Fournitures scolaires : les Français à nouveau confrontés au piège du gratuit<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre délégué à la Ville, Olivier Klein, souhaitent que les enfants aient accès à un "trousseau" gratuit de fournitures scolaires à la rentrée 2023.
Le ministre délégué à la Ville, Olivier Klein, souhaitent  que les enfants aient accès à un "trousseau" gratuit de fournitures scolaires à la rentrée 2023.
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Rentrée scolaire

Le ministre délégué à la Ville, Olivier Klein, souhaitent que les enfants aient accès à un "trousseau" gratuit de fournitures scolaires à la rentrée 2023.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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C’est bien ce que je craignais : l’inflation qui s’installe, loin d’enclencher une réflexion de fond sur ses causes monétaires et budgétaires, est en train de devenir chez nous le prétexte idéal pour accroître encore un peu plus l’interventionnisme de l’État, donc les dépenses publiques et la dette, déjà supérieurement élevées – et donc l’inflation ; mais ça, on préfère l’oublier, ne pas le voir ou carrément le nier.

Oh bien sûr, Emmanuel Macron n’a pas manqué de nous jouer sa partition préférée, celle du dirigeant responsable et sérieux, alertant ses ministres sur « la fin des liquidités sans coût » et les invitant à résister à la tentation des promesses démagogiques face à la crise du pouvoir d’achat qui accable les ménages. Mais à voir le gouvernement agir, c’est en réalité tout le contraire qui se passe.

« Il faut soulager le porte-monnaie des Français », s’est immédiatement exclamé le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Une injonction reçue cinq sur cinq par le ministre délégué à la politique de la ville Olivier Klein qui propose pour sa part de rendre les fournitures scolaires gratuites dès la rentrée 2023 pour les familles défavorisées :

Retrouver la vidéo à cette adresse : cliquez ICI

Avant d’être ministre, Olivier Klein était maire de Clichy-sous-Bois (depuis 2011). Et avant de se sentir soudain des affinités avec la Macronie, il fut communiste puis socialiste. Inutile de dire que son socle idéologique en économie repose essentiellement sur la méfiance à l’égard du secteur privé et la croyance dans les vertus de la redistribution des revenus.

D’ailleurs, s’il veut développer cette mesure de gratuité des fournitures à toute la France, c’est parce qu’il l’a adoptée dans sa commune et a pu constater à quel point elle s’était montrée bénéfique pour les élèves et les familles. Quoi de mieux que la « force symbolique » du trousseau scolaire, le même pour tous, déposé sur les tables le jour de la rentrée pour renforcer le « sentiment d’appartenance » et la « force de l’équité » ?

Et puis de toute façon, ça ne coûte pratiquement rien, tout au plus 30 euros par élève grâce aux achats groupés qui permettent de faire pression sur les marges de la grande distribution. Quant à la mise en œuvre concrète, rien de plus simple : le ministère de l’Éducation soutient l’opération en participant à l’élaboration des listes de fournitures et le ministère de la Politique de la Ville finance le tout. Heureux hasard, c’est justement le ministère de M. Klein !

Mais attention, ne vous avisez surtout pas de lui faire remarquer qu’il existe déjà une Allocation annuelle de rentrée scolaire de 392 à 428 euros par enfant suivant l’âge, dont tout le monde pensait jusqu’à présent qu’elle servait précisément à aider les familles modestes à faire face aux dépenses spécifiques du retour à l’école et dont les montants ont été revalorisés de 1,8 % en avril 2022 puis de 4 % dans le paquet pouvoir d’achat voté cet été. Toute personne de bonne foi qui a été parent sait parfaitement qu’une rentrée scolaire ne se limite pas à quelques cahiers et trois tubes de colle supplémentaires :

« Il faut acheter des habits, il faut acheter des chaussures… » (…) « Et de toute façon, cette allocation de rentrée scolaire, elle rentre dans des porte-monnaie déjà bien creux ! »

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Simple calcul : si des achats groupés, réalisés par exemple par des associations de parents d’élèves, permettent d’obtenir les fournitures scolaires annuelles pour 30 euros par enfant, il reste quand même de l’ordre de 370 à 400 euros pour couvrir les autres frais. Mais je n’ai pas de cœur, c’est évident.

