Finis les steaks et autre fromages vegan : mais comment en sommes-nous arrivés là de toute façon ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Finis les steaks et autre fromages vegan : mais comment en sommes-nous arrivés là de toute façon ?
©Bennett Raglin / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

En force

Ces dernières années, le véganisme n'a cessé de gagner du terrain chez les individus mais aussi dans les rayons.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

Voir la bio »

Atlantico : Le véganisme a indéniablement gagné du terrain chez les individus. Comment expliquez-vous cet engouement ? Est-ce une tendance de fond ou un effet de mode selon vous ?

Catherine Grangeard : On le constate effectivement, par exemple lors de repas où l’on retrouve des convives se convertissant les uns après les autres, etoù la conversation sur le sujet occupe une bonne partie des échanges.

Est-ce une nouvelle croyance ? Ses bases sont multiples. D'abord, la santé. Les informations sur les effets cancérigènes des viandes rouges sont des arguments qui reviennent sans cesse. Les végans sont aussi des personnes prenant plus soin de leur santé que d'autres : elles sont donc très alarmées sur les méfaits de l’alimentation ultra-transformée, sur les ravages des perturbateurs endocriniens, etc.

D’autres bases du mouvement véganisme reposent sur le respect des animaux. Les êtres humains ont-ils le droit, pour se nourrir, de les massacrer ? L’élevage industriel est particulièrement atroce, l’abattage aussi. Nous sommes loin de la chasse et la cueillette !

Enfin, un troisième volet est écologique. Pour produire une vache, la mobilisation de ressources est immense par rapport aux champs qui pourraient nourrir beaucoup plus de personnes. Nous mangeons trop et le gâchis alimentaire en occident est problématique. Pour une même qualité d’apports nutritionnels, nous le savons maintenant, on peut se nourrir autrement, et mieux.

Donc, non, cela ne semble pas une mode. Cela me semble aller dans le sens de l’Histoire, au contraire.

Cet engouement gagne également du terrain dans nos supermarchés. Les produits végan enregistrent une croissance de 80% par an. Comment expliquer une telle progression commerciale ?

Je ne vais pas reprendre et développer les éléments avancés à la question précédente. Les commerçants surfent toujours sur les tendances de leur clientèle et c’est absolument logique ! Comme on part de pas grand-chose, la progression est donc impressionnante.

Tous les scandales alimentaires sont des « pousse à la conversion » des consommateurs. Comme les scandales se multiplient, le reste suit ! La meilleure publicité, c’est la défaillance des autres produits.

Ensuite, une partie de la population aime la nouveauté, a une affection pour le changement. Il n’est pas certain qu’elle restera vegan. Cela peut être un passage correspondant à une étape de vie. C’est assez vrai pour les jeunes adultes, qui contestent ainsi un modèle familial d’alimentation en prenant leur indépendance et pour les adultes n’ayant plus d’enfants à la maison, vieillissant, se préoccupant davantage de leur santé et ayant le temps et les moyens économiques.

Cela correspond aussi à un questionnement plus large sur la vie. C’est pour cela que l’on emploie souvent le terme « mouvement » végan. Les mots ont leur importance !

Un élu LREM souhaite interdire aux fabricants de produits végétaux le droit d'utiliser les mots "steak" et autres "filet" pour les qualifier. Que pensez-vous de cette idée ? Cela pourrait-il avoir un impact néfaste sur le commerce ?

Ce qui m’a toujours interpellée, c’est cette utilisation des « mots de l’autre ». Ce qui me semble une erreur, voire un non-sens. Si on déteste la viande, pourquoi en utiliser les « mots » ?

Le steak de soja. Pourquoi ? Ceux qui aiment la viande continueront à préférer l’original à la copie et donc à en consommer. Les autres, quittant la viande, qu'ils n’aiment pas du tout, systématiquement ou de temps en temps, ceux-là ne vont pas avoir des étincelles dans les yeux en entendant ce terme. Au contraire, certains disent « la viande ? ça me donne maintenant envie de vomir ! »

Les gens seraient habitués à constituer les repas autour d’un plat de viande. Est-ce une raison pour les industriels végan ? Mais alors, quand on veut changer les modes de consommation, rappeler sans cesse ce qui se passait avant la "Révolution", est-ce bien malin ? Au contraire, pour se déshabituer de cette nourriture, il vaudrait mieux aller jusqu’à en remplacer les termes par quelque chose d’appétissant, de vendeur !

La clarté du message me parait inciter celles et ceux qui souhaitent modifier leur alimentation à le faire. Si on garde les « mots de l’autre », si on n’a pas trouvé mieux pour qualifier cette nourriture, si saine, si respectueuse, ne serait- ce justement parce que le « must » reste la viande ?

Les réticences sont un contre-sens à la valeur du credo.

Les marchands de viandes peuvent revendiquer la primauté de leurs produits par ce fait même et taxer de mode les « steaks de soja », pour reprendre l’exemple. Inventer un synonyme ne doit pas être bien compliqué pour le marketing pour s‘imposer clairement chez les consommateurs. Non, je ne crois pas du tout que ces produits aient besoin de ce vocabulaire beaucoup trop connoté et finalement dévalorisant pour des produits dont l’ADN est de les contester comme nécessaires et nutritionnellement intéressants.

Curieusement, si le projet a pour objectif de protéger la viande, paradoxalement ce serait un service rendu à ces produits qui critiquent la nourriture animale, et la disent pourrie !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !