Florange, nous voilà : la France se porterait-elle vraiment plus mal économiquement si le gouvernement ne faisait rien ? La réponse en chiffres <!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande à Florange ce lundi 24 novembre.
François Hollande à Florange ce lundi 24 novembre.
©Reuters

Interventionnite aiguë

Conformément à son engagement, François Hollande retourne à Florange ce lundi 24 novembre. En 2012 il s'était engagé à tout faire pour sauver les hauts fourneaux et les emplois, sans succès. "L'Etat ne peut pas tout", et il aggrave parfois les choses.

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Michel Mouillart

Michel Mouillart

Michel Mouillart est professeur d'économie à l'Université Paris X, spécialiste de l'immobilier et du logement.

Il est le co-auteur de La modernité des HLM : Quatre-vingt-dix ans de construction et d'innovations (La Découverte, 2003).

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Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Bœuf est administrateur général. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre : les très riches heures des territoires (2019), aux éditions Population et avenir. Il est actuellement directeur général des services du conseil départemental de la Drôme (26)

 

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Atlantico a passé en revue les interventions de l'Etat dans les différents secteurs de l'économie nationale. Certaines d'entre elles ont véritablement "cassé" une partie de la machine de production française.

  • Entre 2013 et 2014 l’emploi industriel a encore baissé de 39 000 personnes. Les actions du gouvernement vis-à-vis de Florange, SFR ou encore Alstom ont été maladroites, si ce n'est contreproductives.
  • Sous l'effet des annonces du gouvernement, en 2012, 75 000 mises en chantier de logements ont été perdues.
  • En participant à l’effort nécessaire de redressement économique, les collectivités locales ne peuvent continuer à intervenir dans les territoires, notamment à travers les commandes publiques et les investissements de proximité.
  • La hausse des prélèvements de 2 à 3 points de PIB a amputé la croissance d'au moins 1,5 point.

L'industrie, par Jean-Pierre Corniou :

Ce qui avait été promis en début de mandat

La campagne électorale de François Hollande s’est traduite par une liste de 60 promesses, et de nombreux engagements en dehors de ce cadre, dont plusieurs concernent directement l’industrie à travers divers leviers : orienter l’épargne vers les industries par un livret épargne industrie, obliger les industriels à céder leurs sites rentables plutôt que de les fermer, relancer une politique industrielle de défense ambitieuse. Ces différents objectifs traduisent le diagnostic fait par l’équipe du candidat sur le décrochage industriel de la France, alors largement sous-estimé au printemps 2012. L’intensité de la crise industrielle et l’ampleur du chômage a conduit le gouvernement, à travers son ministre en charge de l’industrie, Arnaud Montebourg, à multiplier les interventions dans ce domaine.

Ce qui a été fait

La création d’un "grand ministère de l’industrie et de la production" était un engagement de campagne. Le Ministère du redressement productif, au titre martial,  a concrétisé cet engagement. Arnaud Montebourg, son titulaire de  mai 2012 à août 2014, n’a pas mesuré son énergie pour intervenir de façon souvent abrupte sur tous les dossiers. 

Le discours de Florange du 24 février 2012 s’est concrétisé par la loi visant à "redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel", adoptée par le Parlement en février 2014. Mais la disposition principale de la loi a été jugée anticonstitutionnelle par le Conseil constitutionnel en mars 2014 et promulguée sans son dispositif essentiel, la pénalité en cas de non-recherche d’un repreneur. Le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, adopté en juillet 2014, reprend cette disposition en renonçant toutefois à la pénalité financière, en dehors du remboursement des aides publiques, mais impose la recherche d’un repreneur pour faire homologuer un plan de sauvegarde de l’emploi pour les entreprises d’au moins 1000 salariés.

Enfin le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, a lancé un vaste projet de loi pour débloquer l’économie française en libérant l’économie et l’égalité des chances. Il devrait être présenté au Parlement en 2015.

Mais ce sont les mesures générales destinées à agir sur les entreprises pour relancer l’investissement et l’emploi qui ont été les plus ambitieuses. Outre la volonté de développer les industries du futur,  avec les 34 plans industriels d’avenir, le gouvernement a lancé un vaste plan d’aide aux entreprises, le Pacte de responsabilité, annoncé en décembre 2013, destiné à alléger les charges de 41 milliards d'euros.

