Francois Hollande : fort sur la com', timide sur le concret, à côté de l'essentiel sur le fond <!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande faisant ses annonces au Congrès.
François Hollande faisant ses annonces au Congrès.
©Reuters

Tribune

Une tribune de Charles Beigbeder, président de sa holding industrielle et financière, Gravitation SAS, et conseiller municipal du 8ème arrondissement de Paris.

Charles Beigbeder

Charles Beigbeder

Charles Beigbeder est président de la Fondation du Pont-Neuf. Président de sa holding industrielle et financière, Gravitation SAS, Charles Beigbeder est engagé dans plusieurs mouvements liés à l'entreprise et à la vie de la cité.
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S’exprimant lundi dernier devant le Parlement réuni en Congrès, François Hollande a pris de court la droite en reprenant à son compte plusieurs de ses propositions. Fin tacticien, le chef de l’État lui coupe ainsi l’herbe de la critique sous le pied. Mais qu’en est-il exactement ? Analyse en détail des réformes envisagées par l’exécutif.

1°/ Nommer l’ennemi : François Hollande est resté flou, évoquant le « terrorisme djihadiste », sans mentionner qu’il prendaujourd’hui sa source dans l’Islamisme wahhabite, qui véhicule son idéologie conquérante et mortifère à travers le monde, depuis son fief, l’Arabie saoudite, officiellement alliée de la France… Or, ne pas nommer l’ennemi revient à ne pas se donner les moyens nécessaires de le combattre à la racine, par exemple en revoyant nos relations avec l’Arabie saoudite et le Qatar, qui soutiennent financièrement et idéologiquementces dérives sectaires de l’Islam. Nommer l’ennemi donnerait aussi une légitimité plus grande au projet de dissolution de la centaine de mosquées salafistesradicales, actuellement à l’étude au ministère de l’intérieur, et devrait conduire à refuser tout financement étranger de mosquées sur le sol français. Cela signifierait enfin exiger des instances représentatives de l’Islam en France des prises de position très fermes sur la violence djihadiste, notamment quand elle est fondée sur des sourates du Coran. À ce sujet, il serait judicieux de pouvoir intervenir dans l’organisation interne de l’Islam, un peu à la manière bonapartiste, pour y conforter les penseurs musulmans modérés et marginaliser les autres. C’est ce que proposent les hauts fonctionnaires du comité Plessis.[1]

2°/ Contrôle des frontières et accueil des migrants : Le Président a évoqué le rétablissement d’un contrôle aux frontières, possible temporairement dans le cadre de l’espace Schengen mais n’a pas souhaité infléchir la politique de la France en matière d’accueil de migrants. Or, l’on sait aujourd’hui que parmi les terroristes du 13 novembre, figurait un djihadiste bénéficiant d’un faux passeport syrien par lequel il a pu s’infiltrer en Europe. Dans un article consacré à ce sujet au mois de septembre dernier,Slate[2]ajoutait que« la vente de faux passeports syriens est devenu un commerce florissant. Différents journalistes ont réussi à obtenir de faux papiers d’identité syriens pour quelques centaines de dollars. Ils s’achètent parfois pour 200 dollars en Croatie, en Serbie et même en Autriche ». Dans ces conditions, il est urgent de faire prévaloir le principe de précaution et restreindre radicalement l’accueil des migrants aux cas avérés d’asile politique ou religieux dûment détectés dans les centres d’instruction existant à l’extérieur de l’espace Schengen. Enfin, sur un plus long terme, il faudrait unerefonte totale des accords de Schengen, avec possibilité de sortie définitive de l’Espace en cas de défaillance continue d’un État membre dans le contrôle de ses frontières, ainsi qu’une diminution drastique des flux migratoires extra-européens.[3]

3°/ Déchéance de nationalité des djihadistes binationaux :C’est une demande formulée depuis longtemps par la droite et à laquelle François Hollande a fini par se rallier. Mais il a fallu en arriver là pour faire évoluer une gauche qui s’était toujours appliquée jusque-là à restreindre les conditions de déchéance de la nationalité, allant parfois jusqu’à dénoncer le caractère « nauséabond » d’un tel débat, notamment quand le sujet avait été évoqué à l’été 2010 par Nicolas Sarkozy. La charge émanait alors d’un certain Manuel Valls, qui, depuis lors, a bien évolué sur le sujet…Déjà, en 1998, Elisabeth Guigou avait supprimé la possibilitéde déchoir de leur nationalité les criminels condamnés à une peine de prison d’au moins cinq ans. Or, comme le pointe Jean-Marc Leclerc dans Le Figaro, « est-ce bien raisonnable, à l’heure où tous les experts s’accordent à dire qu’existent des passerelles évidentes entre la voyoucratie et le radicalisme islamiste dans les quartiers ? »[4] Il faudrait donc, au préalable,revenir à l’état du droit antérieur à la loi du 16 mars 1998. Pour le reste, la proposition de François Hollande va dans le bon sens.[5]

Mais, si l’on voulait prendre le problème en amont, il faudrait supprimer le caractère automatique du droit du sol qui conduit de nombreux étrangers à devenir français sans que l’on ait pu vérifier au préalable s’ils aiment la France, en connaissent suffisamment la langue et en ont assimilé intérieurement la culture. Cela éviterait de se retrouver en présence de terroristes possédant tous la nationalité française, comme c’était le cas le 13 novembre (à l’exception du faux migrant). De la même manière, il faudrait supprimer l’acquisition automatique de la nationalité par mariage pour les étrangers non communautaires, au profit de naturalisations au cas par cas.

