir à votre question, ce n'est plus le terme de "démondialisation" qui sera le maître mot, mais "projet alternatif" et "société civile", pour que l'économie ne soit plus la reine de l'action.

Que peut espérer Montebourg de cette campagne ? Sa candidature peut-elle faire de l’ombre à celle de Jean-Luc Mélenchon à la gauche de la gauche ?

Il est certain que Jean-Luc Mélenchon représente une grosse épine dans le pied d'Arnaud Montebourg. C'est d'ailleurs pour cela que je pense qu'il ne va pas utiliser tant que ça la thématique de la démondialisation. Jean-Luc Mélenchon se positionnera à coup sûr très à gauche, donc si Arnaud Montebourg fait campagne directement contre lui, il perdra son concurrent principal, qui n'est pas Jean-Luc Mélenchon mais bien François Hollande, qui a très intelligemment pesé de tout son poids pour que la primaire ait lieu si tard dans l'année. Toute la stratégie de François Hollande sera de montrer qu'il a réussi (peut-être ?) à faire baisser un petit peu le chômage, et qu'il vaut mieux pour la gauche une candidature réformiste située au centre-gauche de l'échiquier politique.

Montebourg se retrouvera donc entre Hollande et Mélenchon. Il devra ainsi faire un savant mélange entre des idées vraiment de gauche et ce réformisme politique (d'où son idée de société civile). Il ne voudra pas s'enfermer dans un discours trop extrême et trop à gauche, pas assez en lien avec les problèmes économiques d'aujourd'hui.

L'atout d'Arnaud Montebourg est d'admettre qu'il a certes participé au gouvernement, mais qu'il l'a quitté parce qu'il voulait une autre forme de la gauche, qu'on n'a toujours pas trouvé aujourd'hui et qu'il veut, lui, incarner. Il a récemment donné dans un tract toute une nouvelle définition de la question Qu'est-ce qu'être de gauche ? Pour chaque type de définition (économique, sociale, etc.), il s'appuie sur des figures : être de gauche, c'est être à la fois Roosevelt et Colbert pour lier politique et économie réfléchie, c'est être Florence Aubenas pour comprendre vraiment les fragilités de la société actuelle, etc. Sa grande idée est donc de redéfinir les frontières de la gauche. Avec le Brexit, il en a la possibilité, en se définissant réellement comme un politique en lien réel avec le monde actuel, contrairement à Jean-Luc Mélenchon. Quand il a annoncé son projet alternatif, il a précisé qu'il se tournerait vers toutes les forces en présence (entrepreneurs, associations, etc.). C'était donc aussi une main tendue au monde économique.

Pour revenir à Jean-Luc Mélenchon, je dirais donc qu'il ne va pas essayer de lui faire de l'ombre et de le considérer comme son concurrent direct, qui sera François Hollande ou éventuellement Manuel Valls si le président de la République n'y allait pas pour une raison X ou Y.

Propos recueillis par Benjamin Jeanjean.

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