Les conséquences économiques pour l'ensemble du secteur industriel

Pour maintenir le taux de chômage à un niveau stable, la France doit créer 120 000 emplois par an avec un stock de chômeurs de cinq millions de personnes. Or sur douze mois, entre le troisième trimestre 2013 et le troisième trimestre 2014 l’emploi global est resté étal. L’emploi industriel a encore baissé de 39 000 personnes sur cette période. La croissance est trop faible pour soutenir l’emploi. Car si le PIB a crû de 0,3% en 2013 comme en 2012, contre 2,1% en 2011, la production industrielle recule de nouveau en 2013 mais moins fortement (-0,5 %)  après -1,5 % en 2012. Et l’indicateur de confiance des ménages a atteint son niveau le plus bas en juin 2013. Or c’est précisément la confiance des ménages qui peut induire une relance de la consommation et donc de l’investissement. Les résultats macro-économiques sont donc médiocres, l’Etat, comme acteur économique, étant aussi un facteur de baisse de la demande pour remplir ses objectifs de baisse des déficits publics.

Le gouvernement s’est par ailleurs invité depuis 2012 dans de nombreux dossiers industriels dont quelques entreprises majeures, Arcelor Mittal, PSA, Alstom, pour faire modifier par les dirigeants leur plan initial d’adaptation. Dans le cas de PSA, le plan proposé en 2012 par le constructeur a été jugé inacceptable par le président de la République qui estimait qu’il devait être renégocié. La direction en échange d’une garantie de financement pour sa filiale de financement a accepté de modifier son plan en s’engageant à n e pas procéder à des licenciements secs. Ce plan a été approuvé par le CCE en avril 2013. Ultérieurement, le projet industriel avec Dong Feng s’est traduit par une prise de participation de l’Etat dont l’impact réel reste à démontrer.  Le choix du partenaire industriel d’Alstom par ses dirigeants, General Electric, a finalement été confirmé après de nombreux rebondissements pour imposer une autre solution. GE a dû négocier le rachat des actifs énergétiques en proposant des aménagements techniques mais il est aujourd’hui clairement le seul décideur. Le décret pris à la suite de ce dossier sur le contrôle des investissements stratégiques étrangers en France a été vivement critiqué

Dans de nombreux cas, l’intervention du gouvernement a été maladroite. Privilégier Bouygues comme partenaire pour SFR plutôt que Numéricable, choisi par le propriétaire de SFR, Vivendi, s’est révélé imprudent et contre-productif. Aujourd’hui, on parle même d’un rachat de Bouygues télécom par le propriétaire de SFR, Patrick Drahi.

Rien ne permet de dire que l’Etat est mieux placé pour opérer les choix industriels que les industriels eux-mêmes. In fine, les haut-fourneaux de Florange ont été fermés car la logique technique et économique le justifiait, GE est aux commandes, PSA continue à se battre pour sécuriser sa position en Europe et avancer en Chine. La réalité économique s’impose.

Comprendre scientifiquement l’impact réel de l’action publique en matière économique, et singulièrement dans le domaine industriel, implique une démarche de recherche rigoureuse, faisant appel à des modèles macroéconomiques et à un suivi statistique. De plus ce type de démarche analytique, qui s’inscrit dans un contexte économique international ouvert, multifactoriel, conduit généralement à beaucoup de prudence dans l’interprétation des faits, entre l’action initiale et ses résultats dans le temps.

Les causes d’échec d’une stratégie sont multiples. Le pouvoir prend des mesures par rapport à son diagnostic  de la situation, qui peut être inapproprié. La mécanique législative qui permet de concrétiser ces mesures est lente. Plus encore l’impact mesurable des décisions, mises en œuvre par l’administration et effectivement connues des chefs d’entreprise, est difficile à évaluer. Car est-ce la mesure gouvernementale qui a provoqué leur inflexion de comportement ? Quel est l’effet réel à moyen terme ? C’est particulièrement sensible en matière fiscale et en matière d’emploi. L’analyse précise de l’impact du CICE (Crédit d’impôt compétitivité emploi), lent à démarrer mais qui semble après 14 mois porter ses fruits avec 11 milliards € d’allégements d’impôts, sera riche d’enseignements. 