4°/ Assignation à résidence des personnes fichées "S" : L’état d’urgence permet d’y recourir mais le chef de l’État souhaite assouplir les motifs permettant une telle assignation, en modifiant la loi du 3 avril 1955. Cela va dans le bon sens mais n’est guère suffisant : être assigné à résidence signifie rester à son domicile pour un laps de temps défini par l'autorité qui prononce l'assignation, et dans certains cas, pointer entre deux et trois fois par jour auprès de la gendarmerie ou de la police. Si un individu présente un réel danger pour la sécurité des personnes, c’est l’internement administratif qu’il faudrait prononcer, comme le suggère Laurent Wauquiez. Faut-il pour autant modifier la Constitution pour y inscrire la loi de 1955 sur l’état d’urgence ? Il ne s’agit là que d’un artifice de communication, comme l’a très bien montré Emmanuelle Mignon[6] : la loi ayant été jugée conforme à la constitution, nul n’est besoin de la faire figurer dans la Constitution pour l’appliquer.

5°/ Création de 5 000 postes de policiers et gendarmes et réforme du droit de la légitime défense :L’embauche de policiers et de gendarmes est indispensable mais elle ne pourra porter du fruit qu’une fois leur formation effectuée. Quant à la réforme du droit de la légitime défense, cela fait très longtemps qu’elle est exigée par les policiers pour qu’ils puissent ouvrir le feu dans les mêmes conditions que les gendarmes. Il est vrai que Bernard Cazeneuve avait annoncé un projet en ce sens la semaine dernière, à la suite des manifestations massives de policiers place Vendôme. Aujourd’hui, trois conditions cumulatives (absolue nécessité, simultanéité, et riposte proportionnée) sont nécessaires pour qu’un policier puisse utiliser son arme de service : ainsilorsqu’un malfaiteur s’enfuit mais ne le menace plus, le policierne se trouve plus en situation de légitime défense et ne peut, de ce fait, utiliser son arme de service. C’est absurde ! Il faudrait même aller plus loin et instaurer une véritable présomption de légitime défensepour les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions, comme le demandent Nicolas Sarkozy ou le Front National depuis longtemps.

6°/ Création de 2 500 postes dans la justice : On pourra créer tous les postes que l’on voudra dans la magistrature ou au sein de l’administration pénitentiaire, la solution passera avant tout par la fin du laxisme judiciaire qui suppose, à ce stade, le départ de Christiane Taubira, l’abrogation de toutes ses réformes (remise automatique de peine, contrainte pénale, suppression des peines planchers) et la mise au ban du syndicat de la magistrature qui bénéficie aujourd’hui de larges leviers de manœuvre à la chancellerie. On ne compte plus les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire, qu’il s’agisse des permissions de sortie accordées à un détenu qui ne revient jamais (un nouveau cas concernant un Français radicalisé vient d’être découvert à la prison de Clairvaux) ou des contrôles judiciairesinterrompus sans que l’on s’en inquiète vraiment (cas de Samy Amimour, le terroriste du Bataclan, originaire de Drancy). La réponse pénale doit être beaucoup plus ferme, les remises de peine exceptionnelles, le nombre de places de prison augmenté (80 000 peines de prison non exécutées à ce jour, faute de places) et les terroristes isolés entre eux et par rapport au reste de la population carcérale, afin d’éviter toute contamination idéologique.

7°/ Sanctuarisation des effectifs militaires jusqu’en 2019et création d’une garde nationale formée de réservistes: nos armées sont engagées sur plusieurs théâtres d’opération majeurs, en Centrafrique, au Sahel mais surtout maintenant en Irak et en Syrie ainsi que sur le territoire français, dans le cadre de l’opération Sentinelle. Or, elles sont rongées jusqu’à l’os. Comme le rappelait le général Vincent Desportes[7], à la veille des attentats, « les deux dernières lois de programmation militaire ont porté des coups terribles aux armées. Celle de 2008-2013, votée sous la présidence Sarkozy, a enlevé 25% des capacités opérationnelles françaises. Celle de 2014-2019, votée sous la présidence Hollande, a fait de même. Ces deux lois ont prévu une réduction de 80 000 postes dans nos effectifs entre 2008 et 2019, ce qui est le plus grand plan social subi par les administrations ».Certes, au vu des événements, François Hollande a fini par mettre fin à cette décrue mais les gouvernements de droite comme de gauche portent une très lourde responsabilité dans le désarmement militaire qu’ils ont imposé à notre pays au moment où la dégradation du climat mondial et la multiplication des foyers de tension justifiaient le retour à un niveau des dépenses militaires supérieur à 2% du PIB[8]. Quant à la création d’une garde nationale composée de réservistes, c’est une initiative que beaucoup de Français attendent et qu’il faut mettre en œuvre tout de suite.

