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FN : Florian Philippot, victime collatérale de l’affaiblissement de François Fillon
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Sortira, sortira pas ?

Loin d'être en odeur de sainteté dans son propre parti, le vice-président du FN, Florian Philippot pourrait subir le contrecoup d'un effondrement du candidat républicain François Fillon.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Marie Labat

Marie Labat

Marie Labat est journaliste à LCP et coauteure avec Astrid de Villaines de "Philippot 1er" à paraître le 16 mars aux éditions Plon

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Atlantico : Vous avez récemment publié Philippot 1er aux éditions Plon. Dans quelle situation Florian Philippot se retrouve-t-il aujourd'hui, après avoir oeuvré à la dédiabolisation du Front national ? Et en quoi un possible effondrement de l'électorat de François Fillon le met-il en difficulté en termes d'influence au sein du parti ?

Marie Labat : Effectivement depuis plusieurs semaines, Marine Le Pen tient une ligne plus marquée sur les thèmes identitaires que précédemment, que ce soit dans ses discours, ses meetings et ses déplacements. Le mot "identité" même est beaucoup plus présent aujourd'hui que ne peuvent l'être ses déclarations sur une sortie de l'euro, qui reste le sujet fétiche du vice-président du Front national. La ligne droitière de Marion Maréchal Le Pen semble indéniablement mise en avant à ce moment de la campagne. Depuis quelques semaines, avec les affaires judiciaires qui affaiblissent le candidat républicain, Marine Le Pen a donc pu être tentée de servir d'option à l'électorat et aux militants déçus de François Fillon. 

Mais il faut rappeler que cette influence décroissante ne date pas d'aujourd'hui. Le séminaire d'Etiolles début 2016, avait déjà permis de mettre en exergue le fait que les cadres du parti se positionnaient principalement en faveur de la ligne de la nièce de Marine Le Pen. Cela n'empêche pas que tout le monde ne soit pas pour une sortie de l'euro par exemple, seulement ils ne veulent plus que ce totem frontiste soit l'alpha et l'oméga du programme présidentiel de Marine Le Pen. D'ailleurs, il suffit de jeter un œil aux 144 propositions qu'elle a élaboré pour s'en convaincre. La dominance n'est plus à une sortie de l'euro. Cela a joué aussi dans la nomination du directeur de campagne de Marine Le Pen : si Florian Philippot occupait cette position en 2012, il n'a notamment pas été jugé suffisamment rassembleur pour 2017 et c'est donc David Rachline qui l'a remplacé.

La plupart des cadres avec qui j'ai pu discuter me disent que les relations qu'ils entretiennent avec lui sont "professionnelles". Ils voient qu'il a réussi à professionnaliser le mouvement, à mettre en place une vraie stratégie de communication. C'est l'un des artisans de la dédiabolisation. Il est également décrit comme étant très pointilleux sur ce qu'il dit. "Réservé", parfois "froid", "ne mâchant pas ses mots" : ce qui lui importe, c'est d'avoir l'oreille de Marine Le Pen.

Nous développons dans le livre l'idée que si Marine Le Pen ne fait pas un très bon score au second tour - celui du premier tour étant déjà quasiment joué - il est possible qu'il serve de fusible. Ce sera l'occasion pour ses contradicteurs de lui formuler des reproches. De la même manière que Jean-Marie Le Pen avait servi de fusible en 2015 pour la dédiabolisation, Florian Philippot peut potentiellement jouer le même rôle. L'AFP rapporte d'ailleurs qu'il n'a pas pour objectif de rester très longtemps au Front national...

Quant à Marion Maréchal Le Pen, il est clair que depuis le congrès de Lyon et le séminaire d'Etiolles elle espère et oeuvre pour une grande union des droites, à un rapprochement avec des personnalités comme Philippe de Villiers par exemple. Toutes les conclusions seront tirées par Marine Le Pen au moment du congrès prévu en fin d'année 2017. 