Or l’action politique exige des actions, fortes, médiatiques, pour rassurer l’opinion, satisfaire les électeurs et infléchir  le cours spontané de l’économie avec des résultats visibles. Si sur le plan macro-économique la lecture des résultats est complexe, c’est encore plus vrai sur le plan micro-économique où l’action directe publique  est limitée par le pouvoir de gestion des propriétaires des entreprises. La loi Florange a ainsi été jugée par le Conseil constitutionnel "contraire à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété". En dépit de la volonté politique, il faut se rendre à l’évidence : piloter un pays comme la France sur le plan économique est délicat et ne peut apporter les résultats spectaculaires propres à satisfaire l’opinion à court terme. Mais c’est parce que les faits sont têtus que les gouvernements ne se lassent pas de vouloir imprimer leur marque par forces déclarations qui faute de moyens techniques appropriés occupent un instant l’espace médiatique. Faute de capacité réelle d’action, on se contente d’un marketing narratif alimenté par les communicants.

Bilan de l'interventionnisme étatique

Le rapport annuel de l’Insee 2014, publié en novembre, donne des chiffres sans appel. Le chômage de longue durée a augmenté en France depuis 2012. Il concerne 1,1 million de personnes, quatre chômeurs sur dix et touche toutes les populations structurellement défavorisées. 4,5 millions de personnes sont concernées par les minima sociaux. Entre 2008 et 2012, la croissance des bénéficiaires du RSA a été de 26%. Si cette situation structurelle ne peut être imputée au quinquennat actuel, elle ne montre aucun signal d’amélioration. S’il est un point sur lequel il devrait y avoir un consensus transpartisan, c’est que la situation de l’emploi et donc la situation économique de la population ne cesse de se dégrader.

Néanmoins, tout gouvernement français se sent obligé d’intervenir dans le domaine industriel. C’est une constante dans un pays colbertiste où l’Etat, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, se pense légitime à agir pour infléchir la logique des industriels. Le "meccano industriel" est une activité pratiquée par tous les gouvernements, pour constituer des ensembles industriels conformes à leurs vœux. Cette activité, tant de l’Etat actionnaire que de l’Etat stratège, a des conséquences de long terme. Le dépeçage de la Compagnie générale d’électricité, le Siemens français, en 1998 s’est traduit par une constante perte d’influence mondiale dans ce secteur porteur comme en témoignent les difficultés d’Alcatel et d’Alstom. Nul ne peut dire ce qu’il en sera d’Alstom et de PSA à moyen terme. Les problèmes complexes d’Areva, qui appartient à 83% à l’Etat, démontrent aussi que l’Etat actionnaire est, comme les autres, confronté à des difficultés de gestion.

Cette action publique ne se limite pas aux secteurs stratégiques comme l’énergie, les transports, les infrastructures, les industries d’armement. Elle est large et concerne de multiples secteurs et entreprises. En période de chômage, elle confine à l’activisme car toute annonce de fermeture d’usine ou d’acquisition est perçue comme une mauvaise nouvelle pour l’emploi et implique donc une intervention publique, même si les moyens d’actions sont limités. Historiquement l’Etat a développé à travers ses corps d’ingénieurs, ses entreprises nationalisées et son administration territoriale une expertise qui lui permet de penser qu’il agit, lui mieux que l’entreprise privée, dans le sens de l’intérêt général. Son intervention dans l’activité industrielle est donc non seulement légitime, elle serait indispensable. Ce parti pris est persistant et ne se limite pas aux partis de gauche.

Toutefois le mandat d’Arnaud Montebourg restera à cet égard emblématique. Omniprésent, péremptoire, il a illustré cette forme de "modèle français" activiste et largement impuissant à l’épreuve des faits.