8°/ Former une coalition unique avec la Russie et les États-Unis, et faire de DAECH l’ennemi prioritaire : C’est peut-être l’inflexion majeure du discours de François Hollande. Errare humanum est sedperseverarediabolicum ! La France aura pourtant persévéré jusque-là, en dépit de tout bon sens, dans son refus de coopérer avec le régime de Bachar el-Assad pour combattre DAECH. Elle aurait même, d’après Valeurs Actuelles[9], refusé l’offre des services secrets syriens qui proposaient à la France de lui fournir la liste des djihadistes français opérant en Syrie. Alain Juppé, qui a initié cette funeste diplomatie en 2011, reconnaît aujourd’hui son erreur[10]. François Hollande et Laurent Fabius, qui l’ont poursuivie et amplifiée à partir de 2012, notamment en livrantaux rebelles des armes tombés entre les mains du front Al-Nosra (Al-Qaïda), portent une lourde responsabilité. Iront-il jusqu’à rouvrir une ambassade à Damas afin de pouvoir bénéficier du renseignement syrien, comme le leur demande François Fillon ?

9°/ Le réarmement spirituel et moral de la France : François Hollande n’en a cure et se complaît dans un vivre-ensemble incantatoire et vide de sens, miné par un laïcisme destructeur de toute identité. Or, il est urgent de ré-enraciner notre pays dans son héritage chrétien, sans quoi nous assisterons impuissants à la dissolution de notre identité, victime des forces centrifuges du multiculturalisme et du nihilisme. Et sur cevideculturel et spirituel, prospéreront toutes les idéologies mortifères, qu’elles soient religieuses ou séculières. Évoquant le conflit entre l’Islamisme et l’Occident, le philosophe François-Xavier Bellamy[11]préfère parler d’un « choc des incultures » plutôt que d’une guerre de civilisation, dans la mesure où la barbarie islamiste ne fait que s’engouffrer dans le vide spirituel laissé par l’inculture d’un Occident qui a renoncé à transmettre ses racines chrétiennes. « Comment s’étonner, dès lors, que cette culture du rien soit aujourd’hui concurrencée par le nihilisme de DAECH ? » interroge de son côté Madeleine Bazin de Jessey, porte-parole de Sens Commun.[12]Or, ce n’est qu’en faisant aimer la France aux populations immigrées que l’on parviendra à reconstituer une génération de patriotes, qui, par-delà leur origine ou leur religion, s’enracineront dans les profondeurs de l’âme française.

10°/ Donner un noble idéal à une jeunesse désœuvrée : François Hollande avait fait de la jeunesse une des priorités de son quinquennat, je crains que ce ne soit resté que lettre morte. Car il ne s’agit pas uniquement de distribuer des crédits dans le cadre de la politique de la ville.Au-delà des moyens de vivre,la jeunesse réclame avant tout des raisons de vivre, et plus encore, des raisons de donner sa vie pour une cause qui la dépasse. Or, on a abandonné tout idéal d’excellence personnelle et de dépassement de soi, au profit du divertissement consumériste et du bien-être matériel. Quand elle ne trouve plus la sève de cet idéaldans les ressorts intérieurs d’une culture partagée, la jeunesse épanche alors sa soif d’absolu dans le nihilisme destructeur du sang versé et supprime la vie des autres au lieu de donner la sienne. Or, ce n’est que par le don de soi que l’on s’accomplit personnellement et ce n’est qu’en redonnant le sens de l’idéal à notre jeunesse que l’on pourra éveiller en elle les désirs les plus nobles.« Il faut croire à la grandeur de l’aventure humaine »,rappelait Hélie Denoix de Saint-Marc dans sa lettre à un jeune de 20 ans, et « savoir trouver à travers les difficultés et les épreuves, cette générosité, cette noblesse, cette miraculeuse et mystérieuse beauté éparse à travers le monde [et]découvrir ces étoiles, qui nous guident où nous sommes plongés au plus profond de la nuit et le tremblement sacrédes choses invisibles ».



[1]FigaroVox, 16 novembre 2015.

[2]Slate, 23 septembre 2015.

[3]Concernant le contrôle des frontières, il est urgent de doter nos moyens de sécurité des nouvelles technologies disponibles sur le marché, notamment les solutions innovantes proposées par le groupe Thales (Border Surveillance and Control).

[4] Le Figaro, 18 novembre 2015.

[5] En effet, elle étendrait la déchéance de nationalité aux Français de naissancepossédant une double-nationalité alors qu’elle n’est aujourd’hui possible que pour les naturalisés dans les dix années suivant l’acquisition de la nationalité française.

[6] Le Figaro, 18 novembre 2015.

[7] Interview à France Info, 11 novembre 2015.

[8]On était encore à 3,5% en 1988.

[9] Edition du 19 novembre 2015.

[10] Interview au Figaro, 18 novembre 2015.

[11]FigaroVox, 28 août 2014.

[12]FigaroVox, 17 novembre 2015.

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