Quant aux porte-monnaie raplaplas, il faudrait peut-être commencer par se demander pourquoi l’un des pays les plus dépensiers et les plus redistributeurs du monde est incapable d’atteindre le haut niveau de vie de pays nettement moins « généreux » en apparence. Peut-être parce qu’en prélevant des ressources toujours plus élevées sur le secteur marchand d’aujourd’hui (et de demain via la dette), il empêche ledit secteur de se développer, limitant de fait sa capacité à embaucher et accroître les salaires ?

J’ai presque honte d’avoir à le redire, mais il faut bien se mettre dans la tête que la gratuité n’existe pas. « There is no such thing as a free meal », comme disait Milton Freeman. Il n’y a pas de repas gratuit. Quelque part, à un moment ou à un autre, quelqu’un va payer. Éventuellement les riches, ou les entreprises qui font des « super-profits », si le gouvernement décide de prélever des taxes spéciales, mais plus probablement tout le monde, même les foyers modestes, via la TVA, impôt universel et première rentrée fiscale de la puissance publique.

Nul doute que la subvention envisagée par Olivier Klein sera ponctuellement la bienvenue dans les familles en difficulté économique. On vous donne, là, tout de suite, 100, 200, 500 euros, vous êtes contents et vous ne manquez pas d’idées pour les dépenser. Mais il en va de cette somme comme du poisson du fameux proverbe. Une fois le premier poisson avalé, il faut à nouveau compter sur un gentil bienfaiteur pour en obtenir un second et ainsi de suite. Plutôt apprendre à pêcher pour assurer l’avenir et devenir maître de son destin à long terme.

Or précisément, le plus grave problème des élèves des familles défavorisés tient-il vraiment à ces 30 euros de fournitures scolaires ou ne tiendrait-il pas plutôt à la dégradation constante de notre système éducatif telle qu’attestée par les grands tests internationaux ? Ne tiendrait-il pas ensuite à l’impossibilité de s’insérer dans le marché du travail faute de formation adéquate, et aussi parce que l’activité économique reste atone, percluse qu’elle est de prélèvements obligatoires en tout genre, sans compter le signal particulièrement immobilisant et délétère envoyé par l’idée que les aides et subventions pourvoiront à tout ?

Comment ne pas voir, enfin, que si le pouvoir d’achat est défini en comptabilité nationale comme la quantité de biens et de services qu’un revenu permet d’acheter, il est aussi le pouvoir de chacun d’entre nous de faire ses choix de consommation. Dans l’idée de M. Klein, les fournitures scolaires ne seraient pas seulement gratuites, elles seraient achetées par les pouvoirs publics afin que tous les élèves aient les mêmes, sobriété, inclusion, blablabla. Autrement dit, le pouvoir d’acheter passe des mains des individus dans celles de l’administration.

Si l’exemple en question vous semble anecdotique et bien innocent, il faut néanmoins comprendre que chaque fois que l’État se substitue à vous, il accroît son emprise sur votre vie ; il décide de ce qui est bien pour vous ; il détermine vos besoins. Et quand, dépité, vous recevrez un cahier de mauvaise qualité dont le papier se déchire à chaque passage de plume ou quand vous monterez dans un bus sale et déglingué – car c’est ainsi que cela se passe quand tout est « gratuit », on en a une preuve éclatante par l’hôpital et les services d’urgence – il aura beau jeu de vous répondre : non mais oh, c’est gratuit et vous voudriez un service VIP ?

Illusion économique, la « gratuité » obligeamment distribuée par nos édiles, non sans arrière-pensées clientélistes, bien évidemment, et toujours sous couvert d’une générosité et d’une solidarité toutes relatives, est donc aussi une façon d’envisager l’existence.

Alors posons-nous la question : souhaitons-nous vraiment laisser les politiciens se comporter comme s’ils étaient nos parents et nous d’éternels enfants incapables de développer autonomie et projets personnels ? Demandons-leur plutôt de nous laisser vivre au lieu de s’ingénier à réparer des problèmes avec les gadgets politiciens qui ont créé ces problèmes au départ.

Cet article a été publié initialement sur le site de Nathalie MP : cliquez ICI

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