Le logement, par Michel Mouillart :

Le niveau d’offre du logement prévu au début du mandat du gouvernement

Pour comprendre ce qui était prévu et ce qui a été fait, il faut se souvenir que dès 2010 l'effondrement des  marchés immobiliers, dont la construction, consécutif à la grande dépression a été maîtrisé : le niveau de la construction a remonté, puisque 2011 a vu plus de 420 000 mises en chantier. C'est dans ce contexte que les candidats à la présidence de la République ont pour la plupart porté le projet de construction de 500 000 logements. Il se trouve qu'entre le projet et la réalité, les interventions des pouvoirs publics contrarient la réalisation du projet.

Les mesures prises par le gouvernement

Dès l'été 2011, la crise des dettes souveraines produit un nouveau choc sur le secteur  de la construction. Dans ce contexte on aurait pu penser que les pouvoir publics, à nouveau, viendraient enrayer les conséquences de cette nouvelle crise. En réalité ils ont fait le contraire. Dès le premier janvier 2012 les dispositifs de soutien à l'investissement locatif ont été mis en arrêt, le prêt à taux zéro a commencé à être dénaturé, et à partir de mai 2012 les annonces répétées des pouvoirs publics en direction des investisseurs ont convaincu ces derniers que le temps n'était plus à l'investissement locatif. Conséquence : la construction s'est effondrée en 2012, 75 000 mises en chantier ont été perdues.

C'était la première fois depuis plus de 30 ans que l'action des pouvoir publiques était pro cyclique, c’est-à-dire qu'elle venait renforcer la phase de cycle. A compter du 1er janvier 2013 les dispositifs de soutien à l'investissement locatif ont encore été dégradés, comme le prêt à taux zéro, et en plus de cela la menace d'un dispositif d'encadrement des loyers a commencé à se préciser. Par conséquent la construction a continué de reculer, au point qu'au milieu de l'année 2014 c'étaient 300 000 logements qui étaient mis en chantier. 120 000 logements par an avaient donc été perdus entre 2011 et 2014. C'est l'illustration parfaite des conséquences négatives qu'une action publique peut avoir.

Dans le même temps les conditions de crédits se sont améliorées d'une façon jamais constatée par le passé. Précisément, on aurait dû assister à un rebond de l'activité des marchés. Si seulement ce rebond n'avait pas été contrarié par l'Etat...

Les conséquences pour le secteur du logement

La crise quantitative du logement a été durcie. Le dérèglement des mécanismes de formation des loyers s'est aggravé, car en situation de pénurie aucun marché ne peut fonctionner dans des conditions socialement satisfaisantes. L'action des pouvoirs publics a entraîné une aggravation des difficultés d'accès au logement pour les plus modestes, mais aussi la destruction d'appareils de construction : des entreprises ont fermé, et celles qui ont résisté l'on fait au prix de licenciements.

En aucun point la situation du secteur du logement n'aurait été aggravée si le gouvernement s'était abstenu de mener ces actions publiques. Nous aurions économisé les trois quarts de la chute d'activité que nous venons de décrire. Il est permis de penser qu'avec une évaluation préalable, cela n'aurait pas eu lieu. Et lorsqu'il y en a une qui est faite, c'est toujours un peu tardivement. Quand les pouvoirs publics veulent infléchir la situation, le coût du réinvestissement public devient exorbitant, car remettre sur les rails une machine qui a été en partie cassée, c'est infernal. Cela risque de décourager encore plus les actions positives des pouvoirs publics. Il faudra du temps pour reformer des salariés à des niveaux de compétences qui ne consistent plus à aligner des briques sur un mur.

Le développement économique à l'échelle locale, par Jean-Luc Boeuf

L'axe du discours de Dijon : ce qui était promis pendant l'élection et en début de mandat

Pour parler des interventions économiques dans les territoires sous le quinquennat présidentiel en cours, il convient de revenir au "discours de Dijon", prononcé par le candidat François Hollande en mars 2012, et d’en extraire les passages les plus significatifs, notamment dans les actions à entreprendre pour relancer les investissements : "au moment où il faut redresser la France, où il faut chercher des gisements pour l’investissement, pour la formation, pour l’innovation, c’est sur les territoires que nous les trouverons. J’ai une […] conviction, c’est que la décentralisation permettra la réforme de l’Etat. Elle sera un facteur de clarté, de responsabilité. Elle écartera les superpositions, les enchevêtrements, les confusions. Elle sera même une source d’efficacité de la dépense publique, car il y aura forcément, partout, des économies à faire pour mieux servir les Français sans qu’il soit besoin de rehausser les prélèvements."