Jérôme Fourquet : On se place ici dans l'hypothèse où François Fillon décrocherait encore davantage. Le calcul qui semble être celui de la direction du Front National serait d'amplifier le discours que vous indiquez. Dès lors il y aurait un électorat orphelin à capter. Il me semble que Marine Le Pen et son entourage sent particulièrement les choses. L'histoire récente nous le montre et ce cas en est l'exemple avéré : la tonalité de la campagne autour d'un certain nombre de fondamentaux peut changer au gré des événements. La position qui semble se détourner quelque peu de la "ligne" Philippot vaut pour aujourd'hui mais il est tout à fait possible qu'elle ne vaille pas dans quelques moins ou dans un an. Ce n'est donc pas à mon avis l'enterrement de première classe de la ligne Philippot. Marine Le Pen a tout intérêt a garder au sein du Front National différentes personnalités afin d'être capable d'appuyer à sa guise sur les différentes touches du piano idéologique pour produire l'offre électorale adéquate et la plus adaptée à l'état du pays un instant donné. Il y a quelques mois, c'était Philippot qui tenait le haut du pavé. C'est moins le cas aujourd'hui parce que François Fillon est affaibli et que le Front National voit l'opportunité qui s'offre à lui de glaner des voix chez son adversaire de droite, ce qui est sans doute vrai, mais ce qui ne le sera pas nécessairement toujours dans les mois à venir.

Florian Philippot bénéficiera toujours du fait qu'il faut différentes sensibilités au sein du Front, mais aussi de l'évolution de la forme des adversaires du Front National. Tout va dépendre aussi du score de Marine Le Pen à la présidentielle. Si elle gagne, il sera malgré tout un artisan de la victoire. Si elle perd, et ce bien en deçà des attentes, il faudra que quelqu'un porte le chapeau. Cela dépendra de l'importance qu'a pris sa ligne dans la campagne. Si ce n'est pas la sienne systématiquement comme c'est le cas dans cette campagne, il sera un élément important pour la suite.

On observe que le Front National sait s'adapter au climat politique ambiant : si on regarde son passé, il faut se souvenir de mai 2015, à quelques mois des élections régionales, quand le Front National envisageait de faire campagne sur la "France des oubliés" ou sacrifiés par la réforme territoriale. Mais pendant l'été éclatait la crise migratoire avec un FN qui revient à ses fondamentaux et la dénonciation d'une déferlante migratoire.

Si l'on fait au contraire un peu de prospective, et qu'on imagine une victoire d'Emmanuel Macron après un second tour face à Marine Le Pen. On peut imaginer que les premiers mois seraient animés par un train important de réformes libérales. On peut penser que la ligne de Marion Maréchal Le Pen ne serait plus la plus adaptée et qu'on observerait un retour à la ligne Philippot.

Marine Le Pen a donc tout intérêt de conserver ces deux options pour pouvoir utiliser l'un ou l'autre au gré des circonstances.

Les Français perçoivent-ils la composante "sociale" de la ligne Philippot au sein du  programme et de la communication du FN ?

Jérôme Fourquet : Ce n'est évident que cela soit quelque chose de bien identifié. Cela reste des indicateurs de spécialistes. Ce sont des questions de tonalités, de ce que l'on veut mettre en tête de discours, sur quoi on met le plus l'accent... parce que les fondamentaux sont toujours là.

La tonalité Philippot n'est pas particulièrement perçue par l'opinion, comme le montre un sondage que nous avions publié dans le Figaro et qui concernait uniquement les sympathisants FN, afin de savoir s'ils étaient plus sur la ligne Marion Maréchal-Le Pen ou Florian Philippot. Nous avions constaté qu'il y avait une proportion non négligeable d'électeurs frontistes qui sentait autant sur une ligne que sur l'autre. La différence n'était donc pas totalement identifiée, y compris dans le cœur de cible.

Le parrainage des "petits candidats" (Guaino et Poutou) demandé par Marine Le Pen et Louis Aliot à leurs élus répond à quelle stratégie de la part du Front National ?

Jérôme Fourquet : Pour Guaino, il s'agit peut-être de mettre dans l'embarras quelqu'un qui peut donner du fil à retordre au Front National. Pour Poutou, je ne sais pas. Ce qu'on peut se dire, c'est que Front National, maintenant qu'il est assuré d'avoir les parrainages pour Marine Le Pen peut se montrer magnanime. Ayant été ostracisé par le système pendant des années – on se souvient de la difficulté qu'éprouvait Jean-Marie Le Pen à obtenir ses parrainages – le FN peut montrer qu'il ne joue pas le même jeu que ces adversaires et qu'ils sont démocrates jusqu'au bout à tel point qu'ils donnent leurs propres parrainages à leurs adversaires politiques (des petits en l'occurrence). C'est se donner un brevet de respectabilité démocratique à moindre frais.

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