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Le candidat socialiste a affirmé que s'il était élu, il créerait un taux d'imposition "à 75% pour les revenus au dessus d'un million d'euros" par an.
Le candidat socialiste a affirmé que s'il était élu, il créerait un taux d'imposition "à 75% pour les revenus au dessus d'un million d'euros" par an.
©Reuters

Haro

François Hollande était lundi soir l'invité de l’émission politique de TF1 "Parole de candidat". Le candidat socialiste a affirmé que s'il était élu, il créerait un taux d'imposition "à 75% pour les revenus au dessus d'un million d'euros" par an.

Xavier Petitjean

Xavier Petitjean

Xavier Petitjean est responsable fiscal dans un important groupe mutualiste d'assurance. Auparavant il a été avocat fiscaliste chez Arthur Andersen International puis Ernst & Young.

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Les bolcheviques en rêvaient, François Hollande l’a fait. Lundi soir, lors de l’émission « Parole de candidat », il a annoncé une décision qui a surpris jusqu’à son propre camp : taxer les très gros revenus à 75%.

Depuis toujours les politiques fiscales oscillent entre deux principes de valeur constitutionnelle : d’un côté, le droit de propriété, de l’autre, la nécessité de participer aux finances publiques via l’impôt.

La crainte des uns : que l’impôt se fasse racket ; la crainte des autres : que les riches ne participent pas aux dépenses communes comme ils devraient le faire. Dans ce cadre, le candidat socialiste avait déjà annoncé son souhait de créer une nouvelle tranche supplémentaire du barème progressif de l’impôt sur le revenu à 45% pour les revenus supérieurs à 150 000 €. Dans un autre registre, François Hollande s’était attaqué frontalement au foyer fiscal et au quotient familial mais, devant le tohu-bohu ainsi suscité, il s’était rétracté, se contenant d’annoncer que le plafonnement du quotient familial serait abaissé avec cette même rengaine : frapper les riches.

Hier au soir, le candidat socialiste a exposé une nouvelle étape de son projet fiscal : créer une nouvelle tranche d’imposition, en plus de celle à 45% énoncée ci-dessus, mais dont le taux, cette fois-ci serait porté à 75%. Du jamais vu dans l’histoire de l’impôt sur le revenu en France.

L’annonce est pour le moins fantaisiste et d’ailleurs François Bayrou l’a commentée de façon explicite : « le déconomètre fonctionne à plein tube ».

Un impôt inconstitutionnel et contre-productif

Il ne s’agit pas de se prononcer à la place du Conseil Constitutionnel mais quelques rappels objectifs s’imposent : les revenus du patrimoine sont déjà soumis, dès le premier euro, à des prélèvements sociaux dont le total atteint maintenant 13,5%. Les revenus du travail, eux, sont assujettis également à diverses cotisations, dont la CSG. Rappelons enfin que l’actuelle majorité a d’ores et déjà voté une taxe exceptionnelle sur les ménages aisés qui frappe à hauteur de 3% puis 4% les revenus de référence supérieurs à 250 000 €.

Autrement dit, que les revenus soient tirés d’une activité professionnelle ou d’un patrimoine, le taux marginal d’imposition  – c'est-à-dire le taux le plus élevé frappant les revenus du foyer – va atteindre des niveaux hallucinants qui feraient pâlir de jalousie de qu’il reste des régimes castriste ou nord-coréen. De ce fait, si 90 ou 95% d’un revenu s’envole en prélèvements fiscaux, fusse-t-il un revenu au-delà d’un million d’euro, il ne fait aucun doute que le Conseil Constitutionnel ne pourra qu’invalider par application du principe de propriété.

Enfin, mais ces arguments ont déjà été ressassés mille fois, faut-il rappeler que l’impôt tue l’impôt et que de tels niveaux d’imposition susciteront inéluctablement des comportements fiscaux dont l’ampleur sera finalement plus préjudiciable pour finances publiques que les gains qu’ils étaient censés rapporter.

L’intérêt de cette annonce se trouve donc ailleurs que dans un raisonnement économique et fiscal raisonnable.

Une annonce improvisée, dans un but de séduire les classes populaires tentées par les extrêmes

Une réalité s’impose à François Hollande : les extrêmes pèsent un réel poids politique, qu’il s’agisse de l’extrême-gauche dont Jean-Luc Mélenchon est le leader incontesté – dans les sondages en tous cas – ou de l’extrême-droite qui, débarrassée de ses oripeaux pétainistes, maurrassiens et nationaux-catholiques, fait une réelle percée dans la classe ouvrière en déployant un programme à la fois nationaliste, laïciste et socialiste.

C’est à ces cibles électorales-là que François Hollande s’est adressé lundi soir et son annonce doit être appréciée pour ce qu’elle est : un argument démagogique et populiste qui consiste à désigner à la vindicte populaire une catégorie de la population censée être à l’origine de tous les maux du pays : les plus fortunés de nos concitoyens, quitte à les sacrifier sur l’autel de l’élection présidentielle.

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