Le candidat souhaite donner aussi "une plus grande lisibilité à notre organisation territoriale. Aux régions le développement économique, l’aménagement du territoire, les transports publics, la formation, bref la préparation de l’avenir. Elles doivent être parties prenantes des politiques de l’emploi, pleinement associées à la gestion de la Banque publique d’investissement que nous allons créer et aux outils de financement pour les PME, pour l’innovation, pour l’économie sociale et solidaire. Des compétences leur seront reconnues en matière d’investissement dans l’enseignement supérieur et dans la recherche. Elles doivent aussi pouvoir disposer d’un pouvoir réglementaire leur permettant d’adapter la loi nationale aux réalités du territoire. Il reviendra au Parlement d’en décider à l’occasion de chaque loi. Et enfin, la gestion des fonds structurels européens devra être décidée par les régions, et non pas par l’Etat. Ce sont les régions qui doivent savoir ce qui est fait et ce qui doit être réparti sur le territoire.» Le message est  donc clair. Il faut que les régions disposent de nouvelles compétences dans le domaine de l’économie et puissent disposer de l’arme réglementaire. Pour ce faire, le candidat, une fois élu, fera « voter une loi sur les territoires de la République, responsabilité et confiance, qui sera présentée au Parlement avant la fin de cette année. Ce sera une des grandes réformes structurelles qui marqueront le début du quinquennat".

Concrètement, qu’est ce qui a été fait ?

En direction des territoires, le début de mandat a été consacré à la suppression du conseiller territorial et à la mise en place de la banque publique d’investissement (BPI). C’est sur cette dernière que reposaient les plus grands espoirs du Président de la République. Mais concrètement, l’Etat central n’a pas souhaité que les régions prennent véritablement le leadership de cette institution dans les territoires. Rappelons qu’elle regroupe OSEO, CDC Entreprises, le FSI (fonds stratégique d’investissement) et FSI Régions. Elle est en particulier chargée de soutenir les petites et moyennes entreprises, les entreprises de taille intermédiaire et les entreprises innovantes en appui des politiques publiques de l'État et des régions.

Soyons cependant conscients que, historiquement, l'Etat central a toujours eu du mal à composer avec le local, qu'il s'agisse des provinces et des communes libres sous l'Ancien Régime, des affrontements entre le régime impérial des années 1850 et des Républicains opposants ou, plus près de nous, par les maires s’opposant au pouvoir gaulliste dont Gaston Defferre fut l'une des figures emblématiques. Il s'agit de constater cette alchimie difficile entre le local et le central, d'ailleurs toujours vaguement condescendant à l'égard de la "province", quel que soit d’ailleurs le pouvoir en place.

Il ne faut cependant pas oublier que la possibilité d’agir est contrainte par le mur budgétaire, actuellement composé des trois éléments suivants : la rémunération des agents publics de l'Etat, qu'ils soient en activité ou en retraite, avec plus de 80 milliards d'euros ; les concours de l'Etat aux collectivités territoriales et en fonction de la comptabilisation retenue, on avoisine les 100 milliards d'euros ; enfin la charge de la dette dont les intérêts représentent plus de 40 milliards d'euros. Cumulés, ces trois éléments représentent plus de 220 milliards d'euros par an, pour un peu plus de 300 milliards d'euros de recettes.

Quelles conséquences économiques pour le local ?

