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Hollande liquide la gauche, l’UMP en profite pour s’automutiler
©Reuters

Avis de gros temps

L'UMP n'obtient qu'un peu plus de 20% des suffrages aux élections européennes et est distancée par le Front national, qui avec 26% enverra la plus forte délégation d'élus français au Parlement européen, tandis que le PS enregistre un score historiquement bas de 13,88%.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Ne soyons pas hypocrites : dans les rangs du PS en général comme dans les allées du pouvoir, personne ne se faisait d'illusion : on avait intégré la perspective d'un échec aux européennes. La débâcle des municipales était bien trop récente, la crise économique bien trop présente et "l'effet Valls" pour l'instant bien trop ténu pour espérer ce "retournement" annoncé et espéré par François Hollande. Mais on nourrissait le secret espoir qu'en dépit des affaires et des dissensions internes, l'UMP surfant sur la vague de son succès aux municipales ferait un bon score et qu'elle ferait au moins jeu égal avec le parti de Marine Le Pen, à défaut de devancer le Front national. Or, patatras, il n'en a rien été. L'UMP qui, depuis les Municipales se revendiquait premier parti de France, n'obtient que qu'un peu plus de 20% des suffrages et est elle aussi distancée par le Front national, qui, avec 26% des suffrages, enverra la plus forte délégation d'élus français au Parlement européen. Le PS enregistre un score historiquement bas de 13,88% et les centristes se retrouvent à près de 10% - ce qui n'est pas si mal - quant aux écologistes, privé de leur vedette Daniel Cohn-Bendit, ils retrouvent leur étiage naturel de 8,7% et le Front de Gauche doit se contenter de 6,2%.

Un résultat que le Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, veut "regarder en face" parce que "la France entre dans une zone où tout est possible. L’extrême-droite profite de la difficulté des temps, du mécontentement face au redressement de la France, qui est pourtant indispensable."

Hier soir Manuel Valls a donc revêtu son costume sombre et mis une cravate noire pour déclarer que "ce scrutin, et c'est ma conviction, est plus qu'une nouvelle alerte, c'est un choc, un séisme qui s'adresse à tous les responsables politiques qui ont la charge d'agir". Et, dès ce matin, le Premier ministre, expliquant comprendre le ras-le-bol des Français, a annoncé de nouvelles baisses d'impôts mais s'est dit conscient que les "Français  n’y croiront que quand ils verront que la fiscalité a réellement baissé. Il y a un grand scepticisme vis-à-vis de ceux qui gouvernent." Et ce n'est pas pour tout de suite, puisque dans un premier temps la fiscalité est encore en train de s'alourdir. Le porte-parole des députés socialistes Thierry Mandon enfonce le clou, désabusé : "Tant qu'on n'a pas de résultats, on sera à ce niveau". On ne saurait être plus clair. Aujourd'hui au PS tout le monde déplore la difficulté de mise en oeuvre des modifications annoncées par le gouvernement. Inertie de l'administration, manque de suivi des ministres, ou un peu de tout cela. Il en a sans doute été question à la réunion que François Hollande a tenue à l'Elysée à la veille d'un sommet européen à Bruxelles .

Certes,  François Hollande se sentira un peu moins seul lorsqu'il rencontrera David Cameron, dont le parti conservateur est également devancé par les anti-européens en Grande-Bretagne. Certes , l'extrême-gauche anti- européenne est devenue le premier parti de Grèce, en Espagne le PSOE ( équivalent du PS) et le Parti Populaire (conservateur) sont également en recul au profit de partis eurosceptiques, mais en Allemagne, les conservateurs de Madame Merkel restent en tête .Dans ce contexte, François Hollande a-t-il une chance d'être entendu lorsqu'il plaidera pour une autre politique européenne, pour moins d'austérité ? Et quand bien même les dirigeants européens prendraient quelques décisions, serait-il entendu en France, lui qui a tenté de faire croire en 2012,  qu'il avait obtenu une réorientation, voire une renégociation du Traité Européen en faveur d'investissements pour relancer l'économie, alors qu'il s'agissait de simples artifices de langage, et qu'il a, par la suite , accepté un budget européen revu à la baisse  ?

En tous cas, François Hollande qui affirmait ne plus ne vouloir se mêler des affaires du PS, ne pourra plus continuer d'afficher ce détachement plus ou moins réel. Avec moins de 14% des voix, le "parti majoritaire" connait une crise sans précédent, qui ne sera pas sans répercussions sur le fonctionnement de la vie politique. Dans ces conditions, on ne voit pas comment le chef de l'Etat aura la force politique pour réformer le millefeuille territorial à marche forcée et se mettre définitivement à dos ces barons locaux que sont les présidents des Conseils Généraux et Régionaux, qui ont largement contribué à sa victoire ?

Dans l'immédiat, les députés socialistes qui disposent encore d'une voix pour la majorité absolue ( sans leurs alliés Radicaux de gauche et Ecologistes ) vont sans doute faire bloc, mais les dissensions sur les "efforts de redressement" ne vont pas tarder à resurgir, notamment avec le budget rectificatif qui doit être voté au début de l'été. Le PS entrera alors dans la zone de tous les dangers et la menace d'une dissolution pour cause de délitement politique pourrait planer sur l'assemblée, sans même que Marine Le Pen ait besoin de la réclamer.

Maigre consolation pour l'exécutif : l'UMP ne devrait pas être à l'offensive dans les prochaines semaines, car elle a des comptes ( internes ), à régler. Le Parti qui n'a pas su adopter une véritable ligne sur l'Europe ( europhile ou euroscetique ), n'a pas transformé l'essai des Municipales. Les révélations par la presse sur la gestion de ses finances et les sommes colossales versées à la société Bygmalion pour le règlement de conventions fantômes ont troublé les électeurs et rouvert les hostilités. François Fillon, qui n'était pas sur les plateaux télé, a sonné la charge en déclarant que "l’UMP est atteinte dans sa crédibilité et doit s’interroger sur les raisons de son échec. Elle n’a pas été en mesure de se rassembler et son honneur est mis en cause. Cela n’est pas la première fois que je tire le signal d’alarme. Nous avons maintenant besoin d’un changement profond." Certes, mais l'UMP n'a-t-elle pas aussi beaucoup promis, à commencer par la suppression des 35 heures, une des sources de l'affaiblissement économique de la France, qu'elle n'a pas su mettre en place depuis... 2002 ? Quant aux impôts, qu'elle promet de baisser en 2017, c'est lorsqu'elle était au pouvoir qu'ils ont recommencé à grimper. Cependant, aujourd'hui ce n'est pas autour du programme économique que tourne le débat mais autour de la gouvernance du Parti, totalement opaque aux dires de ses adversaires. Jusqu'à présent tout le monde, de François Fillon, Alain Juppé à Xavier Bertrand ou Bruno Le Maire préférait ne pas savoir et laisser Jean-François Copé gérer la maison. Maintenant que la justice s'en mêle et que les "résultats ne sont pas là", la donne change et ceux qui critiquaient en coulisses ne pourront plus se voiler la face. Il y a du lavage de linge sale en public en perspective. Et ce ne sont pas les appels à l'union avec le centre revigoré qui vont résoudre le problème ! Décidément, les élections européennes ont provoqué un avis de gros temps sur la vie politique française !

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