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Françoise Degois : "François Hollande n'avait pas tout à fait tort en considérant qu'Emmanuel Macron ne gouvernerait pas avec la droite et voilà pourquoi"
©AFP

Entretien Françoise Degois

Françoise Degois dépeint dans son livre "Il faut imaginer Sisyphe heureux" les cents derniers jours de François Hollande en tant que président de la République. Elle revient sur le regard qu'il portait sur la campagne présidentielle et sur son affection pour Emmanuel Macron.

Françoise  Degois

Françoise Degois

Françoise Degois est une journaliste et une conseillère politique française. Elle est également l’auteur de Quelle histoire ! Ségolène Royal et François Hollande (Plon) et Femme debout (Denoël).

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Atlantico : François Hollande a déclaré : "Emmanuel ne voudra pas gouverner avec la droite. Il devra trouver des accords avec la gauche de gouvernement, c’est-à-dire avec nous." A travers votre livre, François Hollande semble faire preuve de beaucoup d'anticipation, de justesse et d'intelligence dans l'analyse. Comment expliquer cette erreur d'analyse vis-à-vis du gouvernement d’Emmanuel Macron aujourd'hui ?

Françoise Degois : François Hollande a toujours eu une affection particulière pour Emmanuel Macron. Il le voyait comme son successeur, quelqu'un de très brillant, surdiplômé et faisant preuve de beaucoup d'humour. Il lui a donné les plus hautes responsabilités. Ainsi, Macron a été ministre de l'économie mais aussi secrétaire général adjoint de l'Elysée. Il avait la pleine confiance de François Hollande. Avant l'arrivée de Jean-Pierre Jouyet, il était son secrétaire général chargé de l'économie. François Hollande a aussi confié son programme économique à Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle.

Mais l'ex-président de la République a fait une mauvaise analyse. Il se targuait de voir arriver de loin tous les candidats à la présidentielle seulement, il parlait des gens de sa génération, Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius... En réalité, il n'a pas vu venir Emmanuel Macron.

Sur cette phrase «Emmanuel ne voudra pas gouverner avec la droite», on peut dire qu'il n'a pas tout à fait tort. Il a finalement pris un Premier Ministre de droite, des ministres régaliens de droite et les postes des valeurs sont à la gauche ou au centre. Il y a eu une forme d'aveuglement par rapport à Emmanuel Macron de la part de François Hollande malgré les alertes de beaucoup de ses proches. Il était convaincu qu’il ne le trahirait pas. Mais in fine, celui qui l'a trahi avec méthode, pour reprendre ses propres mots, c'est bien Macron.

François Hollande, et c'est ce que j'ai voulu montrer dans ce livre, est quelqu'un qui ressent des émotions même s'il a choisi de ne pas les montrer. Il n'a pas spécialement de faiblesses, mais il a de l'affect, beaucoup plus que pour Manuel Valls par exemple.

On lit entre vos lignes que François Hollande décidait de ne pas soutenir Emmanuel Macron officiellement de peur qu'il ne perde. Pourquoi cette décision ?

François Hollande a toujours considéré que l'alternance, c'est la droite. Il comprend très vite que l'affaire Pénélope est une voie royale pour Emmanuel Macron. Il connait très bien la politique et sait que François Fillon allait avoir beaucoup de mal pour se sortir de cette affaire. Rappelons qu’avant cette affaire, François Fillon était bien parti pour remporter la présidentielle.

Notons aussi que François Hollande ne vaut pas laisser sa place à Jean-Luc Mélenchon. Il ne met pas Jean-Luc Mélenchon et Marine le Pen (qu’il déteste) sur le même plan, mais il a une haine envers la gauche que représente Mélenchon.

Son cauchemar était d'être le président qui aurait permis à Marine Le Pen d'accéder au pouvoir. Il ne veut pas que l'on se souvienne de lui de cette façon. Apporter son soutien à Emmanuel Macron n'est pas une solution parce que cela l'aurait certainement plombé dans l'opinion. Le poids de l'héritage du quinquennat aurait été plus limpide et l'image de marionnette de François Hollande aurait été plus claire. Il le sait.

Donc il ne soutient pas Macron officiellement, mais dans les gestes, il montre qu'il a un point de vue. Il a cherché à ce que Macron soit son héritier sans que ce soit officiel et il l'a fait dans les quinze derniers jours. François Hollande a réussi la meilleure des sorties possibles. Elle est assez honorable.

Vous laissez entendre que François Hollande est jaloux de Jean-Luc Mélenchon. D'où vient cette jalousie ? S'agit-il d'une question de ligne politique ou d'un rapport entre la France des technos et une France plus politique ?

François Hollande a une certaine forme d'admiration pour le tribun qu'est Jean-Luc Mélenchon, même s'il s'en cache. Dans les années 2005-2006, avec Henri Emmanuelli, Jean-Luc Mélenchon incarnait une gauche qui pense et qui réfléchit. Il a animé la gauche socialiste qui a lancé de nombreux concepts dont la démocratie participative. François Mitterrand avait une vraie affection pour Mélenchon. Il voyait en lui un tribun et avait de l'admiration pour ceux qui savaient porter le fer politiquement.

François Hollande n'a jamais été de cette école-là. Il était plutôt de l'école Jospin, Aubry, DSK, des technos qui sont des cérébraux. Rien à voir avec Jean-Luc Mélenchon qui est plutôt fait de chair et de sang. Cela lui donne la capacité d'être adulé par les foules.

Lors de congrès du parti socialiste, notamment le congrès du Mans en 2005, Mélenchon avait mené la campagne pour le non au referendum sur la constitution européenne. Il n'avait pas encore été exclu du PS. Il arrive dans la salle en étant sifflé par l'assistance pendant trois minutes. Mais sa puissance lui a permis de retourner cette salle et il fini par la quitter sous un tonnerre d’applaudissement.

Chez François Hollande, il y a une forme de jalousie de voir Mélenchon meilleur que lui dans la capacité à toucher le cœur des gens et ce, même s'il a été réélu premier secrétaire du PS. Mélenchon injecte une passion que lui n'a pas. Ce n'est pas un hasard si Mélenchon et Ségolène Royal s'entendent si bien tous les deux. Ils ont cette façon de faire de la politique, de parler aux tripes, de parler simplement. Ils ont une pensée simple, presque de classe alors que pour Hollande, c'est plutôt la classe moyenne qui fait de la politique. Il lui manque la fibre populaire.

Mais cette distance vis-à-vis de Jean-Luc Mélenchon est d'autant plus injuste que c'est grâce à son électorat que François Hollande a été élu président de la République en 2012. Ce vote est décisif.

François Hollande est tout aussi atypique que les gens à qui il succède et qui vont le précéder. Il est impossible d'avoir une psyché normale pour accéder à cette fonction. Ce n'est pas un colérique, il contrôle ses émotions, mais il a comme chez Sarkozy, Chirac ou Macron un désir d'absolu, de reconnaissance, il veut rentrer dans l'histoire.

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