Cessons de nous abriter derrière un vocabulaire aseptisé où il serait question d’une "proximité de la reprise", du "bout du tunnel". L’économie française est, au mieux, en stagnation depuis plusieurs années. Ce mot caractérise la situation budgétaire de notre pays. Combiné avec les taux d’intérêt et l’endettement, ces trois mots forment en quelque sorte le triangle maudit. Ils aboutissent à une nouvelle augmentation des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques. Premièrement, l'on assiste à une véritable stagnation de l'économie française accompagnée d'une nouvelle augmentation des dépenses publiques. Les conséquences économiques pour le local sont la résolution d’une équation qui va être très difficile les prochaines années : comment, en participant à l’effort nécessaire de redressement économique, pouvoir continuer à intervenir dans les territoires, notamment à travers les commandes publiques et les investissements de proximité ?

Le multiplicateur keynésien ne joue presque plus, notamment dans des économies ouvertes aux échanges où les importations peuvent absorber les dépenses supplémentaires injectées. Il est ce mécanisme qui consiste à injecter de l’argent public pour faire redémarrer la machine économique. Il a fonctionné à plein à deux moments : à la fin des années 1930 pour résorber la Grande Dépression puis durant les Trente Glorieuses. Son effet était basé sur le fait que l’argent public investi était largement supérieur à son coût. Dès lors, devait s’engager un cercle vertueux puisque l’augmentation des dépenses publiques permet de relancer une économie en dépression puis d’accompagner une économie en croissance.

Ce qui pourrait et devrait être fait...

L’économie française possède les caractères et présente les dysfonctionnements d’une économie d’endettement. Même si les évolutions récentes ont profondément modifié cet état de fait, les réformes mises en place ne sont ni achevées ni sans risque. Ni achevées au regard de l’explosion de la dette publique, laquelle a dépassé désormais les 100% du PIB, et non sans risque au regard du rôle contracyclique joué par certaines institutions, dont les collectivités locales au premier rang ; lesquelles assurent jusqu’ici les trois-quarts des investissements publics civils chaque année. Pour redresser la situation de la France, il faut engager une vraie baisse des dépenses publiques, préalable à une baisse de la fiscalité, qui permettra enfin un retour à la croissance et l’emploi. Cette baisse des dépenses publiques, en fonctionnement, doit s’accompagner, dans le domaine des investissements, il appartient à l’Etat de rendre possible pour les entreprises un recours plus efficace qu’aujourd’hui aux mécanismes financiers et bancaires ; et ce dans l’ensemble de leurs composantes. Les circuits sont trop longs. La frilosité du secteur bancaire est constatée par l’ensemble des acteurs locaux.

L'interventionnisme étatique ou l'absence de choc économique, par Philippe Crevel :

Première partie du mandat : l'augmentation des impôts pour tous, ou l'austérité généralisée

Le Président François Hollande s’est fait élire sur le thème de la réforme fiscale et sur celui de la taxation des hauts revenus. Si le premier thème fut vite oubliée, une fois l’Elysée conquis, le deuxième donna lieu à une série de mesures en 2012 et en 2013 avec à la clef une augmentation portant sur une trentaine de milliards d’euros. François Hollande voulait alourdir la pression fiscale des plus  riches afin de compenser les supposés allégements accordés par son prédécesseur. Les tergiversations sur la taxe à 75 %, la révolte des pigeons et celle des bonnets rouges traduisent bien les limites de cette politique. Elle a abouti à l’expatriation de nombreux Français et à l’augmentation de la pression fiscale sur les classes moyennes. Au niveau des entreprises, elle entraîna l’affaissement du taux de marge. De manière non affichée, le Président souhaitait créer un choc fiscal en début de mandat afin de rééquilibrer les comptes publics et pour pouvoir durant la seconde partie relâcher la bride. Il escomptait, en outre, que le retour de la croissance au niveau européen réduirait l’impact récessif des augmentations d’impôt. Le beau plan s’est enrayé dès le départ. La succession de mesures fiscales a généré un climat de défiance. Elle a eu un effet destructeur plus fort que prévu. Toute augmentation d’impôt réduit la croissance ce qui réduit d’autant son rendement. Or, depuis plusieurs années, l’effet destructeur s’accroit. Les ménages, les entreprises tentent de réduire leur exposition fiscale. Les rentrées de TVA ou d’impôt sur le revenu ont été inférieures aux prévisions nonobstant la baisse de la croissance. La crise des dettes souveraines, l’absence de gains de productivité, le recul de l’investissement des entreprises et des ménages ont amplifié les effets récessifs des augmentations d’impôt. Initialement, le Président de la République récusait le mot d’austérité. Il s’est imposé compte tenu de l’incapacité de la France à réduire son déficit public qui est désormais à 4,3 % du PIB, le plus important de la zone euro. La thérapie fiscale a échoué au point que le gouvernement de Manuel Valls est contraint s’opérer un tête-à-queue. Le pacte de compétitivité et les baisses d’impôt sur le revenu visent à corriger les excès des années 2010 à 2012 à la nuance près que le déficit public a tendance à ré-augmenter. 

