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Fiscalité du capital: quand Bruno Le Maire favorise les rentiers et les spéculateurs
©BERTRAND LANGLOIS / AFP

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Plus le temps passe, et plus Bruno Le Maire paraît décidément fâché avec les chiffres et la logique fiscale. Son interview aux Échos où il détaille la fiscalité applicable au capital vient d'en apporter une nouvelle démonstration.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Le plan pour les indépendants en avait donné un premier aperçu: Bruno Le Maire comprend mal la problématique des entrepreneurs et se sent beaucoup plus à l'aise avec celle des rentiers et des spéculateurs. L'usine à gaz qu'il est en train de créer sur la TVA des auto-entrepreneurs (on retrouvera demain dans nos colonnes l'interview d'Hervé Novelli sur le sujet) le montre: pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué, et ainsi réduire l'impact des réformes visant à libérer l'activité indépendante en France.

Mine de rien, les annonces qu'il vient de faire sur la fiscalité du capital, et particulièrement sur le prélèvement forfaitaire unique, convergent en ce sens.

Le prélèvement forfaitaire unique à 30% et ses diables dans les détails

Donc, en matière de revenus du capital, le gouvernement entend mettre en place une flat tax de 30% supposée simplifier la vie des assujettis. Or, ceux-ci regroupent deux populations très distinctes: les rentiers qui ont peu ou prou hérité d'un capital, et les entrepreneurs qui ont besoin des revenus du capital qu'ils construisent jour après jour pour vivre et assurer le développement de leur activité. Parfois, les seconds ont besoin de l'argent des premiers pour y arriver, notamment au travers de ventes d'actions qui financent leur investissement. 

Assez curieusement, le gouvernement a entrepris de favoriser les premiers au détriment des seconds. Dans la novlangue macronienne dont Bruno Le Maire s'est emparé, celle s'appelle "récompenser ceux qui prennent des risques". De fait, le langage de Bruno Le Maire fleure bon l'ancien temps: quand le bonhomme fait profession d'un bon sentiment, il faut y comprendre immédiatement le contraire. 

Ainsi, la taxe de 30% est en apparence "juste" socialement puisqu'elle ne s'appliquera pas de façon frontale aux PEL, aux livrets A et autres produits d'épargne liquide, ni aux contrats d'assurance-vie inférieurs à 150.000€. Ceux-là garderont leurs avantages actuels. En revanche, elle s'appliquera au reste, avec une condition nouvelle: les exonérations fiscales pour les actions détenues pendant plus de deux ans (avec différents seuils) disparaîtront. 

Autrement dit, le fils à papa qui s'amuse à spéculer à la bourse sera frappé de la même taxe que l'investisseur de long terme qui immobilise une part de son épargne pour financer le développement d'une entreprise.

Les justifications si peu crédibles de Bruno Le Maire

Pour justifier la suppression d'une mesure qui encourageait au financement durable de l'économie, Bruno Le Maire explique qu'il ne veut pas mettre en place une "usine à gaz". L'homme qui vient de doubler le plafond de revenus de l'auto-entrepreneurs sans toucher au plafond d'exonération de TVA (créant ainsi une superbe usine à gaz) et qui présente une réforme de la fiscalité du capital pour le moins complexe, vient nous donner une leçon de simplification.

Ce faisant, il passe sous silence l'intérêt général de la disposition qu'il abroge: celle de récompenser les investisseurs fidèles par rapport aux spéculateurs. Dans le meilleur des cas, on dira que le ministre place bien mal ses priorités fiscales et ne prend pas la mesure des formules à l'emporte-pièce qu'il utilise.  

Les start-up durement touchées

Bruno Le Maire prétend financer l'innovation à coup de milliards. Là encore, on retrouve le réflexe du haut fonctionnaire qui pense que l'économie est une affaire "macro", et que l'apport individuel de l'entrepreneur à la richesse collective est quotité négligeable. 

Car s'il mettra potentiellement dix milliards sur la table pour financer cette innovation (il faudra bien un jour expliquer ce que signifie concrètement cette expression), il prend dans le même temps une mesure qui va frapper au porte-feuille toutes les start-up auto-financées et tous les salariés qui en font le succès. 

La suppression de la condition de durée de détention va en effet alourdir considérablement l'intérêt économique de la distribution gratuite d'actionsdans les start-up. Or, on le sait, alors que l'Éducation Nationale est incapable de produire en nombre suffisant les développeurs dont la nouvelle économie a besoin, beaucoup de start-up fidélisent leurs meilleurs collaborateurs en les associant à leur capital. Pour les start-up autofinancées, c'est souvent la seule arme à leur disposition pour résister à la concurrence salariale des copains du gouvernement qui disposent des millions apportés on ne sait trop comment par la BPI et d'autres instances de ce genre.

Ben oui, mais cette arme-là disparaît désormais grâce aux petits détails de Bruno Le Maire qui feront les délices des fonds spéculatifs. Ceux-ci viennent, grâce à l'aversion de Bruno Le Maire pour les usines à gaz, de neutraliser l'arme dont les vrais entrepreneurs disposaient pour leur résister. 

Article publié sur le site d'Eric Verhaeghe

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