Quelles conséquences sur l'économie ?

La hausse des prélèvements de 2 à 3 points de PIB a, certainement, amputé la croissance de 1,5 point. Dans le passé, l’effet aurait été inférieur à un point. Mais, compte tenu du niveau des prélèvements, le PIB est sensible à toute nouvelle hausse. Le Japon qui a un niveau de prélèvements obligatoires inférieur au nôtre mesure l’impact d’une hausse de la TVA sur l’activité. Le pays est entré en récession depuis le mois d’avril, mois durant lequel la TVA est passé de 5 à 8 points. Le PIB est en recul en  rythme annualisé, de 1,6 % entre juillet et septembre. Le recul avait même été de 7,3 % entre avril et juin en rythme annualisé. L’exemple japonais devrait faire réfléchir les tenants de la TVA sociale.

Pour revenir à la France, plusieurs mesures ont occasionné des dommages économiques importants et largement sous-estimés. La suppression des exonérations fiscales des heures supplémentaires a entraîné leur disparition. Cette mesure n’a pas amélioré les rentrées fiscales mais a réduit l’activité et donc la création de richesses. Moins de revenus, c’est également moins de dépenses de consommation et aussi moins de TVA. La fin du dispositif "heures supplémentaires" a eu de fortes répercussions. Le Gouvernement espérait récupérer 5 milliards d’euros avec la fin de la défiscalisation. In fine, le gain fiscal serait inférieur à 3 milliards d’euros. En termes d’emploi, il est difficile de faire le partage entre les effets du ralentissement économique et ceux de la politique économique du Gouvernement. Néanmoins, nous obtenons, en la matière, de piètres résultats par rapport à ceux de nos voisins qui évoluent dans le même contexte conjoncturel que nous. Le taux de chômage est de 5 % en Allemagne, de 8,5 % en Belgique et de 6,7 % aux Pays-Bas. Il est également de 6,4 % au Royaume-Uni. Prime est donnée aux Etats qui ont privilégié l’offre aux chocs fiscaux.

Pacte de responsabilité et CICE : une politique de l'offre... ou presque

Le Crédit d’impôt pour la Compétitivité des Entreprises est une usine à gaz. Nous sommes loin de la politique de l’offre mise en œuvre, avec succès, par David Cameron, au Royaume-Uni qui, cette année, devrait enregistrer une croissance supérieure à 3%. Les autorités françaises n’ont pas confiance dans les entreprises et pensent que ces dernières doivent obéir aux volontés publiques. Les entreprises sont pour tout pouvoir comme des démembrements de l’administration en charge de la production.

Le Gouvernement, à travers le CICE entend flécher le comportement des entreprises. Le CICE doit servir à améliorer la compétitivité des entreprises à travers notamment des efforts à réaliser dans un ou plusieurs des domaines suivant : investissement, recherche, innovation, formation, recrutement, prospection de nouveaux marchés de transition écologique et énergétique, reconstitution des fonds de roulement. Pour bénéficier du CICE, l’entreprise doit en faire la demande et doit retracer dans ses comptes annuels son utilisation conformément à ces objectifs. L’entreprise bénéficiaire du CICE ne peut ni financer une hausse de la part des bénéfices distribués, ni augmenter les rémunérations de ses dirigeants. Le CICE est un crédit d’impôt calculé sur l’ensemble des rémunérations versées aux salariés au cours d’une année civile qui n’excèdent pas 2,5 fois le SMIC. Le taux du crédit d’impôt est de 6 % depuis le 1er janvier 2014. En année pleine, le CICE doit alléger les charges des entreprises de 20 milliards d’euros. Du fait de sa complexité, la montée en puissance est plus faible que prévue. En 2014, le gain pour les entreprises ne devrait pas dépasser 12 milliards d’euros. Le Gouvernement a dû prendre conscience du caractère kafkaïen du CICE car ce dernier devrait être transformé en allègement de charges sociales en 2017

Dans le cadre du pacte de responsabilité, à partir du 1er janvier 2015, les employeurs d’un salarié au Smic n’acquitteront plus aucune cotisation sociale. Pour les salaires allant jusqu’à 3 fois et demi le Smic, les cotisations familiales seront abaissées de 5,25% à 3,45% (soit 1,8 point en moins) à partir de 2016.

Par ailleurs, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) assise sur le chiffre d’affaires sera réduite à partir de 2015 et supprimée d’ici 2017. Le taux de l’impôt sur les sociétés, de 33,3 % devrait être diminué à 28% en 2020. La surtaxe de 10,7% sur cet impôt, instaurée en 2011, sera supprimée en 2016.

Au total, le plan de responsabilité devrait porter sur une quarantaine de milliards d’euros pour les entreprises. L’effort ne suffira pas à lui seul à modifier la compétitivité des entreprises françaises. Selon l’étude annuelle «Paying taxes 2014» publiée par la Banque mondiale et le cabinet PwC comparant les régimes fiscaux de 189 pays. La France  est un pays qui demande le plus aux PME avec un taux d'imposition global de 64,7% contre une moyenne mondiale de 43,1%. La France est le deuxième pays qui taxe le plus juste derrière l'Italie (65,8%). Ce taux est de 34 % au Royaume-Uni, de 49,4 % en Allemagne et de 52 % en Suède.  Si l’imposition sur r les bénéfices est faible en France avec un taux réel de 8,7%, le pays se caractérise par des taux de charges sociales très élevées, 51,7% contre 50,3 % en Belgique et 43,4% en Italie.

Les conséquences de cette politique de l'offre en termes économiques

Du fait des augmentations de charges enregistrées ces dernières années, ces mesures peuvent être jugées positives. Elles contribueront à améliorer le taux de marge. Mais, leur application est progressive ; leur effet pourrait être atténué voire effacé par de nouvelles augmentations de cotisations. Nul ne connaît réellement quel sera l’avenir de la cotisation pénibilité prévue par la loi sur les retraites de 2014.

En termes de croissance et de création d’emplois, les mesures annoncées ont donné lieu à de nombreuses prévisions divergentes. Le gain à terme pour le PIB pourrait être de 0,6 point. Pour, l’emploi, les évaluations ne sont guère précises car elles varient de 15 000 à 300 000. Le Haut Conseil des finances publiques ou le FMI ont exprimé des réserves sur l’impact des mesures proposées.

La croissance comme l’emploi ne se décrètent pas. L’une comme l’autre repose sur la confiance, sur une alchimie associant « capital », « travail » et « progrès technique ». Il est irrationnel de croire que les allégements de charges se traduiront automatiquement et de manière instantanée en créations d’emplois.

La politique de l’offre proposée est encore très technocratique. Les effets de seuil demeurent voire sont accentués. Les allégements de charges sur les bas salaires créent une chape de plomb freinant les évolutions salariales. Or, si la France a un problème de couts, elle est surtout confrontée à un mauvais positionnement économique avec une prédominance marquée dans le milieu de gamme. Compte tenu du niveau des coûts salariaux, la France devrait être comme l’Allemagne être spécialisée dans le haut de gamme. En lieu et place du jeu de bonneteau sur les charges, il faudrait mieux revoir de fond en comble la grille des cotisations, y intégrer l’ensemble des réductions de charges y compris celles liées à la réduction de temps de travail. Pour favoriser les bas salaires sans créer d’effets de seuil, il conviendrait d’instituer un abattement de charges sur les 500 ou les 800 premiers euros, abattement qui profiterait à tous les salariés.

Propos recueillis par Franck Michel / sur Twitter

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